L’alchimie, en voilà un concept étonnant, et pour cause ! Avouez-le, il suffit que l’on vous évoque un phénomène alchimique pour que vos esprits divaguent et s’imaginent des scènes de magie dignes des plus grands films de cinéma. Et pourtant, il s’agit là d’un sujet tout sauf léger.

A l’origine de l’alchimie

L’alchimie, apparaissant entre le Ier et IIIè siècles, est qualifiée de réelle discipline qui consiste en un ensemble de pratiques liées à l’utilisation et à la transformation de métaux. Pour quoi faire vous dites ? Il suffisait de demander. Cette pratique a pour objectif premier le Grand Œuvre. En alchimie, cela signifie la réalisation de la Pierre Philosophale, agent capable de transmuter les métaux vils en métaux nobles tels que l’or, de permettre un élixir de longue vie amenant l’immortalité et de guérison universelle, autrement appelée la panacée. Comme ça, ça donne plutôt envie non ?

Les réflexions alchimiques ne datent pas d’hier. On les retrouve dès le IVe siècle avant J.C en Chine. En occident, elle naît au sein de l’Egypte gréco-romaine puis dans le monde arabe. Elle est transmise au Moyen-âge et prend forme à la Renaissance. A partir du XVIIIème siècle, l’alchimie, qui était au départ un terme analogue à celui de chimie, se fait plus rare et plus discrète tandis que la chimie moderne s’impose sur le devant de la scène avec Antoine Lavoisier. Les recherches de ce chimiste français ont prouvé que les métaux étaient des substances simples et non des corps composés comme l’avançaient les alchimistes.

Al-Razi, dans le Recueil des traités de médecine de Gérard de Crémone (1250-1260)
Al-Razi, dans le Recueil des traités de médecine de Gérard de Crémone (1250-1260)

On vous le concède cela fait beaucoup à emmagasiner, mais ça vaut le coup, c’est promis. Et comme chez Cultur’easy on est vraiment sympas, on a décidé de vous concocter un top 10 des théories alchimiques dont les secrets nous seraient bien utiles…

En plus d’avoir des objectifs de transmutation et de guérison, l’alchimie a également une valeur ontologique et métaphysique cruciale. La matière et ses principes n’ont aucun secret pour ce philosophe hors pair. Selon lui, la matière et l’esprit sont co-dépendants et s’interpénètrent créant ainsi une énergie unique. Le concept de nature se veut donc au centre de son étude. Différentes théories ont dès lors émergé, qui parfois se rejoignent, se complètent ou au contraire, s’opposent fermement.

1. La maitrise des trois principes de base, la tria prima 

Selon les anciens, dont Paracelse, la maîtrise de l’alchimie n’était possible que par l’utilisation de trois principes : le soufre, le mercure et le sel et des quatre éléments aristotéliciens étant l’eau, l’air, la terre et le feu. Ces composantes fonctionnant de concert. Elles avaient pour finalité d’expliquer les cycles de la vie humaine, animale, végétale ou minérale ainsi que les cycles de l’âme, la vie, la mort, la résurrection. Plutôt intéressant non ? Pour les curieux, nous avons tenu à vous mettre en exergue ces trois principes incontournables.

Allégorie de l’alchimie
Allégorie de l’alchimie

Le soufre est considéré comme un principe mâle et actif. Il est associé à l’élément du feu qui lui permet d’obtenir chaleur et sécheresse. Le mercure est au contraire un principe femelle et passif, il se lie à l’eau permettant le froid et l’humidité. Il semblerait que l’union de ces deux principes puisse créer des composés naturels humides, secs, froids ou chauds et sont analogues à d’anciennes recettes alchimiques. Enfin le sel, troisième principe, vient se joindre à ce trio mystique afin de permettre une certaine stabilité dans la composition.

Selon Paracelse, le soufre brûle, le mercure fume et le sel crée des cendres. Au moment où l’alchimiste décompose un principe et y découvre ce qui le constitue, le principe du mercure s’envole de façon volatile, le soufre se sépare à la manière d’une huile et le sel se transmue en une matière transparente, cristalline.

2. L’Œuvre au Noir

Petit retour vers le XVIIe siècle. A cette époque, la méthode alchimique à suivre était sans commune mesure fondée sur L’Œuvre au Noir. L’objectif était de ramener la matière à un composte vil, ressemblant fortement à de la terre noire. Les étapes sont cruciales et précises. La première est de réaliser un mercure dit « primitif ». Par la suite, il convient de mettre ce principe au contact du soufre et de l’arsenic ce qui aurait comme résultat une matière de couleur noire assez fibreuse et repoussante.

A partir de là, le travail de l’alchimiste se révèle de purifier la matière par ce qu’on appelle au contraire L’Œuvre au blanc. Pour ce faire, le savant peut passer soit par la voie sèche en créant une pierre blanche, soit par la voie humide afin de récolter un élixir blanc. Le passage du noir au blanc a pour finalité de déprendre l’homme de ses failles, ses vices et ses défauts pour lui permettre de sublimer son être par la pureté et l’honneur.

L'Alchimiste, par Sir William Fettes Douglas
L’Alchimiste, par Sir William Fettes Douglas

3. La théorie ésotérique

Pour avoir accès à la connaissance du monde des cieux, il convient de maitriser l’astronomie, la science du mouvement des planètes et la mythologie. De là naissent les notions de propriétés harmoniques. Il en est de même pour l’astrologie, permettant de déchiffrer les diverses clés de compréhension. Faire fi du placement planétaire ne permettrait en aucun cas de comprendre les règles alchimiques, ce qui serait, disons-le, bien dommage !

4. La théorie corpusculaire

Selon Anaxagore et Empédocle, les éléments à l’apparence compacte seraient en fait constitués de microparticules. Ceci établi, il serait possible pour un artisan de les infiltrer dans celles d’un métal vil (plomb, mercure). En 1646, Johannes Magnenus fit l’expérience de broyer une rose et d’y mélanger les parcelles dans un vase en verre. Il scella le tout et le chauffa à l’aide d’une chandelle. Il se rendit compte que les corpuscules s’étaient rassemblés et avaient formé à nouveau une rose. Incroyable !

5. La théorie des Minima Naturalia 

Cette théorie soutient également que la matière est le fait de particules, de constituants, mais invisibles, qui jouent un rôle crucial lors des expérimentations chimiques.

Jan van der Straet - Le laboratoire de l'alchimiste (1551)
Jan van der Straet – Le laboratoire de l’alchimiste (1551)

6. La théorie mercurialiste 

Ici, seul un élément compte, le mercure. L’argument soutenu est le suivant « Tous les corps métalliques ont une origine mercurielle hautement semblable à l’or » (Starkey). Le Pseudo-Arnauld de Villeneuve soutient que la pierre philosophale est faite de mercure alchimique mais que les autres éléments ne peuvent être caractérisés de principes à proprement parler, ils découlent du mercure ou le servent.

7. La théorie des quatre éléments et des deux principes 

Selon cette théorie, tous les êtres et les métaux sont composés de deux principes étant le soufre et le mercure. Newton détaille cette notion en indiquant que le mercure est un principe passif, féminin et froid et que le soufre au contraire est actif, masculin et chaud. Le premier est constitué de particules fines tandis que le deuxième de particules plus épaisses.

8. Le Panpsychisme 

Attention, ça devient un peu technique ! Certains alchimistes et savants stoïciens affirment que l’esprit vit dans les corps. Marsile Ficin affirme qu’un Esprit cosmique se fait le médiateur entre l’Ame du monde et le Corps du monde. Il s’agit de l’éther qui est à en croire ses mots : « la cause immédiate de toute génération et de tout mouvement », ce qui permet de traverser le Grand Tout. Ainsi, l’alchimiste pourrait attirer cet Esprit, qui lui, maitrisant les forces astrales, pourrait changer les choses. Intéressant…

Laboratoire de l'alchimiste Hans Vredeman de Vries (vers 1595).
Laboratoire de l’alchimiste Hans Vredeman de Vries (vers 1595).

9. La Table d’Emeraude, ou les miracles de l’œuvre unique

Il s’agit-là d’un texte hermétique fondamental pour les alchimistes. Datant du sixième siècle, il aurait été réalisé par un philosophe arabe. L’on peut y lire « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, pour accomplir les miracles d’une œuvre unique ». Curieux…

C’est au XVIIème siècle que Pierre-Jean Fabre, médecin du roi, comprend qu’il existe une identité unique entre les trois chaines de la nature, donc des animaux qui sont des êtres d’en haut et les minéraux, qui sont des êtres d’en bas. Selon lui, il est donc possible d’invoquer le corps et l’esprit des minéraux et des matières. Il a donc théorisé l’idée d’un lien entre le macrocosme, caractérisé par l’univers et le microcosme, l’homme.

10. La théorie stoïcienne

On arrive au bout ! Chez les stoïciens, la matière est unique et se déploie juste de différentes façons. Les principes de cette pensée se scindaient en deux camps, d’une part l’agent, de l’autre le patient. L’agent peut être caractérisé comme la puissance, la force et la cohérence. Autrement dit, il s’agissait de Dieu. Le patient était donc l’agent mais dans une forme passive, qui transmettait ses qualités aux minéraux, sa forme aux êtres végétaux et son âme aux animaux. C’est ainsi que l’univers était une seule et même unité.

Jâbir ibn Hayyân, dit Geber, l'alchimiste arabe.
Jâbir ibn Hayyân, dit Geber, l’alchimiste arabe.

« Im Anfang war die Tat ! », « Au commencement il y eut l’action ! ». Cela vous dit quelque chose ?

Il s’agit d’une citation de Faust, œuvre écrite par Goethe. Il dépeint ainsi assez bien la pensée alchimique. Commencer par expérimenter en laboratoire. Après de nombreuses recherches, il semblerait que les alchimistes n’aient pas encore mis le doigt sur ces précieux joyaux tant convoités, mais ils restent persuadés d’une chose : le secret perdure, et c’est au cœur de soi, de la matière, qu’il convient d’aller le chercher !

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Par  Leana Zocolan ,

Les mots, c’est la seule chose qu’on ait et qui nous reste, quoi qu’il arrive, la seule trace gravée sur le papier. J’écris depuis que j’ai l’âge de tenir un stylo parce que c’est ma façon à moi de respirer, de reprendre une bouffée d’oxygène. Dire l’amour, la haine, la colère, la joie, les goûts et les choses, dire et se dire, je trouve qu’il n’y a rien de plus puissant.

3 Commentaires

  1. Bonjour, j ai peut etre une explication plausible du texte de la tablette d émeraude. j aimerai trouver des personne intéresses avec qui en discuter si possible.
    merci pour l article.

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