À l’occasion de la Journée Européenne des Métiers d’Art, coup de projecteur sur cinq métiers méconnus de l’écosystème de l’art qui créent avec leurs mains.

Les métiers d’art sont l’héritage de savoir-faire élaborés au fil des siècles et soigneusement conservés par des artisans d’excellence. Sous leurs mains qui créent, transforment ou restaurent la matière, naissent des pièces d’exception. Mais derrière les gestes et la technique transparaît surtout la passion de ces hommes et de ces femmes. Rencontre avec cinq de ces artisans d’art, au cœur d’or et aux doigts de fées.

L’artisan-verrier, un passeur de lumière

Elément d’architecture religieuse et profane, support théologique ou purement décoratif, les vitraux ne cessent de fasciner ceux qui les contemplent. Au service de ces œuvres tout en transparence et en couleur : des travailleurs de l’ombre. Artisan-verrier au sein de l’atelier Vitrail France (72), Colombe Breysse fait jaillir la lumière des ténèbres.

Devant ces œuvres fragiles, parfois millénaires, la première tâche de Colombe consiste à les restaurer. Décrasser les pièces de verre, les assembler, renforcer les soudures fragiles, retoucher les peintures ou les grisailles… L’émotion d’un vitrail brisé qui retrouve toute sa majesté ? Elle la ressent devant des œuvres aussi variées que les vitraux du château de Pierrefonds ou ceux de la cathédrale de Reims.

Mais les doigts de Colombe ne se contentent pas de réparer : ils savent aussi créer. Processus exaltant que celui de concevoir une œuvre, d’en élaborer les formes et les couleurs puis de lui donner vie. Pour ce travail de création, l’atelier Vitrail France travaille de concert avec des artistes. L’une de leurs dernières créations illumine aujourd’hui le transept de la cathédrale de Bayeux.

Cathédrale de Bayeux
Colombe restaure et crée des œuvres de transparence et de lumière

Restauration-conservation, la médecine de l’art

À l’hôpital des œuvres d’art, c’est le temps qui fait le plus de ravages. Toiles déchirées, peinture soulevée et écaillée, vernis jaunis, couches de poussière… Autant de symptômes qui endommagent nombre d’œuvres anciennes. Osanne Darantière a à cœur de restaurer peintures et objets d’art polychromes afin de pouvoir les transmettre aux générations futures. 

Restauration d'une œuvre ayant souffert du temps (photo Osanne Darantière)
Restauration d’une œuvre ayant souffert du temps (photo Osanne Darantière)

À l’image d’un médecin auscultant ses patients, Osanne commence par analyser les œuvres endommagées afin d’en déterminer les matériaux constitutifs. La restauration peut être conservatrice pour stopper les altérations du temps ou esthétique pour redonner à l’œuvre son éclat d’antan. Quel que soit le traitement choisi, l’essentiel est de se rapprocher le plus possible de l’esprit d’origine. Un véritable challenge technique, matériel et humain.

Osanne se souvient notamment de la restauration du tableau d’une Vierge à l’Enfant en Iraq. Devant l’impossibilité d’emporter par avion tout le matériel nécessaire, elle complète tant bien que mal son stock sur place. Le chantier de deux semaines seulement, est entrecoupé par d’incessantes coupures d’électricité, ralentissant le travail. Mais la joie de la communauté chrétienne découvrant cette œuvre chère à leur foi valait bien toutes ces peines.

Créateur(s) de bijoux, de l’or au bout des doigts 

Au sens propre comme au sens figuré, la confection d’un bijou requiert d’avoir de l’or entre les mains. De nombreux artisans d’art prennent part à ce long processus de création : joaillier, lapidaire, sertisseur, polisseur… Faire naître le Beau sous ses doigts, c’est la passion qui anime Clothilde de Amorim. Gemmologue et designer de bijoux, elle intervient à différents stades du processus de conception et de fabrication de bagues de fiançailles.

Au sein d’une bijouterie parisienne, elle aide les clients à choisir les meilleures pierres précieuses. Elle se charge ensuite de l’achat des gemmes brutes, qui seront taillées par le lapidaire de l’atelier. Une fois le bijou fini, elle l’examine sous toutes ses coutures, avant la vente finale.

 De retour chez elle, Clothilde développe son activité de designer de bijou freelance
De retour chez elle, Clothilde développe son activité de designer de bijou freelance

Sur commande, elle dessine des modèles de bagues. Sa connaissance des pierres précieuses lui permet de concevoir le meilleur écrin possible pour les mettre en valeur. Elle modélise ensuite ses dessins en 3D afin de pouvoir réaliser un moule de la monture de la bague. C’est dans ce moule que sera coulé l’or nécessaire à la fabrication du bijou. Une fois polie par le joaillier, la monture accueillera la gemme, enchâssée par le sertisseur. Chacun apportant ainsi sa pierre pour concourir à la création du Beau.

L’enluminure, un art de patience et de persévérance

Être enlumineur au XXIème siècle, un rêve un peu fou ? Ce métier n’est-il pas irrévocablement associé à la période médiévale ? Au travail des moines-copistes qui, au sein de leur scriptorium, enluminaient patiemment des centaines de manuscrits ? Mais à cœur vaillant, rien d’impossible ! Digne héritière de ces peintres ecclésiastiques, Magdeleine Leroux perpétue fièrement un savoir-faire oublié.

Enluminure de  Magdeleine Leroux  (photo  Magdeleine Leroux )
Enluminure de Magdeleine Leroux (photo Magdeleine Leroux )

L’art de l’enluminure consiste à calligraphier, dessiner et mettre en couleur lettres, ornements et symboles, religieux ou profanes. Pour mettre en lumière ses oeuvres, Magdeleine fabrique sa propre peinture composée de pigments naturels. Ceux-ci sont d’abord broyés très finement puis mélangés à de la gomme arabique, du jaune d’œuf et du miel. La peinture ainsi obtenue est alors déposée sur du parchemin ou des supports en peau de chèvre.

Sous son pinceau, Magdeleine donne vie à des réalisations alternant entre copies de manuscrits médiévaux et créations originales. Pour le moment, elle pratique l’enluminure exclusivement sur son temps libre, exerçant parallèlement comme infirmière en soins palliatifs. Elle espère pouvoir vivre un jour de son art en vendant ses œuvres et en dispensant des cours. Choix audacieux d’un métier de patience et de persévérance au cœur d’un monde qui cherche à aller toujours plus vite.

L’artisan-relieur, habilleur de livres anciens

Comment rester indifférent devant un vieux livre à la couverture patinée par le temps ? Ou rester insensible en tournant les pages jaunies et écornées d’ouvrages, passés de mains en mains ? Adoucir l’usure du temps sur ces livres anciens, c’est en préserver la part de mystère pour les générations futures.

Amoureuse des livres et consciente de leur vulnérabilité, Apolline de Amorim désire devenir artisan-relieur. Elle suit actuellement une formation professionnelle d’un an au sein de l’atelier d’un artisan bordelais. Elle y apprend à assembler les différents cahiers qui composent un livre et à les coudre ensemble. Pour finir, elle les recouvre ensuite de plats cartonnés, parfois ornés de cuir ou de papiers de couleur. L’essentiel, sous chaque reliure, est bien de garder la spécificité de l’ouvrage. Autrement dit, un livre du XVIIe siècle ne sera pas relié comme un livre du XXe siècle.

Nouvelle couverture pour les Mémoires de St Simon (photo Apolline de Amorim)
Nouvelle couverture pour les Mémoires de St Simon (photo Apolline de Amorim)

Apolline est à présent familière des outils du relieur : couteau pour parer le cuire, plioir en os… Mais elle a également découvert l’importance d’un outil qu’elle avait négligé jusque-là : ses mains. Les livres qu’elle relie ne sont pas pour elle une invitation à l’aventure mais une révélation. Le vrai trésor se trouve au bout de ses bras…

Colombe, Osanne, Clothilde, Magdeleine et Apolline : des femmes de passion et de talents.

Dix paires de mains qui créent des œuvres de lumière et de couleurs. Dix paires de mains qui restaurent et préservent des œuvres fragiles afin de les transmettre aux générations futures. Un bref éclat du travail des artisans d’art, à découvrir et à admirer sans tarder !

Apolline se forme dans un atelier pour devenir artisan-relieur  (photo Apolline de Amorim)
Apolline se forme dans un atelier pour devenir artisan-relieur (photo Apolline de Amorim)

Découvrez également notre série de podcast : De l’autre côté de l’affiche dans laquelle nous rencontrons celles et ceux qui œuvrent dans l’ombre de la Culture (comme Laurent, tapissier au château de Versailles).

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Par  Béatrice de Place ,

Guide-conférencière motivée et dynamique, j’ai à cœur de partager ma passion pour l’Histoire, l’art et le patrimoine au travers d’articles, de visites guidées et de conférences. Evadez-vous au rythme de mes mots aux quatre coins du monde et que puisse vous prendre l’envie de chausser vos chaussures et de partir vous-même à la découverte des richesses de votre histoire et de vos régions !

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