Des paillettes, du secret, un bond dans le temps, des rideaux à franges et beaucoup de talent. Cabaret, c’est en ce moment au Kit Kat Club à Londres, et tout de suite dans C’est comme la confiture !

Crédits : Podcast proposé par Cultur’easy
Concept de Marion Labbé-Denis
Écriture et Voix de Marion Labbé-Denis
Musique Originale de Lucas Beunèche
Montage & Mixage de Lucas Beunèche
Conseil artistique : Caroline Garnier
Production artistique : Elodie Bedjai

Retranscription de l’épisode Willkommen, Bienvenue, Welcome : Cabaret

Il n’y pas longtemps je suis allée passer quelques jours à Londres. J’ai pris l’Eurostar,  le fameux tunnel qui passe sous la manche. Je vais vous faire une confidence. Quand j’étais petite, je crois que j’avais pas bien saisi le concept du tunnel. Alors, je pensais que depuis le train, quand on passait sous la Manche on pouvait voir… des poissons. Oui, oui, je crois que j’ai un peu trop regardé le bus magique quand j’étais petite. Alors non -spoiler alerte- on ne voit pas du tout les poissons. Il fait juste nuit, comme dans n’importe quel tunnel. Je sais, c’est décevant.

Quelques semaines plus tôt, on m’avait chaudement recommandé d’aller voir Cabaret au Kit Kat Club. On m’avait dit, je cite : “C’est une expérience incroyable”. Je n’en avais jamais entendu parler. Mais je savais que j’avais très envie d’aller voir une comédie musicale dans le West End. Et mon interlocuteur s’était montré tellement convaincant que j’ai décidé de me faire un cadeau. Je me suis pris une place pour aller voir ce fameux spectacle. Sans trop savoir de quoi il s’agissait puisqu’il y avait assez peu d’éléments dispos sur ce que j’appelle communément « Les internets ».

Bon, d’abord, il y a une chose qui me fascinera toujours à Londres, c’est le temps

Pourtant, je suis bretonne. J’ai l’impression d’avoir du galon, d’être plutôt aguerrie niveau pluie. Cependant, j’ai toujours du mal à saisir comment c’est possible de plisser des yeux parce qu’on est éblouis par le soleil. Tout en prenant des seaux d’eau sur la frange. Vraiment question météo, quelque chose de fondamental m’échappe en Angleterre. 

Mais enfin, à peine arrivée j’ai déposé mes affaires et filé prendre le métro pour rejoindre le Kit Kat Club. Qui venait de m’écrire un mail pour me dire que ce serait quand même mieux si j’arrivais avec une heure d’avance. Pour bien profiter de la vie. Enfin il m’avait envoyé un mail mais pas qu’à moi hein. Mais bref, moi, docile, j’y vais.

À 18h30, je rejoins la file des gens qui patientent sous une fine pluie à l’extérieur du théâtre. Évidemment, j’ai passé l’après-midi à me dire : “Non je n’achèterai pas de parapluie à l’effigie de la reine d’Angleterre pour un petit crachin”. Je me prends donc allègrement des gouttes sur le visage, sans broncher, comme si ça ne me touchait pas. Et évidemment, que je finirais par l’acheter ce fichu parapluie. Mais une fois qu’il sera trop tard pour sauver toutes velléités d’avoir le cheveux brillant.

Il faut savoir que je suis absolument fan de tout ce qui est cabaret

Pour moi, les cabarets, ce sont des espaces de liberté absolument fascinants. Dans lesquels on ne sait pas toujours ce qu’on vient chercher, mais où on est quasiment sûrs de le trouver. Comme je vous le disais, je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre. Et pour cause, en arrivant on vous met un petit sticker à l’effigie du théâtre sur les lentilles d’appareils photos. Ce qui se passe au Kit Kat Club, reste au Kit Kat Club. Et pour sûr, ça fait partie d’une stratégie marketing très efficace. Puisque ça crée une sorte de mystère un peu épais qu’on a très envie de traverser.

Impatiente, je présente mon sac à main au monsieur de la sécurité. Et ce faisant, je réalise que j’ai une brosse à cheveux dans mon sac pour une raison inconnue. Oui, je fais les inaugurations d’expositions du Musée d’Orsay avec un tupperware de taboulé dans la sac à main. Et je vais voir des comédies musicales armée d’une brosse à brushing. Il faut croire que mon inconscient a sa propre logique. Si vous n’avez pas la référence, je vous invite à écouter le tout premier épisode de ce podcast, consacré à Edvard Munch. Vous en saurez plus sur ma passion pour les pique-niques. J’arrête là cette auto-promo. Et je reviens donc à la rencontre furtive entre ma brosse à cheveux et le monsieur de la sécurité. Pas décontenancée pour un sous, je finis par descendre les escaliers.

Je présente mon portable pour qu’on lui applique sa gommette et j’arrive dans cet endroit complètement hors du temps

Il y a des rideaux à franges et des performers aussi, derrière ces rideaux. Une lumière tamisée, de la musique, des décors éblouissants et dès l’entrée on vous propose un petit verre de Schnaps. Ça met dans l’ambiance. Les comédiens et danseurs déambulent habillés ou déshabillés de satin et de cuir, ou même de peignoirs. Leurs yeux sont maquillés et charbonneux. Ils jouent du piano, de la clarinette, du violon. Ils occupent l’espace avec une grâce assez dingue.

Le décor, c’est un mélange de dorures, de moquette et de carrelage en noir et blanc. C’est un dédale de couloirs et de marches ponctuées de bars qui entourent l’accès à la salle de spectacle. Il y a des échelles qui surplombent les bars pour que les comédiens puissent monter sur des balcons surélevés. Et d’immenses fresques, qu’on dirait dessinées au fusain, habillent certains murs. Quand on lève les yeux, on y découvre des reflets qui semblent danser au plafond. Ça respire l’irréel mais on ne fait pas que le voir, on est dedans. On en fait partie avec les autres spectateurs. Et cette première partie qui n’en est pas une, nous met tout de suite en condition pour apprécier le spectacle qui va suivre.

Cabaret, la pièce que l’on s’apprête donc tous à voir, c’est une comédie musicale

Écrite par Joe Masterroff pour le livret, Fred Ebb pour les paroles et John Kander pour la musique. À la base, l’histoire, c’est une adaptation de la pièce de Am I a Camera. Qui elle-même vient d’un livre intitulé Berlin Stories de Christopher Isherwood. Bon vous l’aurez compris, c’est l’histoire sans fin l’origine de cette intrigue. On pourrait presque croire que ça remonte à l’antiquité le bazar. Mais non, ça s’arrête là, à Christopher Isherwood. L’histoire d’Isherwood est reprise pour devenir une comédie musicale qui sera elle-même adaptée à plusieurs reprises par la suite. Mais enfin, toujours est-il que c’est en 1966 que la première adaptation en comédie musicale de “Cabaret” voit le jour.

Moi je me souviens surtout d’avoir adoré le film, « Cabaret » qui est sorti en 1972. C’est un film de Bob Fosse avec Liza Minnelli qui a d’ailleurs remporté 8 oscars. Mais la dernière fois que je l’ai vu c’était en DVD, autant vous dire que ça commence à remonter. Et cette fois-ci, j’avais pas révisé avant d’y aller, donc je ne vous cache pas que j’ai redécouvert l’intrigue ce soir là. 

En gros, c’est l’histoire d’un américain, Clifford, qui débarque à Berlin dans les années 30

Pour donner des cours d’anglais et trouver l’inspiration pour son prochain roman. Là bas, enfin dans le train pour Berlin, il rencontre un allemand qui s’appelle Ernst. À qui il donne des cours et qui trafique des bails pas clairs clairs. Mais à priori il est sympa et il lui permet de trouver un logement et de découvrir Berlin. Enfin, Berlin mais aussi et surtout, le Kit Kat Club. Un cabaret où tout le monde fait un peu des folies de son corps. Et où on tente d’oublier la menace sourde qui pèse sur l’Allemagne dans ces années là.

Clifford, au Kit Kat Club, il rencontre Sally Bowles, une meneuse de revue étonnante. Qui très peu de temps après leur rencontre, décide – un peu unilatéralement au départ-, de s’installer avec lui. Dans la chambre qu’il loue à sa logeuse, Fraulein Schneider -je parle pas allemand, ça s’entend. Mais enfin, ils démarrent tous les deux une histoire d’amour joyeuse et animée. Et on suit en parallèle le début de l’idylle de Fraulein Schneider, la logeuse, avec un épicier juif. Mais très vite, enfin dès la fin du premier acte, la montée du nazisme, vient assombrir leurs histoires respectives.

La Comédie Musicale en elle-même a été reprise partout. Aux États-Unis, en Angleterre, à Amsterdam, Madrid, même en France avec Marc Lavoine dans les années 90. Si, à un moment donné, il y avait Marc Lavoine. Bon et ça continue encore et encore puisque le Lido 2 Paris l’a repris l’hiver dernier.

C’était la première fois que je voyais cette comédie musicale IRL, In Real Life

Oui, je parle pas allemand, mais je me débrouille en anglais. Et j’ai trouvé cette mise en scène INCROYABLE. La scène est ronde, comme un petit carrousel en bois. Et elle est visible de tous les côtés, avec un plateau qui tourne, comme les dessous de plats des années 90. Enfin, elle dispose de trois cercles qui peuvent tourner, monter et descendre indépendamment. Ce qui fait que même si le plateau n’est pas grand, il doit faire trois ou quatre personnes allongées de diagonale pas plus. Eh bien ça donne du relief, à leurs mouvements, à leurs déplacements et à l’histoire, c’est hyper réussi.

Et puis, le contexte joue aussi beaucoup. À aucun moment, on oublie où on se trouve parce que la salle fait partie intégrante du décor du spectacle. Les premières places tout près de la scène en bas sont disposées deux par deux. Avec juste une lumière ronde entre les sièges de velours qui font face à de petites tables ovales en bois sombre. Il y a des lustres à frange qui descendent du plafond. Aux balcons de chaque côté de la scène en hauteur, il y a l’orchestre. Avec deux pianos, une contrebasse, un accordéon, une trompette, un saxophone, une batterie, et j’en oublie. Et puis il y a ce lustre immense tout en haut, et au plafond des moulures et des dorures, c’est définitivement enivrant.

J’ai tout aimé de ce spectacle

Les artistes qui continuent de jouer avec le public tout au long de l’histoire. Le meneur de revue, les acteurs, les chansons, la musique qu’on reconnait sans la connaitre, « Willkommen ! Bienvenue ! Welcome ! ». Il y a même des réverbères sur les balcons des musiciens. C’est comme un espace-temps différent dans lequel on entre et qui donne la sensation d’être comme dans du velours. Autant au niveau des sons que du visuel et des odeurs. En sortant de là, j’avais l’impression de flotter.

Personnellement, j’étais assise au deuxième balcon. Je vous le dis dès à présent, mieux vaut ne pas avoir le vertige, c’est assez haut. J’ai trouvé ça audacieux d’ailleurs, que l’on puisse conserver son verre en étant si haut. Parce que, j’ai sans le vouloir donné un petit coup de coude à mon voisin, pas méchant hein, mais il tenait son verre la main. Je pense qu’à nous deux, on aurait pu blesser quelqu’un. Ça aurait été une toute autre ambiance. Heureusement, qu’il y tenait à son verre. Sans quoi c’était le drame.

Mais enfin, les voir comme ça sur la scène, si proche en plein milieu, ça relève un peu du numéro d’équilibriste. On voit le chef de l’orchestre qui se penche au balcon pour donner le top départ au bon moment. Ça donne l’impression qu’ils sont tous, tout le temps sur le fil. C’est brillant, grisant et on en savoure chaque seconde. C’est un ascenseur émotionnel. Entre les scènes d’ouverture, la joie, l’impertinence qui s’en dégage et la version finale de la chanson Cabaret. Absolument glaçante de Sally Bowles interprétée par Emily Benjamin ce soir là. Je suis sortie un peu sonnée, mais ravie, avec le sourire jusqu’aux oreilles et des larmes au coin des yeux. Finalement, j’étais parfaitement raccord avec la météo.

J’en profite pour vous glisser en passant qu’au delà de cette comédie musicale, je vous conseille tous les cabarets possibles et imaginables

Le Cabaret Madame Arthur, par exemple, me semble être l’un des premiers lieux qu’il faut courir découvrir. Je vais, quant à moi, aller rapidement assister à une représentation du Cabaret de poussière. Et je vous conseille aussi le Cabaret Burlesque qui vient de fêter ses dix ans au Bataclan. Et qui passe en ce moment à la Nouvelle Seine.

Il y avait une conférence l’année dernière au MaMA Festival qui s’appelait : DE LA TRADITION À LA TRANSGRESSION : LE CABARET DANS TOUS SES ÉTATS. L’intro disait : De tous temps, les cabarets ont été des lieux de divertissement, mais également des espaces de création, de revendication, de provocation et de transgression. Où l’on allie la joie de vivre et la convivialité à la liberté de parole et à la défense de la diversité. 

Et au fond, c’est ça aussi que raconte cette comédie musicale et cette mise en scène en particulier. Ça raconte qu’il existe des espaces où l’on s’accorde le droit d’être ce qu’on veut. Ça raconte le sentiment enivrant que cette liberté procure mais sa fragilité aussi. Ça raconte la joie intense que l’on partage alors avec ceux qui sont sur scène. Mais tout autant avec ceux qui nous entourent. Il y a une forme de connivence, quelque chose qui ne s’explique pas. Quelque chose qui défend l’idée que l’on peut faire des bêtises, qu’on peut rire, faire rire, se rater, tenter, provoquer. Et réinventer sans cesse. Et ça fait un bien fou.

Mais je m’étale, je vous le conseille si

Vous voulez mettre des paillettes dans vos vies, enfin du velours, ou des rideaux à franges. Si vous voulez vivre quelque chose qui est un peu en dehors du temps, joué avec énormément de talent. Les places sont en vente sur le site du Kit Kat Club, à partir de 35 euros et… Ça va jusqu’à plus de 300 euros si vous voulez toucher les étoiles.

 L’avantage, c’est que, quel que soit le budget, vous pouvez visualiser avant de réserver. La vue que vous aurez sur la scène depuis la place que vous choisissez. Ce qui permet quand même de ne pas mettre des sous dans des places qui tournent dos à la salle. Face à un poteau, sur un tabouret. Bon, de ce que j’en ai vu, la configuration de la salle fait qu’on voit bien de partout. Preuve en est, je n’avais pas de quoi toucher les étoiles, et pour autant, je voyais très bien la scène ! 

Si vous ne pouvez pas aller au Kit Kat Club pour le moment, vous pouvez regarder le film de Bob Fosse. Avec Lisa Minelli, tout aussi réussi. Et plus simplement écouter la bande son du film ou de la comédie musicale sur les plateformes de streaming. Je vous souhaite d’éprouver autant de joie que moi à tous ces endroits.

Bisette,

PS : Ah, et au Kit Kat Club, la comédie musicale est signée.

Pendant toute la durée du spectacle une interprète qui se trouve en bord de scène transpose les dialogues et paroles de chansons en langue des signes. Elle incarne les émotions jouées par les acteurs. Et c’est la première fois que je vois une mise en scène qui intègre aussi parfaitement la version signée de son spectacle en temps réel.

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2 Commentaires

  1. MME LAVALLETTE BRIGITTE Répondre

    Bravo Marion pour cet article ça fait trop envie,moi aussi j’adore les Cabarets c’est toujours étonnant,j’habite en Province et nous avons un petit Cabaret ( Le Petit Paradis à Pont du Casse près d’Agen 47 ) on en ressort émerveillés!!!!

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