De la peinture, des gens malades, des gouges à bois, et des soirées sur l’avenue Karl Johan. Le tout en Norvège et dans la bonne humeur. C’est en ce moment au Musée d’Orsay avec l’expo Edvard Munch et tout de suite dans “C’est comme la confiture”. 

Crédits : Podcast proposé par Cultur’easy
Concept de Marion Labbé-Denis
Écriture et Voix de Marion Labbé-Denis
Musique Originale de Lucas Beunèche
Montage & Mixage de Lucas Beunèche
Conseil artistique : Caroline Garnier
Production artistique : Elodie Bedjai

Retranscription de l’épisode

J’ai eu la chance d’être invitée il y a trois mois à l’inauguration de l’exposition temporaire du Musée d’Orsay, consacrée à Edvard Munch, Mounch, Munch ? Je n’ai jamais su comment ça se prononçait cette affaire et je suis sûre que vous non plus.

Bref, on est mardi, je sors du bureau et je file à toute berzingue. Enfin en métro quoi ! Au Musée d’Orsay, par lequel je suis absolument fascinée.

D’ailleurs, j’ai appris que c’était grâce à Valéry Giscard d’Estaing, que l’ancienne gare d’Orsay n’était pas devenue un palace. Enfin lui, et d’autres gens très probablement. Je le vois mal décider ça tout seul et s’enchaîner à la bâtisse en hurlant “Vous ne passerez pas”. Mais l’histoire retiendra que c’est lui qui a soutenu le projet du musée à cet endroit là. Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il a parié sur le bon cheval.

Mais je m’égare, sans mauvais jeux de mots.

Personnellement, j’ai tendance à aller aux inaugurations d’expo avec des tupperwares de taboulé dans le sac à main. A bloquer les tourniquets de l’entrée, ou à marcher sur les pieds des artistes en présence. Alors je me sens immanquablement à côté de mes chaussures dans ce genre de situation. Je suis sur le qui vive du moment où ça va se voir que je suis pas une habituée. Mais je fais avec, j’ai pris le parti de rire de ces petits moments de gêne, qui sont un peu le sel de la vie, en tous cas de la mienne. Et puis, j’en ai fait un genre de mantra personnel. Plus on sera nombreux à venir avec nos tupperwares, plus joyeux seront les pique niques.

Mais revenons à nous moutons, Munch alors. Moi, je dois reconnaître que je le connaissais assez mal ce monsieur. Je connaissais le cri de Munch, qui ne fait pas parti de l’expo, mais dont tout le monde parle. Moi y compris. Je savais vaguement que sur la frise de l’histoire de l’art il était entre le symbolisme et l’expressionisme. Même si je ne suis pas toujours bien sûre d’où qu’c’est qu’c’est que ça commence et que ça finit. Et… c’est à peu près tout.

Pourtant soixante ans de carrière c’est pas rien.

Bon, je me doutais que ce n’était pas le peintre le plus optimiste de sa génération. Je veux dire, une fois que tu as vu le cri de Munch, tu te doutes qu’Edvard, c’était pas Manu Payet. Pour vous dire, parmi les titres de ses œuvres, on trouve : Danse macabre, Le mort joyeux, Les baigneurs, Désespoir, Humeur malade au coucher de soleil… Enfin tout ça ne respire pas le pouce mousse si vous voulez mon avis.

Munch, il disait ne pas peindre les choses pas comme elles étaient mais comme lui, les avait vues. Et le moins qu’on puisse dire c’est que pour lui, la vie c’était pas gaufrette. Il est né en 1863 en Norvège. Sa mère est décédée de la tuberculose quand il avait 5 ans. Et il a perdu sa sœur de la même maladie 9 ans plus tard. Alors je ne vais pas vous refaire sa biographie. Mais disons qu’il y a eu beaucoup d’alcool, de dépression et d’épisodes un peu glauques.

Cela dit, malgré des obsessions moyennement gaies son œuvre est empreinte d’une sorte de mélancolie pleine de poésie.

Il y a quelque chose très profond dans ses ciels et certains motifs m’ont beaucoup touchée.

Ce tableau notamment qui s’appelle Soirée sur l’avenue Karl Johan, où une foule de personnages avancent dans la même direction. Il y a beaucoup de gens mais ils ont l’air absents. Et il s’en dégage un sentiment de malaise et de solitude assez vive. Comme si le fait d’être justement au milieu de cette foule en goguette rendait la solitude encore plus pesante. Et je me dis qu’on a tous un peu eu ce sentiment à un moment ou à un autre de nos vies. Un autre de mes tableaux préférés, c’est Le soleil, une huile sur toile de 1912. Ce tableau, c’est comme regarder le soleil justement, droit dans les yeux, et en prendre plein la vue. On retrouve le même sentiment de fascination, et d’éblouissement.

Et puis, il y a ces ciels rouges que l’on retrouve dans d’autres toiles que le cri. Ces ciels qu’on a probablement tous essayé de photographier un jour sans jamais y parvenir tout à fait. Quand on montre aux copains après ils n’ont pas l’air de saisir à quel point le moment était dingue et on est toujours un peu frustrés. Et ben c’est un peu ça, les ciels de Munch.

J’ai aussi été assez marquée par sa représentation des femmes que je trouve pour le moins paradoxale.

Pour tout vous dire il y a une série de tableaux et de dessins où sont représentés des couples qui se séparent, avec une femme qui tourne le dos à un homme mais qui lui laisse ses cheveux. Je sais. Oui, dit comme ça, c’est un peu difficile à visualiser, il faudrait que vous alliez voir. Mais vraiment, il y a quelque chose avec les cheveux. Et puis, il y a un autre motif assez récurrent sur lequel un homme a la tête posé sur les genoux d’une femme et la femme le recouvre de ses cheveux.

Ce motif là s’appelle vampire. Enfin de base, il s’appelait “Amour et douleur”. Mais il y a un copain d’Edvard, Stanislav, qui l’ appelé comme ça. Et Edvard, bon ami, a dit ah oui, c’est bien, je garde. À ce moment là, t’as un peu envie de dire bon bah ça va les gars, on vous dérange pas ? Vous êtes pas fatigués de nous faire encore passer pour des sorcières ?

Mais à côté de ça, je n’ai pas pu m’empêcher de constater qu’il y avait quand même deux ou trois dessins exposés dans cette même salle qui représentent des femmes seules et nues, face à des groupes d’homme et sur celles-ci contrairement au motif du vampire, les rôles s’échangent. Face à un seul homme les femmes sont des bourreaux, mais face à plusieurs, elles devenaient de fait, victimes. Voilà, je pose ça là, et je passe à la suite.

J’ai appris que Munch avait aussi réalisé des décors de théâtre, pour Ibsen notamment.

Mais il a également, et je vous en parle parce que ça m’a achevée, reçu une commande de la part de l’un de ses mécènes, pour décorer une chambre d’enfant. Non, mais sérieusement ? Je veux dire si vous avez suivi le début de cette chronique on est d’accord qu’à priori si tu aimes ton enfant, c’est à éviter. Ça ne viendrait à l’idée de personne de demander une berceuse à Marilyn Manson.

Pour moi il y a deux solutions, soit Munch un soir un peu trop éméché lui avait parlé de son envie de reconversion dans le home staging et il voulait lui filer un petit coup de main, soit le Mécène en question n’avait jamais vu un seul de ses tableaux ? Je ne sais pas ce pas ce qui est le plus crédible. Toujours est-il que finalement, le mécène n’a pas donné suite à sa commande hein, il a pas acheté le tableau pour finir. Mais bon, est-ce qu’on est étonnés ?

C’est quand même assez marrant parce que dans certaines toiles, la déco a l’air au petit soin, mais comme les personnages ont la même couleur que le papier peint, et qu’en plus ils leurs arrivent régulièrement de ne pas avoir de traits du visage, on peut pas dire que ce soit franchement joyeux.

D’ailleurs il y a une dame en passant devant Autoportrait après la grippe espagnole, huile sur toile de 1919, qui a dit “Eh bah il est pas en forme hein”.

Et je n’ai pas pu m’empêcher de sourire, contrairement à ce qu’on pourrait penser, les gens dans les expositions sont assez amusants. Quand on fait un petit pas de côté on se rend compte de plein de choses, et notamment que dans les inaugurations et les vernissages, on passe notre temps à dire des Ah pardon, allez-y excusez moi, je vous en prie, toutes les cinq minutes, on essaye de s’approcher, tout en gardant une distance raisonnable avec les autres visiteurs de l’expo, de lire les cartels, mais sans frôler les toiles, franchement, c’est technique. On fait donc des mouvements pas fluides du tout, et pourtant, je suis sûre que si on se repassait la bobine du film en accéléré ça pourrait presque en avoir l’air.

Voilà, ça aurait l’air d’un spectacle de danse contemporaine qu’on programmerait au Festival d’automne.

Ce serait un genre d’ allégorie de la vie, mais une allégorie pendant laquelle on apprend ce qu’est une gouge à bois.

Et c’est pas rien. Alors je vous le dis, parce que sinon je sens que comme moi, vous n’allez pas pouvoir fermer l’œil de la nuit, une gouge à bois c’est un genre d’outil avec un petit manchon, si vous ne voyez pas ce que c’est un manchon on y passe la journée, un petit manchon donc avec au bout une cuillère-couteau. Qui permet de creuser des formes dans du bois, de sculpter donc. Voilà, vous en savez autant que moi sur cet outil.

Au niveau de la sortie, il y a la boutique de l’exposition à ne pas rater, avec de très belles reproductions sous forme de cartes postales, des ouvrages variés, des DVD, de la papeterie, et là je vois un joli petit cahier pour enfants, sur lequel il est écrit, Réveille le Munch qui est en toi… Alors, moi j’ai envie de dire… Vraiment ? Je suis pour la sensibilisation des enfants à l’histoire de l’art. Mais, je veux dire, on est sûr du titre ? Je ne sais pas hein, moi je n’ai pas d’enfants, mais je me dis si j’en avais, je suis pas sûre, sûre, que je voudrais réveiller le Munch en eux en fait… à moins de vouloir une excuse pour les emmener voir un psy régulièrement, je les tiendrais à distance des gouges à bois dans un premier temps. Mais je m’étale !

Allez-y, on ne voit pas le temps passer, la scénographie est superbe, les cartels sont tops et on apprend plein de choses sur un monsieur qui ne fait pas que crier.

Je vous conseille en revanche de ne pas y aller avec le moral dans les socquettes et ne pas trop tarder puisqu’il ne vous reste plus que quelques semaines !

Bisette,

PS : En arrivant on s’est faites remarquées.

Une fois devant les portes en tourniquets, une dame au demeurant fort sympathique a vérifié notre petit papier et nous a dit allez-y c’est par là. Nous nous trouvions devant le tourniquet de l’entrée sensée je le crois, réguler les flux. Sur la porte il était écrit “maximum trois personnes”, mais voilà il y avait déjà deux personnes dans le tourniquet et là, panique sociale on nous dit d’avancer, dociles, on avance, sauf que, c’est bien fait ces petites choses là, pour ne brusquer personne, lorsque le détecteur de mouvement perçoit qu’il y a embouteillage au tourniquet, il s’arrête quelques instants.

Et alors le monsieur qui se trouvait devant nous ça l’a très fortement agacé et il nous a lâché, comme s’il s’adressait à des enfants dissipés “Oui, bah oui, ah bah voilà, c’était écrit trois personnes hein donc forcément, on perd du temps, on est coincés”. Je pense très sincèrement que ce blocus du tourniquet a duré en tout et pour tout 45 secondes. Mais j’avais l’impression d’avoir commis un affront difficilement surmontable pour ce monsieur, à priori ça lui faisait beaucoup pour un mardi. Je me sens donc dans l’obligation de lui présenter mes excuses. Voilà : Mes excuses Monsieur du Tourniquet.

L'équipe Podcast de Cultur'easy s'emploie à créer toujours plus de contenus immersifs pour nos utilisateurs. Une identité et des objectifs forts : l'émotion et faire vivre la culture pour la partager au plus grand nombre.

Commenter cet article


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.