Dès que l’on pense catastrophe maritime, on pense Titanic. Survenu il y a plus de cent ans, cet événement historique tragique continue de faire couler beaucoup d’encre. Mais de la réalité à la fiction, qu’est-ce qui rend ce naufrage si romanesque ? A quoi tient le succès mondial du film qui s’en inspire ?

Le 14 avril 1912 à 23h40

Le RMS Titanic, paquebot de la White Star Line, réputé insubmersible heurte un iceberg. Il a à son bord, plus de 2000 passagers effectuant la traversée de Southampton à New-York. Le navire sombre dans l’océan Atlantique Nord en moins de 3 heures. Le nombre de canaux de sauvetage n’est pas suffisant et le temps manque pour y faire embarquer les passagers. Plus de 1500 d’entre eux trouveront la mort dans cet accident tragique. Le paquebot d’exception qu’est le Titanic reste aujourd’hui encore un objet de fascination. Notamment par sa démesure, les récits qui entourent sa disparition et ce qu’il représente. Ce n’est pas un hasard si le film éponyme de James Cameron est l’un des plus primés du cinéma. Mais au-delà du navire légendaire, qu’est-ce qui explique un tel succès critique et commercial ?

Affiche de la “White Star Line” présentant le Titanic
Affiche de la “White Star Line” présentant le Titanic

Un naufrage annoncé

Nous connaissons tous la fiction qui s’inspire de l’histoire du Titanic. Ce que nous connaissons moins, en revanche, c’est l’œuvre prémonitoire écrite bien avant les faits. Un certain Morgan Robertson avait décrit le naufrage quatorze ans avant que celui-ci ne se produise. L’écrivain américain, féru de récits maritime, avait dans son roman initialement Futility, préfiguré le naufrage du Titan. L’histoire raconte ainsi l’accident d’un navire réputé insubmersible, suite à une collision avec un iceberg.

Couverture du roman Futility de Morgan Robertson
Couverture du roman Futility de Morgan Robertson

Comble de l’ironie, dans le roman comme dans l’événement c’est le manque de canaux de sauvetage qui empêche l’évacuation des passagers. Une coïncidence troublante qui donna raison à ceux qui voyaient dans le naufrage du Titanic, la conséquence inévitable d’une société aux prises avec un capitalisme débridé. Un système qui place la recherche du profit au-dessus de tout, y compris la sécurité de ses citoyens.

Premier de la classe

Le naufrage du Titanic intervient alors que la course des transatlantiques bat son plein. Ces navires se développent dès la fin du 19ème siècle alors que les échanges commerciaux entre le continent européen et nord-américain sont en plein essor. Entre les différentes compagnies maritimes propriétaires de ces paquebots, la concurrence fait rage. Il faut pour briller entrer dans une course à la vitesse, au progrès et au luxe.

L’Olympic à gauche et le Titanic, à droite
L’Olympic à gauche et le Titanic, à droite

Le Titanic s’inscrit pleinement dans ce contexte, il est d’ailleurs comme ses prédécesseurs avant lui, le plus gros paquebot du monde, mais il est surtout réputé pour le luxe qu’il offre à tous ses passagers. De la troisième à la première classe, le confort est supérieur à celui de ses concurrents. Il va jusqu’à proposer aux passagers de première classe : des bains turcs, des courts de squash, et même des chevaux mécaniques pour pratiquer l’équitation à bord. Un musée lui est désormais consacré à Belfast en Irlande du Nord, retraçant dans un bâtiment historique, sa construction et sa traversée inaugurale.

Le Titanic Belfast Experience
Le Titanic Belfast Experience

Une tragédie humaine

Le Titanic constitue un événement marquant, parce qu’il est représentatif de ce que la société de classes du 19ème comporte d’injustice sociale. En effet, les 2200 passagers du Titanic sont répartis en trois classes, la plus aisée, constituée de notables et d’hommes d’affaires voyageant en famille avec leurs domestiques, la seconde classe, destinée à la classe moyenne. Et, enfin, les passagers de la troisième classe qui aspirent souvent à rejoindre les Etats-Unis pour une vie meilleure. Ils sont soumis à des contrôles sanitaires plus stricts et sont isolés du reste des passagers, et ne peuvent accéder aux ponts supérieurs.

Cet isolement des passagers de troisième classe ainsi que le nombre plus réduit de stewards affectés à leur évacuation entraîneront des conséquences dramatiques puisque 75% d’entre eux perdront la vie. Le naufrage devient un symbole des inégalités de classes puisqu’à l’inverse 60% des passagers de première classe survivront au naufrage. Quatre-vingt-cinq ans plus tard, le film qui raconte l’histoire de ce paquebot marque à son tour les esprits.

N’est pas James Cameron, qui veut

Inspiré de faits réels, le film de James Cameron sorti en 1997 signe un nouvel engouement pour la légende du Titanic. Dans les années 80, le réalisateur canadien enchaîne les succès avec Terminator, Alien puis Abyss qui développe encore davantage sa fascination pour les fonds marins et pour l’épave du Titanic.

Le film, à l’instar du paquebot dont il raconte le naufrage, est celui de tous les excès. Avec un dépassement de budget colossal, il coûtera plus de 200 millions d’euros à ses producteurs, et sera également la première œuvre cinématographique à dépasser le milliard de dollars de recettes. Il restera en première place du box-office jusqu’à ce que James Cameron batte son propre record avec Avatar en 2010.

Effets spéciaux

Le succès du film doit beaucoup à la précision avec laquelle les éléments historiques ont été reproduits. Une maquette de plus de 200 mètres de long a été réalisée pour le tournage du film. Tout, de la moquette aux cheminées, en passant par les costumes d’époque, a été reproduit quasiment à l’identique.

Les effets spéciaux sont d’une vraisemblance sans précédent et si le tournage de la scène du naufrage a été éprouvant et très coûteux à cause des effets spéciaux justement et du nombre de figurants mobilisés, le résultat est bluffant, et ce, même vingt ans après. Le film, lui-même fait échos au bateau dans la technicité, et les innovations, l’opulence technique, le budget, et la démesure.

De la réalité à la fiction

La vraisemblance du film ne s’arrête pas là. En effet, si les deux personnages principaux ne s’inspirent pas de faits réels, les personnalités qui les entourent en revanche, sont pour partie des passagers qui ont réellement foulé les pontons luxueux du géant des mers. C’est le cas de l’architecte naval Thomas Andrews, mais aussi du commandant Edward John Smith ou encore du personnage de Molly Brown interprété par Kathy Bates.

Le commandant Edward John Smith (à gauche le vrai en 1912, à droite dans le film de James Cameron, joué par l'acteur Bernard Hill)
Le commandant Edward John Smith (à gauche le vrai en 1912, à droite dans le film de James Cameron, joué par l’acteur Bernard Hill)

A l’instar du personnage dans le film c’était une femme déterminée et particulièrement engagée. Le succès du film repose en partie sur la reconstitution historique de cet événement, mais bien évidemment, ce que le film relate ce n’est pas uniquement un naufrage, mais bien l’une des histoires d’amour les plus emblématiques du 7ème Art.

You jump, I jump remember

Que celle qui n’a jamais hurlé “Jack, je vole”, les bras en croix, à l’avant de n’importe quel véhicule, me jette la première pierre. Que celui qui n’a jamais hurlé « Je suis le maître du monde » me jette la seconde. Dans la catégorie des amours impossibles, motif récurrent de la littérature et du cinéma, Titanic est bien souvent, là encore, en tête de liste.

Il est vrai qu’entre la fiancée du riche héritier de première classe, et l’artiste fauché de troisième classe, la passion l’emporte sur la raison contre vents et marées. Enfin presque… L’apparente caricature que l’on pourrait reprocher à James Cameron, à savoir “Chez les pauvres on mange peu, mais on boit bien et on rigole fort” est contrebalancée par la mise en exergue ​​des inégalités de classe tout au long du film. Kate Winslet, alias Rose, pense trouver à travers Jack, joué par Leonardo Di Caprio, la liberté dont elle se sent privée de par son rang dans la société et son devoir envers sa famille que son mariage doit sauver de la ruine.

Mais le film montre aussi qu’en se confrontant aux réalités d’une classe qui n’est pas la sienne, elle réalise également que cette apparente liberté a ses limites et que le rapport de domination qui existe entre les classes est bien plus pernicieux qu’il n’y paraît. Les passagers de troisième classe sont libres, jusqu’à un certain point seulement.

Pousse-toi, mais pousse-toi

Il faut bien avouer que lorsque Céline Dion chantait You are safe in my heart, on ne s’attendait pas à ce que ce soit exhaustif. Rose aurait quand même pu lui faire une petite place, à Jack sur cette fichue planche, nous sommes tous d’accord pour dire que si tout le monde y avait mis du sien…

Mais la question au fond serait plutôt : cette histoire d’amour n’est-elle pas éternelle, justement parce qu’elle se termine ? Il s’agit d’un amour contrarié par un événement historique qui les dépasse. C’est ce qui sublime cette histoire, une histoire qui n’aurait peut-être pas duré si les deux protagonistes avaient été sauvés.

D’autant que tout le monde sait que c’est lorsque l’histoire dit “Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants” que les choses se compliquent.

Quand la musique est bonne

Les thèmes composés par James Horner tout au long du film sont immédiatement reconnaissables. Ce petit air de flûte à la fois doux et dramatique est reconnaissable entre mille, tout comme la voix de Céline Dion. Voilà d’ailleurs une autre des clés du succès du film. Pourtant au départ le compositeur dû aller à l’encontre de la volonté du réalisateur. C’est en sous-marin qu’il demanda à Céline Dion d’enregistrer la maquette de My Heart Will Go On. En effet, James Cameron ne souhaitait pas associer son film à une chanson en particulier. Mais malgré son refus initial, une fois la maquette enregistrée, il doit bien se rendre à l’évidence, ce titre doit sortir. Il devient rapidement l’un des single le plus vendu au monde.

Primé comme jamais

Le film de James Cameron est à la hauteur de la légende du paquebot dont il raconte le naufrage. Il a remporté onze oscars, quatre Golden Globes et quatre Grammy Awards pour sa musique, rien que ça. Le secret de cette reconnaissance ? Tous les éléments sont maîtrisés, de la psychologie des personnages à la précision des reconstitutions historiques.

L’amour impossible qui unit les deux personnages principaux sublime cet événement historique. Il donne la mesure du drame social qui s’est joué ce soir-là. Le tout en abordant des sujets plus larges et universels comme la liberté, l’injustice ou encore la tradition. Mais si la qualité du film est incontestable, la communication sur laquelle elle s’appuie n’est pas non plus à négliger.

Tout vient à point à qui sait communiquer

L’intérêt pour cette œuvre est sans cesse renouvelé, notamment grâce à une stratégie de communication adaptée. Qu’il s’agisse de commémorer le centenaire du naufrage avec une version 3D du film ou de célébrer les vingt ans du film avec un documentaire sur celui-ci, les Studios hollywoodiens ne sont pas en reste. Ainsi, le film fascine et fait (presque) l’unanimité. Mais s’il s’agit d’un chef d’œuvre, il n’en reste pas moins l’histoire d’un naufrage historique qui a coûté la vie à près de 1500 personnes. Il s’agirait donc de ne pas laisser le succès hollywoodien éclipser l’accident tragique dont il s’inspire même si les deux sont désormais indissociables.

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Par  Marion Labbé-Denis,

Curieuse de tout, amoureuse des trains et fan de Joe Dassin, elle collectionne les stylos BIC et les questions existentielles. Aujourd’hui, en poste dans le spectacle vivant, elle peut donner libre court à sa passion déraisonnée pour la photographie et les salles obscures, qu’il s’agisse de musique, de théâtre ou de cinéma.

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