Le totémisme provient du nom commun « totem », autrement dit « ototeman » en améridien. En ethnologie, ce terme signifie le fait de suivre une organisation sociale et religieuse fondées entièrement sur un seul objet : le totem. Ce dernier serait en quelque sorte le support fédérateur dont découleraient toutes sortes de croyances tribales.
Le totem s’apparente au « parent » d’une tribu, créateur ensuite d’une lignée ou d’un clan. Il peut prendre la forme d’un animal ou encore d’un végétal mais ce qui compte réellement, c’est la dimension spirituelle et mystique dont il fait l’objet.
En d’autres termes, il s’agit en quelque sorte de l’emblème d’un groupe auquel celui-ci se réfère pour définir son appartenance ainsi que ses cultes et convictions quels qu’ils soient. Cette conception s’incarne en Amérique du Nord chez les Ojibwa, Indiens parlant la langue algonquine. Mais elle s’étend également à l’Amazonie, en Papouasie, en Afrique, en Nouvelle-Guinée ou encore chez les Aborigènes.
Direction l’Amérique du Nord Mesdames et Messieurs !
Comme nous l’avons dit, c’est en Amérique du Nord que les Ojibwa se sont voués au totémisme. Selon eux, le totem désigne le groupe, conférant à chaque clan patrilinéaire un animal le représentant. Il s’agit-là d’un lien symbolique, dirons-nous même métaphorique. Il n’empêche que si les Ojibwa associent un animal à une tribu, ils associent également un animal à une personne dans une visée non plus collective mais individuelle. Cette distinction est cruciale pour déterminer leur organisation clanique. Levi-Strauss, anthropologue et ethnologue français a déterminé quatre façons d’associer des lignées. L’on distingue à cet effet plusieurs totémismes.
En Amérique du Nord, le totémisme individuel suggère que les individus s’associent spirituellement à un animal. Le totémisme australien quant à lui met en exergue une relation entre une espèce naturelle et un groupe, on parle alors de totémisme « social ». Le troisième totémisme suppose une réelle relation entre un individu et un animal ou un végétal. La dernière possibilité d’affiliation est entre un animal porteur d’un nom propre et un groupe social de parenté. Il n’en reste pas moins que ce sont les deux premières combinaisons qui ont été réellement reconnues comme du totémisme.
D’un sujet traditionnel à un sujet ethnologique
C’est à John Long que reviennent les honneurs du terme « totémisme ». Un Anglais ! Il l’utilisa en 1791 pour qualifier un esprit, une énergie de protection. C’est ainsi que le totem fut affublé de cette notion de protection des Hommes. James George Frazer, anthropologue écossais définit en 1887 le totémisme comme : « une classe d’objets matériels que le sauvage considère avec un respect superstitieux et environnemental, croyant qu’il existe entre lui et chacun des membres de la classe une relation intime et tout à fait spéciale ». Le débat est ainsi lancé. Les anthropologues américains qualifient davantage le totem comme le nom d’un groupe, celui auquel il se rattache.
Les 10 commandements du totémisme (ou presque)
Après avoir théorisé le totémisme, il convient quand même d’en préciser les enjeux et les règles. Car en effet, les groupes totémiques suivent une organisation sociale claire et concise. Aussi, les critères nécessaires à l’établissement du totem sont précis et immuables. De nombreux ethnologues et anthropologues ont étudié cette conception rituelle. Ils y ont décelé divers composantes.
Le totem est un élément naturel (animal ou végétal) prenant la forme d’un ancêtre mythique ou d’un être de parenté éloignée. C’est en général l’ancêtre qui confère son nom au clan. Cet objet est le moyen d’établir une organisation ainsi que classifier les différentes espèces entre les animaux et les hommes sociabilisés par exemple. En ce qui concerne la religion, le totem est un objet sacré, il convient donc de le respecter, et de ne jamais ô grand jamais le consommer ou lui faire affront. Il doit constituer un être d’admiration.
Il incarne les fondements de l’organisation du groupe. Enfin, pour ce qui est des alliances, la tradition exige en général que le conjoint ou la conjointe soit choisi(e) dans un clan opposé à celui auquel on appartient. On appelle cela l’exogamie totémique. Cela fait beaucoup de mots compliqués nous en convenons. Il est de mise de préciser qu’il existe cependant des groupes endogames, qui ne respectent donc pas cette dernière règle.
La notion de totémisme aujourd’hui
En 2002, Claude Lévi-Strauss sort son ouvrage « Le Totémisme aujourd’hui ». Il s’agit d’un réel tournant dans le monde de l’ethnologie et pour cause. L’auteur déconstruit sans ambages ce concept en le targuant d’illusion, voire même « d’unité artificielle qui existe seulement dans la pensée de l’ethnologue et à quoi rien de spécifique ne correspond au dehors ». Pour lui, il s’agit de classifier, de transposer des rites et coutumes en dehors de la société dans laquelle ils sont nés. C’est d’ailleurs ce qui marque l’avènement du paradigme structuraliste dans les sciences humaines.
Philippe Descola, anthropologue français contemporain, redéfinit le totémisme dans son ouvrage « Par-delà nature et culture ». Il prend le point de vue de l’Homme évoluant dans son environnement et établit deux perspectives : l’intériorité et la physicalité (le lien avec les autres). Pour lui, il y aurait 4 types de combinaisons. Le totémisme renseignerait sur l’identité des intériorités des êtres ainsi que sur leur physicalités.
Autrement dit, le totémisme renseignerait sur la ressemblance des intériorités des humains et des non humains en cela qu’ils partagent la même âme, la conscience, la conscience de soi, la mémoire, la connaissance, et la mortalité. Il renseignerait aussi sur la ressemblance des physicalités, ce qui signifie que les non-humains ont des corps proches et des modes de vie, d’alimentation et de reproduction analogues aux humains.
Les trois autres combinaisons qu’il met au jour sont l’animisme, la « ressemblance des intériorités, différence des physicalités », le naturalisme, « différence des intériorités, ressemblance des physicalités » et l’analogisme, « différence des intériorités et des physicalités ».
Bien que cela soit quelque peu technique, cette conception de l’affiliation qu’est le totémisme se veut mystique
Il n’en reste pas moins qu’elle est le terreau fertile d’une organisation sociale et hiérarchique sans faille, se faisant le mode de fonctionnement interne de nombreuses tribus. Le sujet a été profondément étudié par les ethnologues et anthropologues qui se sont voués à l’établissement de concepts clés, tels ceux que nous avons évoqués précédemment.
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Par Leana Zocolan,