Vous avez l’air intelligent à rire à pleines dents !

L’humour ou comment des artistes réussissent à remplir des salles entières pour muscler nos zygomatiques. Mi-clowns, mi-coachs, ces as du rire ont-ils leur place dans les hautes sphères de la culture ? 

Crampes aux zygomatiques, convulsions, souffle court, larmes. Pas de panique, vous êtes en pleine crise de fous rire !

Ces symptômes touchent l’ensemble du territoire français et ce n’est pas près de s’arranger. C’est un véritable raz de marée des festivals de l’humour qui ne cesse de se multiplier . Les fous rire de Bordeaux, Zygomatic Festival de Chambéry, Les feux de l’humour de Plougastel, les Drôles de Zèbres de Strasbourg, etc. Les « tremplins » et les Comedy Club fleurissent : One More Joke, Barbès Comedy Club… Les humoristes sont demandés de toute part, partout on veut rire : au théâtre, au cinéma, en littérature… Potache, noir, absurde, ironique, carambar ou même graveleux, à chaque humour son public.

L’humour est souvent nourri par les petites manies du quotidien, mises en valeur par une expression inattendue et décalée. Il a ce pouvoir incroyable de nous faire rire de nous-même. Mais ces petits riens de nos vies méritent-ils de partager les programmes culturels avec Molière ou de côtoyer Maupassant sur les étagères ? Est-ce qu’on ne confond pas l’art avec la bouffonnerie ? Une forme de régression est-elle à craindre ? L’humour doit-il forcément être intelligent pour être culturel ? Pour en avoir le cœur net, on a tenté de décrypter le secret de ces faiseurs d’humour. 

1. « passement de jambe d’honoré pour ambiancer ta vision du monde » Les Boloss des Belles Lettres

Attention bonhomme là c’est du sérieux, on touche à tonton Balzac, le TuPac tourangeau, le gros tarba qui bâfrait comme douze et sniffait son p’tit expresso par citernes .

Vous aurez peut-être reconnu le portrait tout craché du Père Goriot réécrit par Quentin Leclerc et Michel Pimpant. Ces deux-là ont créé Les Boloss des belles lettres. S’amusant à réécrire les chefs-d’œuvre de la littérature dans le langage argotique des « djeuns ». Interprété sur France 5 par le célèbre acteur Jean Rochefort en 2016. Ces textes sans vertu pédagogique ont le mérite de faire voir les classiques sous un jour nouveau. Rien de mieux qu’un peu d’humour potache pour donner envie de se replonger dans nos vieux romans . La Fontaine, Flaubert, Homère, tous y passent. Même Racine avec son héros Thésée.

un bad boy chanmé qui passe la bague au doigt d’une go bien fraîche : Phèdre.

S’attaquant ainsi à l’image figée des classiques, ils les désacralisent par un petit coup de génie humoristique. 

Humour par Les Boloss des belles lettres

2. « Pour créer en humour il faut avoir la tête dure, très dure »  Ecole Nationale de l’Humour au Québec

Le petit coup de génie qui fait s’agiter les zygomatiques n’est pas donné à tout le monde. Pour faire pleurer, peignez un tableau dramatique d’enfants malades. Ajoutez une musique mélancolique et quelques plans face caméra déchirants. Vous tirerez des larmes à votre auditoire. Mais pour faire rire c’est une autre histoire. 

Prenez le stand-up par exemple. Il n’y a rien de plus gênant qu’une personne qui fait une blague à laquelle personne ne rit. Faire de l’humour c’est un art et un métier. Il y a bien sûr une question de timing, un sens du rythme, une maîtrise des mots, une attitude dans le physique. Le langage corporel vaut peut-être autant que le parler. Ajoutez à cela un sens aigu de l’observation dirait Gad Elmaleh et vous n’avez plus qu’à construire votre histoire.

Vous pensiez que c’était facile ? Pour y parvenir, pas de panique. Tout comme il y a des écoles pour devenir avocat ou chirurgien il y en a pour devenir humoriste. C’est le cas de l’Ecole Nationale de l’Humour au Québec. Deux cursus y sont proposés : écriture ou création humoristique. Depuis trente ans, son enjeu est de permettre à chaque élève de développer son propre style pour qu’il devienne un artiste à part entière.

Promotion de l’Ecole Nationale de l’Humour du Québec

3. « Quand on a commencé on ne savait pas pourquoi on prenait un micro main. Aujourd’hui on sait que c’est pour prendre la parole. On ne raconte plus des blagues, on raconte des idées. » Shirley Souagnon

L’humour est le moyen pour beaucoup de ces artistes du stand-up de parler d’un territoire, d’une histoire, d’une culture qu’ils veulent faire connaître. Dans cette même dynamique, l’exemple du Jamel Comedy Club créé en 2008 par Jamel Debouze et Kader Aoun est très parlant. Véritable pépinière de talents dont sont sortis Blanche Gardin, Thomas Ngijol, Fabrice Eboué, Amelle Chahbi, Frédéric Chau, Alban Ivanov et tant d’autres. 

Depuis dix ans ces nouveaux visages du stand up ont métamorphosé le paysage de l’humour en France alors majoritairement blanc, masculin et âgé. Et ce grâce à des sketchs …

sur les origines, la banlieue ou les relations hommes-femmes, c’est toute une France, jeune et issue de la diversité — jusqu’à présent non représentée sur les scènes du pays —, qui prend la parole 

Rossana Di Vincenzo pour Télérama

Au-delà du simple fait de faire rire, l’humour joue donc ce rôle de passeur d’idées. Sans y paraitre il nous amène à élargir nos horizons. A poser un nouveau regard sur d’autres cultures que nous côtoyons de près ou de loin.

4. « Le rire est universel, l’humour est culturel » Garihanna Jean-Louis

Garihanna Jean-Louis, diplômée de l’Ecole Nationale de l’Humour du Québec est d’origine haïtienne. Elle est persuadée que pour faire connaître sa culture d’origine, l’humour est LA solution. Mais pour ce faire elle a dû s’adapter à la culture de l’humour québécois.

En Haïti, ce qui nous fait majoritairement rire, c’est les lapsus. Faire des fautes de français, nous, on en rit aux larmes ! Mais ici, ça ne fait pas vraiment réagir.  

L’humour est culturel parce qu’il est propre à un territoire où l’on partage des coutumes et une histoire commune. C’est ce qu’on appelle le sens de l’humour. En France on aime beaucoup les traits d’esprit, l’ironie et jouer sur le premier, deuxième et vingtième degré. Les Anglais eux par exemple sont plutôt humour noir, pince-sans-rire et autodérision. C’est ce qui explique que certains films humoristiques s’exportent si mal. Prenez Astérix : Mission Cléopâtre. Près d’une réplique sur deux contient un jeu de mots ou une référence qui ne peut être comprise qu’en connaissant la culture française. Traduisez le script et le film fera un flop !

What The Fuck France – L’Humour en France

5. « Là où il n’y a pas d’humour, il n’y a pas d’humanité » Eugène Ionesco

Nous avons laissé à Ionesco, grand dramaturge de l’absurde s’il en est, le mot de la fin. Et pour finir de vous convaincre que l’humour n’est plus à opposer à la culture. Je vous donne rendez-vous au musée.

Et c’est au Musée Grévin que nous partons prendre la température des célébrités de notre paysage culturel. Dans la catégorie « Rois de l’humour » vous rencontrerez entre autres Louis de Funès, Muriel Robin, Pierre Palmade mais aussi Omar Sy et Kev Adams. Preuve que les humoristes du stand-up comme du cinéma ont une place à part entière au panthéon des personnalités favorites des Français.

D’une certaine façon l’humour permet de donner une image de la culture vivante, décalée, décoiffante et décomplexée. S’il n’y a pas d’humour intelligent, il y a des artistes intelligents. Ils maîtrisent le savant mélange des mots, des rythmes et des gestuelles pour faire jaillir le rire hors de nous. Haroun l’a bien compris également. Il a même écrit un livre, un recueil de pensées plutôt. Dans celui-ci il se pare d’une toge et prend place sous les traits d’un philosophe fictif : Héractète. On recommande

Haroun – Tu connais Heractète ??

L’humour est un vecteur d’idées ultra puissant qui se décline sur tous les supports culturels. Grand écran, littérature, planches des théâtres et même… nos paquets de bonbons ?

D’ailleurs vous la connaissez celle-là : Quelle est la femelle du hamster ? 

Par Marie DURIS,

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A la fois rêveuse et quelque peu hyperactive, j’aime chiner de nouvelles inspirations dans les expositions d’art et m’inviter chez les grands personnages de notre histoire. La culture nourrit mon imaginaire et me permet d’innover au quotidien au-delà du bitume parisien. Je vois toujours le verre à moitié plein !

1 Comment

  1. Brigitte Lavallette Répondre

    Oh oui rien n’est plus difficile que de faire rire un public,bon reportage merci

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