Vous savez déjà que l’Everest est la montagne la plus haute du monde avec ses 8 848 mètres ?

Il est probable que vous sachiez aussi que la Cordillère des Andes est la chaîne de montagnes la plus longue avec son étendue de 7 100 kilomètres. Vous apprendrez peut-être que les Laurentides, au Canada, sont les montagnes les plus anciennes, formées il y a un milliard d’années. Des records qui ne cessent d’inspirer les hommes à travers le globe. Confirmant ainsi qu’après les prodiges créés par la nature, c’est dans le regard que nous portons sur les montagnes que réside le deuxième trésor.

Les montagnes, entre frayeur et passion

De nombreuses civilisations partagent la crainte d’une mythique créature des montagnes, mi-homme mi-singe, poilue, effrayante et imposante. Il y a bien sûr le Yéti himalayen ou « abominable homme des neiges ». Mais aussi Sasquatch ou Bigfoot en Amérique du Nord. L’Almasty du Caucase, le Barmanou du Pakistan, le Basajaun basque et sa femme, la Basandere. Le Mapinguari du Brésil, reconnaissable à sa fourrure rouge et à son œil unique, le Yowie aborigène et bien d’autres. Dans les Alpes, par exemple, la montagne inspire aussi des créatures bénéfiques, comme le Servan, lutin protecteur du bétail et du foyer. D’étonnants animaux imaginaires comme le Dahu, aux pattes plus courtes d’un côté que de l’autre pour s’adapter aux pentes, et le Wolpertinger, petit être doté d’ailes, de crocs, de bois et d’une crête. Dans le folklore américain, le jackalope – lièvre présentant des bois d’antilope – imite à merveille la voix humaine.

Des croyances qui permettent d’expliquer des traces étonnantes laissées dans la montagne ou d’inattendues attaques animales. Elles témoignent surtout de l’emprise des montagnes sur l’imagination humaine, même si c’est uniquement pour se moquer des touristes crédules. Les plus grands talents ont cherché à s’approprier les formidables paysages montagneux. Le Mont Fuji, au Japon, en est le parfait exemple. Les estampes d’Hokusai et d’Hiroshige au XIXe siècle présentent la montagne sacrée. A toute heure, en toute saison, tantôt sujet phare du dessin, tantôt détail subtil rappelant la puissance de la nature et l’insignifiance des hommes. Une passion partagée par Cézanne, connu pour ses représentations multiples de la Montagne Sainte-Victoire. Ou encore Frison-Roche, dont les romans de montagne ont ému bien des lecteurs.

Hokusai n’a cessé de représenter le Mont Fuji, symbole éternel, dans ses estampes
Hokusai n’a cessé de représenter le Mont Fuji, symbole éternel, dans ses estampes

Les monts, symboles religieux

Les montagnes, par leur prestance et leur immuabilité, inspirent aussi sentiment d’élévation et sérénité. Un préalable idéal pour leur conférer un caractère sacré. La plupart des religions voient ainsi dans les montagnes un lieu d’inspiration divine voire la demeure des dieux.

On pense que les volcans les plus actifs comme l’Etna en Sicile ou le Kilaunea à Hawaï abritent des dieux. Ils exprimeraient par les éruptions leur puissance et leur fureur. Le premier dissimulerait la forge d’Héphaïstos, et le second cacherait Pélé, dieu et déesse du feu dans leurs traditions respectives. Les religions monothéistes ne sont pas exemptes de ces références, malgré un détachement certain du culte de la nature. Le Mont Sinaï est le lieu de la révélation des Tables de la Loi à Moïse. Le Mont Thabor est celui de la transfiguration de Jésus, pendant laquelle sa nature divine est révélée à ses disciples. La grotte de Hira, située sur le Jabal al-Nour (Mont de la Lumière), est quant à lui l’endroit où le prophète Mahomet a reçu ses premières révélations par l’intermédiaire de l’ange Gabriel.

Du fait de leur caractère sacré, les montagnes demeurent donc un lieu de culte privilégié. Regorgeant de temples et de chapelles, attirant pèlerins et touristes en nombre. Le mont Kailash au Tibet est sacré pour les hindous, les jaïns, les bönpos et les bouddhistes, qui en font le tour en guise de pèlerinage. Au Pérou, le pèlerinage de Qoyllur Rit’i réunit chaque année plusieurs dizaines de milliers de personnes sur le mont Ausangate pour des festivités mêlant rites quechuas et chrétiens. En Italie, les Sacri Monti (Monts Sacrés) sont des circuits de pèlerinage au Moyen-Age, alternative au voyage en Terre sainte. Ils conservent aujourd’hui monuments et œuvres d’art religieux classés au Patrimoine mondial de l’Unesco.

Un jeune danseur lors du pèlerinage de Qoyllur Rit'i au Pérou
Un jeune danseur lors du pèlerinage de Qoyllur Rit’i au Pérou

La puissance résiderait donc dans les montagnes

Ces mythes fondateurs, ou encore la légende de l’Olympe, demeure des dieux grecs, nous montrent bien quelle puissance symbolisent les montagnes. Et les hommes ont bien compris comment la reprendre à leur compte. Les empereurs chinois allaient ainsi rendre hommage aux Cinq montagnes sacrées lors de leur accession au pouvoir pour réaffirmer leur titre de « Fils du Ciel ». Ces cinq monts représentent les cinq points cardinaux de la Chine (Nord, Sud, Est, Ouest et Centre). Ils sont particulièrement vénérés par les taoïstes. Ils y ont construit de nombreux temples et leur ont consacré des dieux à partir du Ve siècle.

A l’autre extrémité de la planète, le Mont Rushmore est un emblème de la puissance des Etats-Unis. Sur des collines considérées comme sacrées par les Lakotas, les visages monumentaux des présidents Washington, Jefferson, Roosevelt et Lincoln ont été sculptés par Gutzon Borglum pour célébrer le 150e anniversaire du pays. Même si le projet a d’abord vocation touristique, son adoubement par le Congrès et la création du Mémorial national en 1925 en font résolument un symbole politique et patriotique. Et ce malgré les nombreuses controverses qui y sont liées. Un sculpteur engagé dans le Ku Klux Klan. Une terre volée aux autochtones et profanée, la glorification de deux présidents esclavagistes… De nombreux sujets de discorde qui n’ont pas dissuadé Donald Trump d’y organiser un meeting en juillet 2020. Le symbole était certainement trop fort.

Donald Trump au Mont Rushmore en juillet 2020
Donald Trump au Mont Rushmore en juillet 2020

Peut-être subira-t-il le même sort que Sisyphe dans la mythologie grecque ? Pour avoir osé défier les Dieux, il fut condamné à faire rouler en haut d’une colline un énorme rocher. Pierre qui retombait sans cesse avant d’arriver au sommet.

Les montagnes, lieux de tous les extrêmes et de tous les exploits 

Il faut reconnaitre que les montagnes sont un adversaire de taille pour l’homme. Un défi à la hauteur de sa démesure. Prenons la Cordillère des Andes, si longue et si haute qu’elle constitue la troisième frontière la plus longue entre deux pays : le Chili et l’Argentine. Elle abrite même la capitale la plus haute du monde – La Paz, en Bolivie – et se partage entre sept pays. En outre, elle peut se targuer d’avoir fait éclore des productions culturelles connues dans le monde entier comme le tissu aguayo ou la musique andine.

La Cordillère des Andes vue du Vénézuéla
Photo par Paolo Costa Baldi
La Cordillère des Andes

Il n’est pas étonnant, face à de tels sommets, que l’homme ait redoublé d’efforts pour y poser sa marque. D’un point de vue technique, c’est le tunnel du mont Mila, en Chine, qui bat le record de l’altitude, avec ses 4 750 mètres de haut. Mais c’est surtout sur le plan sportif que l’homme a su, et continue de s’illustrer.

L’Everest, toit du monde, fait bien entendu partie des rêves de bien des alpinistes.

Sa première ascension fut menée à bien en 1953 par Edmund Hillary et Tensing Norgay. Plus de 5000 personnes les ont suivis depuis, sans compter les tentatives manquées. Le K2, deuxième plus haut sommet situé à la frontière sino-pakistanaise, est quant à lui considéré comme l’un des plus difficiles à gravir. Autre défi pour les sportifs internationaux : réussir les Sept sommets. C’est-à-dire gravir la montagne la plus haute de chacun des sept continents. En 2019, le népalais Nirmal Purja est le premier homme à gravir les quatorze monts de plus de 8 000 mètres en six mois.

Pourtant, cette course à l’exploit a des conséquences néfastes sur la préservation des montagnes. L’Everest en est l’exemple le plus emblématique, avec de nombreuses controverses. Le prix de l’excursion, allant jusqu’à 150 000 dollars par personne. Les files d’attente pour atteindre le sommet, la non-assistance aux alpinistes en difficulté par leurs congénères. La présence de corps abandonnés tout au long de la montée, la pollution générée par les grimpeurs, etc.

Files d'attentes sur l'Everest
Files d’attentes sur l’Everest

Des monstres sacrés à protéger

Plus généralement, la sauvegarde des montagnes est un enjeu de taille. Leur rôle religieux majeur est de mieux en mieux reconnu et protégé, avec des conséquences bénéfiques pour l’environnement. Aux Etats-Unis, l’American Indian Religious Freedom Act de 1978 reconnait l’accès aux terres sacrées comme un droit constitutionnel des peuples autochtones. Avec pour conséquence une protection a priori des montagnes sacrées contre les projets d’infrastructure menaçant leur détérioration. De même, l’ascension d’Ayers Rock, inselberg emblématique d’Australie, a été interdite depuis 2019 à la demande des tribus aborigènes.

Malgré tout, le changement climatique est une problématique majeure pour la sauvegarde des montagnes, que nous ne pouvons pas régler du jour au lendemain par une loi. La fonte des glaciers de haute montagne est une réalité que nous ne pouvons pas nier. La calotte glaciaire bien visible en haut des 5 891,8 mètres d’altitude du Kilimandjaro risque par exemple de disparaître dans les prochaines décennies en raison de ce réchauffement, mais aussi de la déforestation. Que sera ce symbole d’un continent et berceau du peuple massaï sans son sommet blanc caractéristique ?

Vue du Kilimandjaro depuis le Parc national d'Amboseli
Photo Benh Lieu Song
Vue du Kilimandjaro depuis le Parc national d’Amboseli
Photo Benh Lieu Song

L’info pratique

Saviez-vous qu’en Italie, un glacier est devenu rose après une colonisation d’algues ? Informations pratiques, surprenantes ou scientifiques, le compte Twitter Altitude_News est à suivre pour tous les amateurs de montagne et d’alpinisme !

L’info insolite

Le mont Rushmore cache une pièce secrète… Taillée derrière le visage d’Abraham Lincoln, elle devait exposer des archives importantes de l’histoire des Etats-Unis, mais n’a jamais été ouverte au public. Pour en savoir plus, c’est par ici.

Par Laure Armand d’Hérouville,

Photo-vignette : L’art-thérapie mobilise la création artistique comme vecteur de mieux-être (Photo de Hill Sarah Louise)

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Après avoir vécu son enfance à travers le monde et mené à bien des études d’Histoire et de gestion de projets culturels, Laure Armand d’Hérouville exerce depuis 10 ans dans cet univers créatif et exaltant. Elle est désormais consultante indépendante, en particulier dans le domaine des musées et du patrimoine.

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