Connaissez-vous le clown Totti ? Ce personnage qui semble tout droit sorti d’une bande dessinée, avec sa queue de pie, son nœud papillon et ses lunettes rondes… Représentant la 5e génération de clowns dans sa famille, Totti a renouvelé les codes du genre. A la fois musicien, comique, cascadeur, mime, poète, Totti veut faire oublier les problèmes du quotidien et réveiller l’enfant sommeillant en chacun de nous.

Nous sommes allés à sa rencontre pour qu’il nous en dise plus sur son parcours, son héritage familial, ses sources d’inspiration et le regard qu’il porte sur la clownerie et le cirque aujourd’hui.

Totti / photo  © https://thomas-muselet.com/
Totti / photo  © https://thomas-muselet.com/

Bonjour Totti. Merci de nous recevoir. Vous êtes issu d’une famille de clowns espagnols très connus. C’était une évidence pour vous de reprendre le flambeau ?

Mes parents m’ont toujours laissé libre dans mes décisions. Mais comme ils étaient clowns, automatiquement…. Le fils d’un chocolatier va toujours apprécier le bon chocolat. Et le fils d’un boucher va toujours apprécier un bon steak. Donc je pense que c’est grâce à ça que j’ai pris goût à ce métier. Je suis entré en piste la première fois à 4 ans, c’était avec le cirque national suisse. Et depuis ce moment, je ne pouvais pas m’imaginer autre chose.

Est-ce qu’il y a un moment particulier où vous vous êtes dit que c’était vraiment cela que vous vouliez faire ?

Non j’ai grandi avec ça. Avec les années, j’ai de plus en plus fait partie de la troupe de ma famille. Et à 13 ans, j’ai créé le style que j’ai gardé jusqu’à maintenant, avec la queue de pie et les lunettes. Un an après, j’ai commencé à développer mes propres sketchs à moi. J’ai vraiment grandi avec mon métier.

 Totti et ses instruments / photo  © https://thomas-muselet.com/
Totti et ses instruments / photo  © https://thomas-muselet.com/

Avec cet héritage familial, avez-vous eu des difficultés à trouver votre style et votre place ?

Pour moi, c’était important d’avoir mon propre style à moi. Et surtout de me faire un nom par moi-même. C’est pour cela que je n’ai pas pris le nom artistique de la famille, Alexis. Je m’appelais simplement Totti. Je ne voulais pas être juste « le fils de », ou que les gens pensent que mon succès se résume au nom de mon père ou de mon grand-père. Et aujourd’hui, je suis vraiment fier d’avoir réussi ça.

Finalement, le style Totti, vous l’avez trouvé assez tôt…

A 13 ans oui. Parce que dans la troupe de mon père, j’ai eu d’abord le rôle du clown blanc, le rôle sérieux. Ensuite j’ai dû faire des sketchs en solo avec le rôle de l’auguste et je devais être drôle. Je devais donc trouver un style où je pouvais changer mes rôles facilement : être le sérieux et à un autre moment être le drôle. Et ce style fonctionne toujours aujourd’hui. Car je fais des sketchs avec ma femme, qui est le clown blanc pendant que je suis l’auguste. Et les rôles sont inversés quand je travaille aussi avec mes fils. C’est pour ça que ce style que j’ai depuis mes 13 ans fonctionne toujours très bien pour moi.

  Totti et sa famille / photo  © https://thomas-muselet.com/
Totti et sa famille / photo  © https://thomas-muselet.com/

La transmission de ce métier se fait jusqu’à la 6e génération : vos fils jouent sur vos spectacles… Ils suivent vos traces ?

Il y a Charlie qui a 9 ans et Maxime qui a 6 ans. Charlie a débuté à 3 ans avec sa propre entrée à lui et Maxime a débuté à 2 ans et demi. Charlie a déjà travaillé à Moscou où il a été invité il y a quelques années pour le festival du cirque Nikouline. Il a même gagné des prix et a fait tout son répertoire en russe !

Totti et ses deux fils, Charlie et Maxime /  © http://www.dominiquesecher.fr/
Totti et ses deux fils, Charlie et Maxime / © http://www.dominiquesecher.fr/

Vous tournez partout en Europe, vous parlez plusieurs langues ?

Oui on parle allemand, français, espagnol, italien, anglais et par téléphone…(rires). Et dans les pays où on ne parle pas forcément les langues, on apprend les mots et les phrases dont on a besoin pour notre travail. En Finlande, j’ai chanté en finlandais pour le spectacle. On a fait notre répertoire en russe, en hongrois, en finlandais, en danois, en norvégien, en suédois…

Changez-vous votre répertoire selon les pays ?

La base du répertoire reste la même. Le travail du clown c’est de trouver des sketchs et des gags qui fonctionnent universellement, pour tout le monde, pour toutes les religions, pour tous les pays. On a la chance que notre répertoire fonctionne mondialement.

Totti, qu’est-ce que ça signifie pour vous être clown ?

Pour être un bon clown, il faut avoir 3 choses : la tête d’un vieux, le corps d’un jeune, et l’âme d’un enfant…

   Totti en famille / photo  © https://thomas-muselet.com/
Totti en famille / photo  © https://thomas-muselet.com/

Comment trouvez-vous l’inspiration pour renouveler votre répertoire ?

Par rapport à mon héritage, j’ai un grand répertoire de mon père, de mon grand-père, de son père et de là je peux sortir beaucoup d’idées. Mais j’aime aussi me laisser inspirer par les dessins animés. J’ai une grande collection des dessins animés classiques : Tex Avery, Looney Tunes, etc. J’aime beaucoup aussi les anciens comédiens des années 20 et des années 50, aussi des films muets.

Mais la plus grande source d’inspiration pour moi, c’est la vie même. Quand on arrive dans une nouvelle ville, je m’assois sur un banc et j’observe les gens. Parfois on observe pendant 5 heures, il n’y a rien qui passe. Et parfois on est assis pendant 20 minutes et on trouve des perles. La meilleure comédie sort de la vie humaine, de la vie quotidienne.

Comment choisissez-vous les sujets que vous allez inscrire dans votre répertoire ?

Cela dépend ! Parfois, j’ai l’idée pour tous les sketchs, pour le set complet. Et parfois c’est comme des morceaux de puzzle. Par exemple, je trouve une musique qui est bien mais je ne sais pas quoi faire avec. J’ai une idée pour un gag mais je ne sais pas quoi faire avec. Une fois, j’ai acheté un instrument de musique au marché aux puces, c’était un grand saxo. Je savais que j’avais besoin de ça mais je ne savais pas pour quoi faire. Et c’est resté dans le hangar pendant 5 ans… Après j’ai eu l’idée du sketch je l’ai ressorti ! Et c’est devenu un de mes meilleurs sketchs.

Ma femme me dit toujours qu’on a trop de trucs mais je sais que je vais en avoir besoin… un jour ! Parfois elle râle : « ah non encore une chaise ! qu’est-ce que tu vas en faire ? On a déjà 50 chaises ! -Oui mais elle est bien, elle est grande, elle est différente ! »

Sa femme, Charlotte, intervient : « On a déjà deux garages, ils sont pleins ! La voiture ne rentre pas »

Totti lui répond : « Mais Charlotte, on ne va pas faire rire les gens avec une voiture ! On n’a pas besoin d’une voiture dans le garage… »

Un de vos spectacles s’intitule « Totti Show : L’héritage des clowns ». Il semble que la transmission de la culture du clown est importante à vos yeux ?

Oui c’est très important. J’ai remarqué en France que les clowns sont très appréciés. Plus que dans tous les autres pays. C’est une vraie culture. Il y avait beaucoup de bons clowns en France aussi… en commençant par les Bario qui pour moi étaient parmi les meilleurs. En Allemagne, il y a une stricte frontière entre les clowns et les comiques. Moi, par expérience, j’ai remarqué que les vraiment bons comiques ont toujours été une sorte de clowns. Louis de Funès, par exemple, pour moi ce n’est pas seulement un bon comédien. Il avait quelque chose de clownesque. Je pense que c’est aussi à cause du style. Pour être un bon comique, il faut faire rire les gens. Mais pour être un très bon comique, il faut garder le style et la ligne propre du clown. C’est-à-dire avoir un certain niveau dans les gags qu’on présente.

Affiche du spectacle Totti Show, l'héritage des clowns
Affiche du spectacle Totti Show, l’héritage des clowns

Et pensez-vous que la culture du clown est un peu oubliée en France ?

Non pas du tout ! Juste avant le début de la crise du covid, j’ai présenté mon spectacle « Totti show : l’héritage des clowns » dans un petit théâtre à Valence-d’Agen et ça marchait très bien ! On a fait un spectacle le soir et c’était une ambiance comme dans un music-hall ! Et ce n’était pas que les enfants qui venaient : il y avait 70% d’adultes.

Quel regard portez-vous sur l’avenir des clowns ? Pensez-vous que la crise du covid apportera des modifications profondes ?

Des modifications oui mais pas à cause du coronavirus. Le monde du clown est toujours en constante évolution. C’est une chose qui appartient à la clownerie parce que si je vous montre un sketch des Fratellini aujourd’hui, on ne rigolera pas parce que la clownerie s’adapte toujours au temps actuel. Quand je ressors de vieux sketchs, je les retravaille aussi car chaque époque a un propre tempo, a une propre façon de raconter les histoires. Je pense que le monde du clown et du cirque va changer bien sûr.

Totti, vous souhaitez ajouter un dernier mot pour conclure notre entretien ?

Ne nous oubliez pas, on revient !

Pour suivre les actualités du clown Totti : retrouvez-le sur Facebook et sur son site internet 

Propos recueillis par Ségolène Lhommée,

Photos : https://thomas-muselet.com/

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Issue d’une formation en valorisation du patrimoine culturel, je suis devenue aujourd’hui consultante en communication digitale. Je m’implique dans des projets éditoriaux multiples alliant mes deux passions. Mes petits faibles, la peinture de la Renaissance italienne, les châteaux mystérieux et… TikTok !

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