Vous êtes vous déjà demandé pourquoi vous aimiez ce que vous aimez ? D’où viennent vos passions et comment vous les vivez ? Pour ma part, j’avais dix ans quand une rencontre hasardeuse avec Annie Jay m’a parachutée des siècles en arrière dans une histoire improbable et pourtant fantastique qui a impacté toute ma vie depuis. Retournons ensemble à la genèse d’une passion… Retour à Versailles !

Crédits :
Episode 6: « J’ai découvert un complot à Versailles »
Un texte de 
Marie Duris
Réalisé par 
Caroline Garnier et Elodie Bedjai
Voix : 
Marie Duris
Musique originale : Lucas Beuneche
Montage, habillage et mixage : Lucas Beuneche
Production exécutive et artistique : 
Elodie Bedjai
Illustration : 
Annaïs Helou
« Je voulais vous dire », une série de 
podcasts Cultur’easy
Une conception originale de 
Elodie BedjaiCaroline GarnierMarion Labbé-DenisMarie Duris et Amélie Gonin.
Produit pa
r Cultur’Easy

Retranscription de la Lettre à Annie Jay

Chère Annie,

J’ai une confidence à vous faire : est-ce que vous savez qu’avant de vous connaître je détestais viscéralement lire et que l’histoire de France… ne m’intéressait absolument pas ? En fait j’associais l’histoire de France à des souvenirs très longs et très ennuyants, de choses que je devais faire quand j’étais petite. On habitait à Paris et à chaque fois que quelqu’un venait nous voir, il fallait absolument qu’on aille visiter le château de Versailles.

Il fallait piétiner pendant des heures dans des salons bondés de gens, il fallait faire le tour de tous les jardins, passer par tous les bosquets… Et moi j’étais petite je trouvais ça hyper ennuyant ! En plus, le summum je crois que c’était quand on devait s’arrêter devant les tableaux de Louis XIV, Louis XV, Louis XVI, ils étaient tous là avec leurs mêmes costumes, leurs collants… Et moi je ne comprenais rien et j’associais l’histoire de France à cela.

Et pourtant, pourtant aujourd’hui je crois que toutes les personnes qui me connaissent, sans exception, savent que je suis une des plus grandes groupies de l’histoire de France et que je ne laisserai JAMAIS personne parler du château de Versailles comme je viens de le faire ! ou ils sont à peu près sûrs de se farcir un discours de 10 minutes pour que je leur explique haché menu qu’ils n’ont rien compris à ce qui se passe d’intéressant dans le monde s’ils pensent que le château de Versailles n’est pas digne d’intérêt !

Et pour opérer toute cette transformation Annie, il y a eu vous.

L’autre jour un copain m’a demandé d’où venait pas passion pour l’histoire, et là ç’a été comme un flash : j’ai revu la couverture de votre premier roman Complot à Versailles. Alors que j’avais dû le lire quand j’avais quoi, 10 ans à peine.

Je me rappelle que c’était l’été, on était en Normandie au bord de la mer, il faisait un peu gris, un ciel de Normandie quoi et Maman voulait absolument que je lise. Mais je n’en avais pas du tout envie. C’était terrible ! Et pourtant, nous voilà dans cette librairie toutes les deux. J’attendais que ça passe, je trainais des pieds, je soufflais, vraiment je ne mettais aucune bonne volonté dans l’affaire… 

Et là, ça a été comme un flash. Je me suis arrêtée devant cette couverture, il y avait deux filles, une blonde, l’autre brune. Elles portaient des tenues d’époque et le titre… Complot à Versailles… ça m’a scotché sur place.

Je ne saurais pas expliquer ce qui s’est passé à ce moment-là, mais vous savez c’est un peu comme ces destins qui précèdent parfois les rencontres entre deux personnes, eh bien je pense qu’il s’est passé la même chose mais entre moi et votre livre… Je suis ressortie avec Complot à Versailles de Annie Jay en poche. Alias mon devoir de lecture pour les vacances.

J’ai commencé par ouvrir le livre évidemment et juste après il y avait une toute petite biographie qui présentait votre parcours.

Dedans on apprenait que Complot à Versailles était votre premier roman, que vous aviez un vrai métier, une famille par ailleurs et que c’étaient vos neveux qui vous avaient mise au défi d’écrire un livre et que c’est pour cela que vous l’aviez fait.  Et moi c’est quelque chose qui m’a fascinée petite parce que j’écrivais déjà des petites histoires dans mon coin et je me suis dit que même en ayant une vie normale, c’était possible aussi d’écrire des livres pour de vrai. C’est quelque chose que je n’ai jamais oublié par la suite.

Je suis rentrée dans l’histoire qui commençait par cet avertissement un peu singulier : « Ne cherchez pas ce complot dans les chroniques du règne de Louis XIV. Vous ne l’y trouverez pas ». Mais qu’est-ce que c’étaient « les vrais complots » à l’époque de Louis XIV si ce n’était pas ce que j’allais trouver dans votre roman ? Cela m’a tellement intriguée que ça m’a donné encore plus envie de commencer l’histoire et d’aller chercher après le vrai du faux.

Page après page j’ai arpenté le Paris du XVIIe siècle

Avec ses pavés, ses porteurs d’eau, ses saltimbanques et toutes ses bicoques biscornues. J’ai découvert la cour de Louis XIV aussi avec ses banquets, ses personnages et ses costumes. Au début je ne comprenais pas tout, c’était vraiment nouveau, mon premier roman pour presque adolescente. Mais en suivant vos mots, Annie et les trois jeunes héros du roman bien sûr Pauline, Cécile, Guillaume, j’ai très vite compris les codes de cette époque passée.

De chapitre en chapitre vous plantez le décor.

On est en 1682 au moment de l’intrigue principale du roman et on est dans un château de Versailles encore en pleine construction, ça sent la peinture partout, il y a des échafaudages, des ouvriers qui s’activent dans tous les coins ! Et dans tout ce remue-ménage complètement hétéroclite vous arrivez à nous faire découvrir et surtout à vivre la vie de la cour à l’époque avec toute son étiquette, tous ses rituels.

On se bouscule dans les galeries pour aller demander des faveurs au roi. Avec Pauline, on arrive chez la reine, alors là on découvre toutes ses dames de compagnie, on boit du chocolat chaud et puis surtout on découvre la marquise de Montespan, c’est la Favorite du roi Louis XIV qui se compromet dans l’affaire des poisons. Et c’est d’ailleurs là tout l’enjeu du roman : comment est-ce que nos héros vont réussir à déjouer ce complot que mène la marquise pour tuer l’héritier du trône ?

Je me rappelle que quand j’ai fini le roman, j’étais complètement surexcitée.

Mais en fait c’était quoi cette vie complètement dingue qui se vivait là-dedans à cette époque ?? j’avais la tête pleine de questions ! Déjà je me demandais : qu’est-ce qui était vraiment vrai dans toute cette histoire ? Du coup j’ai passé des heures à faire des recherches pour en savoir plus.

Je voulais savoir à quoi ressemblaient les personnages réels croisés dans le roman. Lully, le grand compositeur est-ce qu’il était aussi chiant que vous le dépeignez ? Et par exemple… est-ce que les gens regardaient vraiment le roi manger en restant debout pendant des heures ? En vrai oui ! et puis comment étaient élevés les enfants royaux ? Comment fonctionnait la police ? Quel était le quotidien de ces gens réellement ?

Pour la première fois je prenais conscience que des gens avaient vécu avant moi, qu’ils avaient eu mon âge, mais qu’ils n’avaient pas du tout eu la même existence que moi !

Après ça, vous imaginez bien que les visites que je trouvais hyper ennuyantes avant n’ont plus du tout eu la même saveur pour moi !

Au contraire, elles sont même devenues des moments que j’attendais pour pouvoir mettre des couleurs réelles sur les images du roman.

Par exemple, en me frayant un chemin dans la galerie des glaces bondée de touristes avec tous les cliquetis de leurs appareils photos, je repense à une scène dans le livre où Cécile soigne un ouvrier qui est tombé du toit, d’un des échafaudages de la grande galerie. Pour la petite anecdote en fait la galerie des glaces à la base c’était une énorme terrasse. Mais comme Louis XIV en avait marre de se cailler les miches quand il allait d’un bout à l’autre de son château, il s’est dit on la recouvre ! et du coup ça a donné la grande galerie des glaces, parce que quitte à faire des travaux, autant faire un truc beau !

C’est d’ailleurs ce qui m’a beaucoup marqué dans votre livre Annie.

Comme le château de Versailles est en chantier, j’avais une image complètement nouvelle de ce lieu que je connaissais seulement tout beau, tout propre avec des cordons de sécurité partout.

Grâce à vous j’ai vraiment pu me projeter et imaginer que des gens avaient réellement vécu ici. J’ai pu imaginer que des robes et des talons rouges avaient frôlé ces parquets, que des gens avaient comploté derrière ces portes, qu’ils s’étaient peut-être aimés dans ce bosquet …

C’est sûr que si vous aviez écrit complot sur Mars, Annie, ça aurait été beaucoup plus difficile pour moi d’aller investiguer dans l’espace tous les week-ends ! Et puis, j’aurais peut-être développé une passion pour les fusées et complètement dédaigné celui qui était devenu, il faut le dire, Mon Louis XIV, mon Loulou, mon choupinou à moi.

Annie, vous avez fait naître chez la petite fille introvertie et casanière que j’étais une passion.

Et c’est vrai, vous lui avez créé à cette petite fille un endroit où se cacher et s’épanouir. Et j’en ai passé des heures à tourner les pages de vos romans ! Il y avait des intrigues de cour bien sûr, des intrigues amoureuses, de la jalousie, des mystères, des trahisons aussi… à travers les péripéties de vos héros Annie, j’ai pu expérimenter tous les sentiments qu’une adolescente rêve d’éprouver quand les contes de fée n’ont plus vraiment la même emprise sur elle.

Alors vous imaginez bien qu’après tout ça je ne me suis pas arrêtée là ! Tous vos autres romans ont très vite rejoint ma bibliothèque évidemment, puis j’y ai ajouté les romans de vos collègues Anne-Marie Desplat-duc avec toutes ses Colombes du Roi Soleil, ça c’était incroyable ! ou encore Les Orangers de Versailles d’Annie Pietri.

En fait quand j’y pense… Complot à Versailles c’est le tout premier roman de ma bibliothèque personnelle.

Et ce n’est pas anodin ! Je ne sais pas vous mais moi quand je vais chez quelqu’un j’aime bien regarder sa bibliothèque : je trouve que ça peut nous en apprendre beaucoup sur la personne et ses centres d’intérêt. Une bibliothèque c’est un peu une vitrine de ce que l’on est avec ses étagères hétéroclites, plus ou moins bien rangées.

Cela fait quelques années maintenant que j’ai refermé vos romans mais pour autant cette passion pour Versailles ne m’a pas quittée. Parce que oui Annie c’est vraiment devenu une passion ! Je dévore tout ce qui passe sur le sujet sans jamais me lasser. Que ce soient des documentaires, des films, des romans, chacun à leur manière apportent de nouvelles petites touches à la grande fresque historique que je construis dans ma tête.

Mon amour pour l’histoire est même devenu quelque chose qui me caractérise aux yeux de mes proches. Ils aiment bien parfois me lancer dans des débats sur les élans amoureux de Louis XIV ou quelque chose comme ça ! Depuis, à chaque étape de ma vie, j’ai trouvé de nouveaux élans pour donner vie à cette passion que je vous dois Annie. D’une petite fille qui avait commencé par dédaigner et détester l’histoire… bien j’ai fini par y consacrer mes études quelques années plus tard.

Et graal absolu, j’ai même pu faire un stage au château de Versailles.

C’était incroyable de découvrir le fonctionnement de cette maison de l’intérieur. J’ai pu visiter des pièces dont je n’avais jamais entendu parler, j’ai pu rencontrer les ébénistes, les tapissiers, tous ces artisans d’art qui restaurent le château au quotidien et qu’on ne voit jamais. Ce qui est génial c’est qu’ils ont sur ce lieu un regard différent, qu’on ne voit pas, ils ont une attention sur les matières, la qualité des objets… et de voir tout ça de plus près m’a vraiment donné envie de m’engager davantage.

Et c’est comme ça que j’ai rejoint l’association des Amis de Versailles. J’ai l’impression à mon échelle de contribuer un petit peu par nos actions de mécénat à préserver ce lieu qui est fantastique. Et en plus j’ai pu rencontrer plein de passionnés comme moi de mon loulou ; et pouvoir échanger et partager sa passion, il n’y a rien de plus incroyable.

Aujourd’hui quand je retourne à Versailles, que je me tors les chevilles sur ces pavés qui mènent à la cour de Marbre, je ressens toujours cette même sensation au fond du ventre, comme un murmure qui me dirait « bienvenue chez toi » alors qu’en même temps je me sens toute petite et presque étrangère face à ce paysage trop grand.

Et pourtant, je vous jure que ce ne sont pas la profusion des dorures, des lustres ou des richesses qui me fascinent.

C’est différent. C’est un peu comme si une partie de mon âme flottait là dans ces jardins, dans ces salons, et qu’en les arpentant, je retrouvais ce petit bout de moi-même resté coincée il y a des années entre deux pages de vos romans, sur mon étagère d’enfant. 

Finalement, si on ne choisit ni ses parents ni sa famille, je crois qu’on ne choisit pas non plus ses passions. Et pour parodier Otis, le scribe, si je devais résumer mes passions aujourd’hui je dirais qu’elles sont dues à une rencontre avec une autrice à un moment où je ne savais pas, où j’étais seule chez moi…

Alors voilà Annie, vous m’avez fait aimer lire, vous m’avez fait goûter à l’histoire et ses secrets.

Vous m’avez fait entrer dans un château de Versailles en pleine construction et c’est là la force de la littérature, faire entrer le lecteur dans une histoire en mouvement. Vous avez enraciné chez moi ce désir d’écrire et de transmettre. Ce désir de faire rêver et de s’évader.

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