De nos jours, nous recherchons régulièrement des remèdes naturels, dits de grand-mère, pour soigner nos maux en tout genre. Saviez-vous qu’Hildegarde de Bingen, femme mystique et sainte, qui vécut au XIIe siècle, est considérée comme la première phytothérapeute ? Zoom sur une femme savante !

Je suis, je suis, je suis….

Top ! Moniale, abbesse bénédictine, mystique, illustratrice, compositrice, poétesse, prédicatrice… Hildegarde de Bingen – ou de Ruppertsberg – est née en 1098 dans une famille noble rhénane. Celle-ci la consacra à Dieu dès son plus jeune âge. Elle meurt en 1179 à l’abbaye de Ruppertsberg après avoir dévoué sa vie à rechercher dans la Nature et à travers la vie spirituelle, comment soigner l’âme et le corps. Ses écrits, copiés, imprimés et diffusés, lui ont permis une reconnaissance scientifique comme la première phytothérapeute et naturopathe du Moyen-Age. Elle est canonisée en tant que docteure de l’Eglise en 2012.

 « Ecris ce que tu vois et ce que tu entends »

Hildegarde affirmait avoir des visions divines dès l’âge de quatre ans. En 1141, elle reçut celle qui lui commanda de transcrire par l’écriture ses connaissances spirituelles et naturelles.

Extrait du Symphonia du Riesencodex, Hs.2, f°472v (©Hochschul- und Landesbibliothek RheinMain)
Extrait du Symphonia du Riesencodex, Hs.2, f°472v (©Hochschul- und Landesbibliothek RheinMain)

Aussi, les textes les plus connus de la sainte sont :

  • Scivias (titre provenant  de l’expression latine Sci vias Domini – Connais les voies du Seigneurs – 1141-1150). Il décrit les bases de la connaissance utile et nécessaire à la vie chrétienne;
  • Liber Vitæ Meritorum (Livre des Mérites de la Vie, 1158-1163). Il permet de mettre en œuvre les vertus et d’écarter les vices du quotidien afin d’accéder à la contemplation divine;
  • Liber Divinorum Operum (Livres des Œuvres divines, 1163-1173). Il offre la vision de l’Homme au sein de l’Univers.

Ces ouvrages sont regroupés, ainsi que d’autres écrits d’Hildegarde dans le Codex de Wiesbaden – ou Riesencodex . Ce livre géant, manuscrit et enluminé, se trouve aujourd’hui à la Bibliothèque d’Etat de Hesse de Wiesbaden.

Quant à ses écrits issus de ses recherches sur la Nature et la médecine, ceux-ci se retrouvent dans plusieurs ouvrages postérieurs à la sainte. Le Liber subtilitatum diversatum natuarum creaturarum (Livre des subtilités des créatures de diverses natures,1150-1158) aurait été scindé en deux.

Le premier serait le Liber simplicis medicinae ou Physica – titre donnée au XVIe siècle. C’est un traité en neuf livres abordant les plantes, les éléments, les pierres et les métaux, les arbres, les poissons, les animaux et les oiseaux.

Quant au second, nous en connaissons la trace par l’existence d’un manuscrit datant du XIIIe siècle. Il s’intitule Hildegardis Curæ et Causæ. Retrouvé en 1859, il est conservé à la Bibliothèque royale de Copenhague. Il décrit les maladies, les causes et les remèdes associés.

Femme artiste, diplomate et visionnaire

Hildegarde de Bingen était une réelle visionnaire. De par ses écrits médicinaux et sa vocation à aider l’Homme. Elle avait indéniablement la connaissance des textes des médecins grecs tels qu’Hippocrate. De cet art antique mêlé à ses croyances chrétiennes, la voie d’Hildegarde peut se faire entendre à travers ses poèmes chantés transmis dans la Symphonia harmoniae celestium revelationum.

Cette symphonie fut écrite et diffusée entre 1150 et 1160. Hildegarde de Bingen considérait que la musique participe à guérir l’âme. Elle y déploie ses sujets de prédilections : la vie spirituelle, les éléments, les oiseaux, les plantes et autres pierres précieuses. Les mélomanes considèrent la sainte comme une véritable virtuose dans les compositions qu’elle a écrites.

Hildegarde était aussi une femme proche du pouvoir politique de l’époque. En effet, elle conseillait archevêques, évêques, papes et même les rois. De ses échanges, une collection de plus de trois cent lettres sont conservées. Connue et reconnue de son vivant, plusieurs milliers de pèlerins venaient écouter les prêches ou se faire soigner par la sainte. Grâce à ses conseils et à la reconnaissance des plus grands, Hildegarde a pu créer sa propre abbaye à Rupertsberg en 1147 (aujourd’hui en ruine), puis celle d’Eibingen en 1165 (encore en activité).

Hildegarde a conçu la Lingua Ignota, ou langue inconnue, qu’elle décrit dans plusieurs correspondances. Ce langage écrit, conservé dans quelques manuscrits, est constitué d’un lexique de plus d’un millier de termes.

La Lingua Ignota d'Hildegarde de Bingen
La Lingua Ignota d’Hildegarde de Bingen

L’héritage de la médecine Hildegardienne

Pour une vie saine, elle suggère de s’inspirer de la règle de Saint-Benoit, qui consiste à trouver l’équilibre entre ce qui nous entoure et ce qui nous nourrit, soit l’équilibre du juste milieu en toute chose. 

Hildegarde de Bingen à Eibingen © Wikimedia commons 
Hildegarde de Bingen à Eibingen © Wikimedia commons 

Pour ses lecteurs, Hildegarde souhaite qu’ils puissent poser un diagnostic et établir un pronostic en fonction du déséquilibre des humeurs. Liés aux quatre éléments qui possèdent eux-mêmes des qualités : Le feu est chaud et sec, l’air est chaud et humide, la terre est froide et sèche, l’eau est froide et humide. Une humeur prédominante jouera donc sur le tempérament de la personne, et trouver un traitement qui rééquilibre le corps et l’âme, qui sont pour Hildegarde, indissociables.

La médecine dite des signatures est également employée par la sainte. Ainsi, pour soigner un organe malade, il s’agit d’utiliser une plante ou un animal dont la forme ou la couleur est similaire. Sans oublier l’usage de la lithothérapie puisqu’Hildegarde considère les pierres précieuses, fruits de la terre, comme étant des organismes vivants.

Hildegarde de Bingen était ainsi une pionnière de la médecine douce et fine psychologue.

« Quand le corps et l’âme fonctionnent en excellente harmonie, ils reçoivent la récompense suprême de la joie et de la santé » (Hildegarde de Bingen).

Hildegarde est une figure féminine emblématique du XIIe siècle. Reconnue par ses contemporains et les scientifiques de nos jours. Une scientifique humaniste dans l’âme, soignant l’âme grâce à plusieurs remèdes issus de l’étude et de l’analyse du macrocosme et du microcosme. Son enseignement holistique, neuf siècles plus tard, est tout à fait applicable aujourd’hui et proche des méthodes actuelles où nous recherchons un équilibre avec des produits naturels et bio, en écoutant notre corps et en veillant sur notre bien-être émotionnel.

Une vision d’Hildegarde de Bingen (vers 1230) avant l’Homme de Vitruve de Leonard de Vinci (vers 1490)
Extrait du Liber divinorum operum, Codex latinus 1942, vision 2 f°6 (©Biblioteca Statale di Lucca)
Une vision d’Hildegarde de Bingen (vers 1230) avant l’Homme de Vitruve de Leonard de Vinci (vers 1490)
Extrait du Liber divinorum operum, Codex latinus 1942, vision 2 f°6 (©Biblioteca Statale di Lucca)

Pour vous remercier de votre lecture, je vous propose un ouvrage en ligne d’usages et de remèdes d’Hildegarde de Bingen ici.

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Par  Juliette Bouchot,

Historienne de l'Art de formation universitaire, Juliette B. est aujourd'hui Community Manager et Créatrice d'Identités Visuelles. Issue du milieu culturel et patrimonial, elle a participé à des colloques internationaux et conseille à présent les collectivités publiques, associations, particuliers et entreprises. Elle apporte son savoir-faire, son regard avant-gardiste et une pensée humaniste à chacun des projets auxquels elle contribue.

1 Comment

  1. Brigitte Lavallette Répondre

    Quel bel article pour nous faire découvrir cette femme si en avance sur son temps à tous points de vue et pourtant si humble,merci

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