Cet évènement va marquer un tournant majeur pour la ville de Detroit mais, surtout pour le monde de la musique. Voici l’histoire de la fondation de la Motown, un des plus grand label de l’histoire de la musique.

Récit d’une création par un visionnaire

C’est par la volonté d’un homme, Berry Gordy que le label Motown a vu le jour. Ancien boxeur, ayant été déployé pendant la guerre de Corée, il a développé son goût pour la musique en écrivant des chansons et en ouvrant un magasin de disques consacré au jazz (3-D Record Mat). Mais à l’époque, Détroit est une ville industrielle très pauvre et la boutique connait un faible succès. Cherchant un emploi à l’usine Lincoln-Mercury, Berry Gordy se retrouve mit en contact avec Al Green. De cette rencontre va naître plusieurs succès musicaux qui vont lui permettre de réinvestir dans la production d’artistes, de notamment découvrir Smokey Robinson & The Miracles et de se constituer un carnet d’adresses d’artistes à succès.

Berry Gordy en octobre 2010, © copyright John Mathew Smith 2001
Berry Gordy en octobre 2010, © copyright John Mathew Smith 2001

Mais Gordy ne s’arrête pas là, il veut constituer un label qui séduira à la fois le public noir et le public blanc avec des chansons de soul et de R’n’B. Après un emprunt de 800$ contracté auprès de sa famille, Gordy fonde son label le 12 janvier 1959, celui qui deviendra officiellement Motown Records en 1960 (appelé d’abord Gordy, puis Tamla). En créant ainsi son label, Berry Gordy devient le premier afro-américain à la tête d’un label indépendant.

Avec Motown, son fondateur a créé ce que l’on a appelé « le son de la jeune Amérique », un joyeux mélange de soul, de funk et de R’n’B, avec des tubes qui ont inondés les dancefloors de l’époque et qui résonnent encore aujourd’hui dans le monde entier.

Logo du label
Logo du label

Un label à l’image de Detroit et du fordisme

Le lieu de naissance du label a un enjeu majeur tant dans sa création que dans son nom. Motown est en fait la contraction de Motors Town, « la ville des moteur », le surnom de Detroit, qui était alors la capitale de la production automobile, une ville industrielle par excellence. Dans son organisation, le label va appliquer le fordisme, rejoint par la devise de Berry Gordy : « créer, fabriquer, vendre ». Là où les usines fabriquent des voitures, Berry Gordy fabrique des tubes.

Siège de General Motors dans les années 60-70 ©DR - Library of Congress
Siège de General Motors dans les années 60-70 ©DR – Library of Congress

L’objectif de son label, rappelons-le, était de constituer un label qui séduira à la fois le public noir et le public blanc. En plus d’avoir réussi son objectif, Berry Gordy et son label ont su développer une musique en rapport avec les aspirations de la classe populaire constituée des ouvriers des usines de la ville.

Dans la décennie qui suit sa création, Motown Records devient un monument de la musique, un symbole fort de la culture afro-américaine à une époque où la lutte pour les droits civils des Noirs battait son plein. Le succès du label fait ainsi la gloire de la ville qui se met à accueilir de plus en plus d’artiste et d’artistes en devenir. Et pour les européens, Motown va les permettre de placer Detroit sur une carte.

Motown, le label des plus grands

Motown Records c’est le label qui a vu naître Michael Jackson et Marvin Gaye, mais pas que. Parmi les artistes qui ont marqués leur époque on peut citer : The Supremes, Diana Ross, Stevie Wonder, The Pointer Sisters, The Jackson Five,…

Les musiques du label voyagent rapidement outre Atlantique. De « Where did our love go » des Supremes au « Heatwave » de The Martha Reeves & The Vandellas, tous viennent rivaliser et concurrencer les tubes de l’époque. En Europe, certains se souviennent : « Ce gospel puissant, enraciné, dynamique, ça m’a renversé. » explique Adam White, auteur de Motown : The sound of young America, au micro de France Culture.

Diana Ross © Linda Bisset
Diana Ross © Linda Bisset

En Europe, les artistes de la Motown, sous contrat avec divers labels (TamlaMotownGordySoul) ont été distribués, dans les années 1970, sous un label unique intitulé Tamla Motown.

En France, il y a eu des artistes de l’écurie Motown comme : Corneille, Hocus Pocus ou encore Ben l’Oncle Soul. Diams aura même été directrice artistique de la branche française du label.

Du glamour à la stratégie, un label bien encadré

Le succès de Motown n’est pas uniquement du à la capacité de Berry Gordy de dénicher, produire et composer des tubes à la chaîne, mais à l’esthétique glamour du label et de ses artistes. Il suffit simplement de penser à Diana Ross pour le comprendre… Reine du disco, elle était aussi reine de la mode.
Mais ça, Berry l’avait bien compris, l’esthétique et la beauté, ça fait vendre. Dès la création de Motown Records, il développe une imagerie glamour qui marquera les années 60. Chez Motown, c’est Harvey Fuqua (musicien et producteur) qui s’occupe de parfaire le style des artistes. Costumes satinés, robes pailletés, coupes de cheveux parfaites,… la communication visuelle est réfléchie au millimètre près. Sur les pochettes de disques, c’est pareil, il faut que ça pète.

Mais Berry Gordy contrôle tout, voir un peu trop. Comme à l’usine, les hits s’enchaînent et Gordy met en place une check-list qualité drastique : on vote en comité pour les meilleurs morceaux à presser sur disque et on lisse l’image de ses artistes.

Hitsville USA, Detroit, premier siège de la Motown devenu aujourud’hui un musée ©  DR
Hitsville USA, Detroit, premier siège de la Motown devenu aujourud’hui un musée ©  DR

À la suite des émeutes de Detroit, en 1971, le label s’envole pour la côte Ouest, le Michigan, c’est fini

C’est à ce moment que certains artistes prennent leur indépendance, bien que distribués par Motown à l’image de Marvin Gaye et Stevie Wonder. Car cet encadrement extrême trouve ses limites. Bon nombre des grands artistes de la Motown ont, à un moment ou à un autre, voulu quitter le label. Les contrats proposés par Berry Gordy étaient très peu avantageux. Le taux de redevances proposé aux artistes était extrêmement bas et la Motown leur imposait des contraintes strictes d’exclusivité. Ainsi, les noms « The Supremes » et « Jackson 5 » sont restés propriétés de la Motown après le départ des artistes qui durent se trouver un nouveau nom de groupe.

Pour les 25 ans du label en 1983, Motown Records réussi à convaincre plusieurs artistes partis faire des affaires ailleurs de revenir pour réaliser un concert évènement pour les 25 ans du label. C’est à cette occasion que Michael Jackson y présente pour la première fois son fameux moonwalk.

La Motown aujourd’hui

Le déclin du label était inévitable étant donné les évolutions remarquables de ses artistes comme Diana Ross, Marvin Gaye et l’ascension de Michael Jackson. La maison de disques ne pouvait pas rester à ce niveau pour toujours. Cependant, Motown est en partie responsable de sa chute. Le hip-hop devenant de plus en plus plébiscité, Motown a gardé son écurie de stars qui étaient de moins en moins écoutées. Motown Records se voit alors racheté par plusieurs sociétés mères, détruisant ainsi l’âme du label.

Après des années de démembrement corporatif, Motown a par chance bénéficié d’un rachat qui lui a permis de rétablir une vision artistique cohérente. L’achat de EMI par Universal a mené à la dissolution de Island, Def Jam et Motown. Motown est retournée à L.A. où Gordy avait déménagé en 1972 et est devenue une filiale de Capitol, une autre marque de prestige. S’éloigner de Island et de Def Jam signifie également que Motown peut signer avec des rappers, reconnaissant enfin le « son de l’Amérique jeune » d’aujourd’hui. Motown n’a jamais eu autant de succès dans le hip-hop qu’en 1991, mais existe toujours à l’heure actuelle avec le fantôme de la gloire d’antan.

Parmi ces artistes actuels les plus connus ? Lil Baby, Brandy, Vince Staples, Lil Yachty, Migos (ainsi que chacun des membres en solo : Offset, Quavo et Takeoff) ou encore Ne-Yo.

Migos, Veld Festival en 2017, © The Come Up Show
Migos, Veld Festival en 2017, © The Come Up Show

Et Detroit aujourd’hui ?

USA, Detroit a perdu les deux tiers de sa population. Les quartiers les plus pauvres sont à l’abandon et des immeubles très fréquentés dans le temps sont devenus des vestiges aujourd’hui. Pour autant la ville n’est pas morte et garde malgré tout une partie de son histoire. Car la scène musicale locale ne résume pas à Motown, loin de là ! C’est ici qu’Eminem et Madonna ont fait leur début, que Gershwin a collaboré avec Jerome Remick, que les plus grands chanteurs de blues et de jazz comme Duke Ellington, Ella Fitzgerald et Count Basie se sont produits dans des clubs comme les légendaires Baker’s Keyboard Lounge et Cliff Bell’s.

Vue aérienne de Detroit. Au premier plan, le Tiger Stadium, le stade de baseball, sur Michigan Avenue. Au fond, le lac Saint Clair et le Canada. © BARRY HOWE/CORBIS/PHOTONONSTOP
Vue aérienne de Detroit. Au premier plan, le Tiger Stadium, le stade de baseball, sur Michigan Avenue. Au fond, le lac Saint Clair et le Canada. © BARRY HOWE/CORBIS/PHOTONONSTOP

Et si un  jour vous partez visiter Detroit, je vous invite fortement à partir sur les traces des pépites musicales de la ville, à commencer par le célèbre label Motown Records et son musée.

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Par  Clara Lefevre-Manond,

Née à Lille, passée par les Deux-Sèvres, Clara est revenue dans la capitale des Flandres pour ses études. Danseuse classique, elle a aussi fait du tennis. Sportive, elle ne laisse pas un challenge lui saper le moral. Souriante et généreuse, voilà comment la qualifier. Mais attention, sous ses yeux bleus, se cache un sacré caractère : qui s’y frotte s’y pique !

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