Des romans, des bandes dessinées, des adaptations, des tirades infinies sur notre rapport aux autres. La macédoine et le temps qu’il fait, des comparaisons sorties de l’espace et le dernier album d’Astérix et Obélix. Fabrice Caro / Fabcaro est disponible dans toutes les bonnes librairies et c’est tout de suite, dans C’est comme la confiture.
Je n’ai aucun souvenir de comment j’ai découvert le travail de Fabrice Caro. Vraiment, aucun. Je sais par contre quel est le premier roman de Fabcaro que j’ai lu. C’était Le Discours. C’est marrant ce livre, ça a dû me marquer fort. Parce que d’une façon totalement irraisonnée, à chaque fois que je prononce le titre du livre, j’ai envie d’ajouter “De Fabcaro”. C’est “Le-Discours-de-Fabcaro” en un seul mot. Ça me demande un effort surhumain de couper au milieu et de dire Le discours-tout-court.
Un peu comme quand je dis “Ma-copine-Valentine-des-bateaux”
Est-ce que ma copine Valentine vit sur un bateau ? Pas du tout, elle tient un Hôtel-Restaurant, à Saint-Julien-en-Vercors. Mais on s’est rencontrées il y a dix ans dans la Marine Marchande. Et cette information, partiellement rendue par le suffixe -des-bateaux s’est ajoutée presque aussitôt, au préfixe Ma-copine-. Depuis, je ne peux plus séparer ce groupe de mot lorsque je la mentionne à une tierce personne. Je ne peux pas dire comme tout le monde le ferait à ma place : “Tu sais, Valentine, ma copine qui s’est installée dans le Vercors. Mais si je t’en ai parlé ! On s’est rencontrées sur les bateaux de la Brittany Ferries il y a une dizaine d’années”.
Par contre, automatiquement, je dis :
Ma-copine-Valentine-des-bateaux. Cela dit, bien que très régressif, cette mention n’en est pas moins efficace. Désormais, tout mon entourage est en mesure de dire Ah mais oui, c’est ta copine de la Brittany qui s’est installée dans le Vercors ?
J’ai créé un mythe
Fabcaro c’est pareil. Enfin pas Fabcaro. “Le-discours-de-Fabcaro”. En plus ça ne marche même pas parce que Fabcaro, dans la vraie vie, il s’appelle Fabrice, pas Fab. Personne ne s’appelle Fab. Et qu’il signe ses romans Fabrice Caro, il n’y a que ses bandes dessinées qu’il signe Fabcaro. Et le discours, c’est pas une bande dessinée, c’est un roman. Donc en plus d’être hyper étrange, mon obsession est totalement incohérente. Je devrais dire Le discours de Fabrice Caro. Mais non, j’insiste, Le-discours-de-Fabcaro. C’est plus fort que moi.
Mais venons en aux faits. Fabrice Caro c’est un auteur de bandes dessinées et de romans
A ses heures perdues, ou pas perdues d’ailleurs est aussi musicien. Il est né en 1973 à Montpellier. Il se destine au départ plutôt à une carrière de professeur. Et puis finalement, après des études scientifiques, il décide de vivre de sa passion. Comme on dit, enfin de vivre de ses passions que sont le dessin et l’écriture. Il travaille sur plusieurs revues et bandes dessinées dans les années 90.
Notamment, Tchô, le mensuel de Titeuf, et puis d‘autres. Il travaille pour la presse, et fait des illustrations. Au début des années 2000 il se présente au festival d’Angoulême avec quelques planches d’un album. Ou de ce qui pourrait le devenir, il les présente sans succès à plusieurs maisons d’édition. Et il finit par rencontrer, sur le stand de La Cafetière, Philippe Marcel qui les trouve très amusantes ces planches.
Moi, cette bande dessinée, je l’ai d’abord découverte à travers une adaptation de Paul Moulin et Maïa Sandoz au théâtre de l’Atelier
Enfin une adaptation radiophonique au théâtre. Dans cette adaptation-là, on a pas l’image de la bande dessinée, mais on voit les comédiens créer sur scène une bande son. Et c’est incroyable. Les comédiens sont excellents, les bruitages très ingénieux, le rythme est hyper soutenu. Et ça donne une impression de grand n’importe quoi. Alors que clairement, pour qu’un bordel pareil fonctionne il faut que ce soit millimétré.
Cet album a gagné le grand prix de la Critique ACBD en 2015. Et depuis Zaï zaï zaï zaï, c’est le succès et la farandole de la bonne humeur. Le public dont je fais partie a redécouvert ses œuvres précédentes et attendu avec impatience les nouvelles sorties.
Fabcaro dit que “l’idée de n’être pas attendu offre plus de liberté, d’un point de vue créatif, on peut faire ce qu’on veut”
Pour autant, ce qui est sorti par la suite ne me semble pas moins irrévérencieux. Il a sorti un album qui s’appelle “Et si l’amour c’était aimer”. Pour lequel il a reproduit en dessin, des planches de romans-photos existants pour raconter l’histoire de Sandrine et Henri. Qui coulent des jours tranquilles jusqu’à ce qu’elle, Sandrine, tombe sous le charme de Michel, un grand brun ténébreux, livreur chez Speed Macédoine.
Et alors là, je plussoie, la macédoine, vraiment
Rien ne va. Cette consistance qui n’en est pas une, c’est comme les salades de fruits. Au fond, on ne sait jamais avec quelle force il faut croquer les différents éléments qui la composent. Ça me tue. Ce sont des plats qui manquent cruellement de cohérence d’ensemble. Mais je m’égare, personnellement, l’humour absurde, je suis bonne cliente. Donc déjà un couple qui se fait livrer de la macédoine, je souris.
Mais alors quand au détour d’une case, je vois un mari disant à sa femme au restaurant : “Commande ce que tu veux ma chérie, j’ai un salaire confortable”. Bon et bien je me marre comme une baleine. Parce qu’il y a quelque chose dans les bandes dessinées de Fabcaro de l’ordre de : Voilà ce ce que l’on ne dit pas, mais que moi, j’écris.
Il a aussi co-écrit et réalisé une véritable parodie de roman photo avec Eric Judor
Ce roman photo s’appelle Guacamole Vaudou, et franchement, c’est une merveille. Les romans photos ont été inventés en Italie après la seconde guerre mondiale. Si, si j’ai appris ça. Les magazines Girls de 2003 n’ont donc rien inventé du tout. Mais cette forme est sensationnelle, dans tous les sens du terme. Ce roman photo là : c’est l’histoire de Stéphane Chabert, à qui la vie ne sourit pas tant. Un jour, il participe à un stage de vaudou et voilà que tout va changer pour lui.
C’est l’éditrice Nathalie Fiszman qui a eu l’idée de faire un roman photo avec Eric Judor. Et puis Eric Judor lui a soufflé le nom de Fabcaro dans l’oreillette pour l’écrire avec lui et on l’en remercie. Ce petit bijou réunit leurs deux univers, dans une ambiance années 70, franchement réjouissante.
Avant de découvrir son travail de bédéiste
C’est bien ça qu’on dit ? J’ai d’abord été attirée par ses romans. Sans doute, parce que même si j’aime ça, je suis moins habituée à lire des bandes dessinées. Alors j’ai lu Le discours-de-fabcaro, qui comme vous le savez déjà est un roman. Le discours, c’est l’histoire d’un mec qui vient de se séparer, mais pas d’un commun accord. D’un accord qui n’est pas tellement le sien. Il s’était promis de ne pas écrire à son ex. Et pourtant ! Il vient de lui envoyer “Coucou Sonia, j’espère que tu vas bien, bisous !”. Là-dessus, il va à un repas de famille chez ses parents et son beau-frère lui demande de prononcer un discours au mariage de sa sœur.
On navigue pendant tout le repas entre les considérations intérieures du personnage principal
Sa mélancolie, sa frustration, le déroulé de ce dîner, ses digressions infinies sur ce texto qui n’attend pas de réponse. Et les différents discours qu’il s’imagine en train de prononcer le jour du mariage de sa sœur. Bon, mettons nous d’accord tout de suite, il est nul ce texto. Et il est fatiguant ce personnage, mais on a tous eu le cœur qui bat la chamade. Quand le téléphone vibre alors qu’on attend avec impatience la réponse de l’être aimé.
Jusqu’à ce qu’on réalise que c’est Jean-Baptiste du club d’échecs qui veut savoir combien de bûches de chèvres tu mets dans ta quiche signature. Donc on partage un peu sa douleur. Et puis ses digressions sur 200 pages sont saupoudrées d’analyses très fines. Mais surtout hilarantes sur ses liens avec sa famille, sa collection d’encyclopédies. Sa collecte de stylos pour le Bénin et la toute puissance de la chenille dans les mariages.
Après Le discours (de Fabcaro), j’ai lu Figurec, sorti en 2006
A l’époque, je gardais des petits chats mignons chez des gens fort sympathiques. Qui possédaient ce livre dans leur très grande bibliothèque et j’ai profité de quelques semaines de cat-sitting pour le dévorer. Le pitch, c’est un mec qui assiste à des enterrements parce que, je sais pas moi, ça le détend. Et un jour il se rend compte qu’il y a un autre mec qui assiste aussi à ces mêmes enterrements. Mais genre, à tous. Et ce mec un jour sur le ton de la confidence, il lui dit Figurec ? Et là, il découvre l’immense machination. Il existe une société privée du nom de Figurec qui propose des services de figuration de la vie. Et, Figurec est partout.
Ce livre n’était pas le mien
Or, moi je n’aime rien plus que de corner des pages et de surligner les passages que j’ai aimé au stabilo. Pour pouvoir à loisir, lire des extraits aux copains de passages à qui j’en parle. Oui, il est possible que ça les saoule un peu, mais ils ont la décence de ne pas le dire. Du coup quand je prête mes livres, je prête aussi une petite part de mon intimité. Parce que ça dit des choses de soi qu’on a préféré dans un roman. Je me souviens que ça m’avait franchement frustrée de ne pas pouvoir le faire. Alors quand j’ai retrouvé un exemplaire de Figurec au hasard d’une braderie, je l’ai bien évidemment acheté.
Et je me retrouve donc avec l’intimité de quelqu’un d’autre au passage
Puisque sur la page de garde ce cette édition de poche. Il est écrit “Joyeux Noël Le Fennec argenté”, entouré de sept étoiles un peu cabossées, signé Pat. Je me suis dit bah dis donc, je sais pas qui est Pat. Mais je me dis qu’il serait bien attristé. De savoir que le Fennec argenté n’a pas mis longtemps à le mettre sur le trottoir son livre. Ça a nourri une forme d’incompréhension quand même parce que moi je l’aime beaucoup. Alors, pour lui rendre justice, je vais fièrement l’exposer dans ma bibliothèque. Et peut-être que quelqu’un d’autre gardera à son tour les chats. Que je n’ai pas et sera content de le rencontrer. Le livre, pas le chat.
Le Discours de Fabcaro, j’en ai aussi vu une adaptation au Théâtre Michel il y a quelques années
Et je crois qu’il passe encore ce moment au Théâtre de la Renaissance. Franchement, je vous le conseille. C’est Simon Astier qui joue ce seul-en-scène. C’est le frère d’Alexandre Astier, qui joue d’ailleurs dans Kaamelott le frère de la Reine Guenièvre. “Arthouuur pas changer assiette pour fromage”. Oui, je fais partie de ces gens qui parfois se mettent à hurler des trucs incompréhensibles. Pour les non-aficionados de la série. Je m’excuse. Du bout des lèvres, à peine quoi. Parce que vraiment cette série est extrêmement bien écrite.
Au sujet du discours de Fabcaro sur Billetreduc
J’ai lu le commentaire de Viviane qui disait : “Personnage très perturbé.” Ça m’a terminée. Et en effet, même joué par Simon Astier la deuxième fois que je l’ai vu la pièce. Je me suis dit “Mais ce mec -pas Simon hein, le personnage- est insupportable”. Et c’est vrai. Mais on est quand même d’accord, avec le reste du commentaire de Viviane qui ajoute : “Très bon acteur. Bon moment de théâtre.”
Plus récemment, Fabcaro a signé le dernier album d’Astérix & Obélix. Oui, vraiment. Et Astérix, ça reste une institution. Moi ça faisait des lustres que je n’en avais pas ouvert un et pourtant dès la première page. J’ai entendu ce que je lisais, “La vie n’est pas facile pour les garnisons de légionnaires romains des camps retranchés de Babaorum, Aquarium, Laudanum et PetitBonum”.
L’album s’appelle « L’Iris blanc » et vous le trouverez sans problème en librairie ou en supermarché
D’ailleurs, je ne sais pas comment ils ont géré le Merchandising. -Oui, parce que je bosse un peu dans le milieu-. Mais même dans les Monoprix parisiens, à l’entrée du magasin. Il y a des petits meubles en carton qui mettent le livre en avant. Alors que le Monoprix d’à côté de chez moi c’est d’abord et avant tout du manger. Pour tout ce qui est déco, mouchoirs, cœur grenadine et tapis de bain, il faut descendre au sous-sol. Et ben là, ils sont juste à l’entrée, au Rez-de-chaussée. Classe. Oui, c’est pas rien.
Et pour cause, le thème central de cette aventure c’est le développement personnel
Voici le résumé : “L’Iris blanc est le nom d’une nouvelle école de pensée positive, venue de Rome. Qui commence à se propager dans les grandes villes, de Rome à Lutèce. César décide que cette méthode peut avoir un effet bénéfique sur les camps qui se trouvent autour du célèbre village gaulois. Et bon, je vous le donne en mille ! Ils vont se mettre à faire de l’exercice, à produire des vibrations énergétiques et à manger des aliments riches en oligo-éléments.
Ce qui va mettre le bazar au Royaume du sanglier. Je ne sais pas si je suis totalement convaincue par la fin de l’histoire, mais j’ai bien rigolé. Et après coup, je me suis dit, c’est marrant comme cette série d’album se veut intemporelle. Alors que paradoxalement il y a beaucoup de références qui sont intimement liées à l’époque de leur sortie. Oui, j’enfonce un petit peu les portes ouvertes. Bon, j’imagine que c’est aussi le cas pour les albums précédents. Il faudrait sans doute que je les relise…
Mais je m’étale, Fabcaro je vous le conseille si vous aimez rigoler
Si vous avez une passion pour les situations gênantes. Vous savez celles, où dans les couloirs du bureau, au lieu de dire “Excusez-moi” pour dépasser gentiment des collègues qui gênent votre progression en leur adressant un sourire. Pour une raison inconnue, vous restez derrière eux et vous vous mettez à dire “Tut-tut”. En fixant le bout de vos chaussures. Voilà, ce type de situations, qui glissent un peu sans qu’on puisse les rattraper. Je vous conseille fortement ses romans parce qu’on trouve à chaque chapitre, des répliques désopilantes.
Désopilant ça veut dire qui fait rire de bon cœur. Je ne l’ai su que très tard. Moi pendant longtemps, j’ai cru que ça avait un lien avec désobligeant. Autant vous dire qu’il y a pas mal d’articles, devant lesquels je reste circonspecte. Exemple : “Spectacle désopilant, on en redemande”, 4T sur Télérama… D’accord, pourquoi pas. Mais peu importe, je vais vous dire un truc. Moi ça me réjouit de savoir que se baladent encore sur les rayonnages de bibliothèque des livres de Fabcaro que je n’ai pas encore surlignés.
Les tarifs de ses livres sont loin d’être excessifs
Vous pouvez trouver ses bandes dessinées à partir de 10,50€. Ses derniers livres sont disponibles aux éditions Sygne chez Gallimard. Avec de jolis motifs colorés pour une vingtaine d’euros. Mais la plupart sont aussi disponibles en version poche à partir de 8,10€.
Ah, et pour d’autres recos plus ou moins proches, je vous conseille les romans de Florent Oiseau. Qui me font rire et pigner, et que j’ai également beaucoup surligné. Et enfin les livre d’Un faux Graphiste, en trois mots, qui maîtrise parfaitement le détournement et les jeux de mots.