Leader politique, prix Nobel de la paix, ambassadrice de l’UNESCO… L’activiste guatémaltèque Rigoberta Menchu est devenue, en 60 ans d’existence, une figure incontournable de la défense des droits de l’homme. Et, plus précisément, des populations indiennes.

Sa vie n’a été que combat, ponctuée de tragédies. Combat contre la répression militaire, et les discriminations dont sont victimes les Indiens d’Amérique. Combat pour le droit des femmes, et des groupes autochtones. Celle qui porte les cicatrices de l’oppression s’est hissée au rang de porte-parole du droit des indigènes. A la seule force de ses bras et le cœur alourdi par les drames.

Née dans la misère, ayant grandi parmi les infamies, témoin tragique de l’horreur répressive, contrainte à l’exil… Rigoberta Menchu est une mémoire des injustices passées. Elle combat avec vigueur celles qui persistent toujours aujourd’hui à travers des prises de paroles. Elle se présente à deux candidatures à la présidence de son pays natal et s’investit dans plusieurs initiatives humanitaires. Retour sur le parcours de celle qui, toujours, est restée le poing levé.

Une enfance brisée par l’oppression

Rigoberta Menchú voit le jour le 9 janvier 1959. Elle naît parmi l’ethnie maya des Quichés dans le hameau de Chimel. Lequel culmine à quelque 1790 mètres d’altitude, au nord-ouest du Guatemala. Décor de rêve pour une enfance infernale. En effet, sur les hauts plateaux, la famille de Rigoberta vit dans une extrême pauvreté. Si bien que dès l’âge de 5 ans, ses parents l’entraînent lors de migrations saisonnières pour travailler dans des plantations.

Là-bas, l’enfant découvre un système d’exploitation moyenâgeux, mené sous la férule de cruels contre-maîtres. Les conditions de vie y sont si sévères que Rigoberta perd l’un de ses frères, victime de malnutrition. Adolescente, elle s’engage comme domestique auprès d’une famille aisée de la capitale, Ciudad de Guatemala. Dans ce foyer où elle était « moins bien nourrie que le chien », Rigoberta souffre en silence face à un racisme anti-indien décomplexé.

Militant de père en fille

À la fin des années 60, de puissants exploitants terriens s’appliquent à déloger manu militari les Indiens de leur terre. Ils ne tardent pas pour se les accaparer. Le père de Rigoberta, lui, se révolte. Il est emprisonné et rejoint, à sa sortie, le Comité d’Unité Paysanne. Marquée par le traitement subi durant sa jeunesse, Rigoberta adhère à son tour au mouvement en 1979.

Influencée par l’engagement familial, elle milite pour le droit à la terre des Indiens. Elle enseigne aux communautés indiennes l’autonomie politique, participe à des manifestations contre la torture et encourage l’émancipation des femmes. En 1979 toujours, l’armée torture et tue son frère, puis sa mère. L’année suivante, son père ainsi que 38 autres partisans meurent dans un incendie de l’ambassade d’Espagne, provoqué par les autorités.

La parole ou l’arme à feu ?

Rigoberta Menchu lors d'un discours
Rigoberta Menchu lors d’un discours

Face au désastre, une partie de sa famille s’engage dans la guérilla. De son côté, Rigoberta s’exile au Mexique, afin de poursuivre la lutte par d’autres voies. Ayant appris l’espagnol, elle témoigne de son histoire lors de conférences aux États-Unis et en Europe. La détresse des Indiens du Guatemala a trouvé sa voix.

Les horreurs du régime militaire au pouvoir éclatent au grand jour avec la parution de Moi Rigoberta Menchu (1983). Un ouvrage autobiographique réalisé à partir d’entretiens. Outre son combat pour le droit des Indiens, Rigoberta milite aussi pour l’amélioration de la condition des femmes d’Amérique latine. Devenue une personne de notoriété publique, elle multiplie les voyages internationaux afin de défendre ses causes.

Les années 90 : la consécration

L’histoire de Rigoberta bouleverse autant qu’elle indigne politiques et citoyens. En 1991, l’ONU la charge de participer à l’élaboration d’une déclaration des droits des peuples autochtones. L’importance de son œuvre est consacrée l’année suivante, lorsque le prix Nobel de la paix lui est attribué. Personnalité désormais incontournable, l’UNESCO la désigne ambassadrice de bonne volonté. Rigoberta use de son poids politique pour diverses causes.

Elle tente de faire passer devant la justice un ex-dictateur guatémaltèque, pèse en faveur d’une réduction du prix de médicaments génériques. Elle lance des projets humanitaires via une fondation éponyme. Décidée à obtenir plus de poids dans un pays « machiste, raciste et dominé par l’exclusion ». Rigoberta se présente aux élections présidentielles en 2007 puis en 2011 sans l’emporter. Qu’importe, Rigoberta se félicite d’avoir battu en brèche les schémas politiques traditionnels et poursuit la lutte. Toujours en voyage pour défendre l’égalité. Toujours vêtue du costume traditionnel quiché, toujours l’œil combatif.

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Article concocté par Antonin Gratien 

Rédacteur et journaliste indépendant spécialisé dans les arts (cinéma, musique, mode, art contemporain), et les questions de société. Biberonné à la littérature, diplômé en littérature, philosophie et ingénierie culturelle. Attentif aux mœurs contemporaines, aux personnalités émergentes ainsi qu’aux œuvres nouvelles.

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