Dans toutes les cultures du monde, les créatures fantastiques et légendaires peuplent les récits. Ces entités fascinent les humains comme en témoigne leur omniprésence dans les traditions picturales, littéraires et orales. Le Japon est un pays au folklore populaire empreint d’une incroyable diversité de personnages étranges et magiques. Ces êtres parfois malfaisants, parfois bienveillants sont appelés Yokai. Partons à la découverte de la culture fantastique japonaise et de ses monstres.

Les origines des Yokai dans le folklore Japonais

Le folklore japonais s’est construit sous l’influence de nombreuses cultures asiatiques. On retrouve l’inspiration de la culture chinoise mais aussi indienne et bouddhique. Les êtres fantastiques que l’on compte par centaine sont tous regroupés sous le terme général de Yokai. Comprenez « esprits », « démons » ou « apparitions étranges ». Ces créatures surnaturelles excellent dans l’art de la métamorphose. Souvent jugées responsables de tous les maux. Elles représentent l’incarnation d’une nature sauvage indomptable qu’elles s’attachent à défendre contre les folies humaines.

Les Japonais vouent un culte particulier à la nature. Leur folklore est donc naturellement peuplé d’entités divines protectrices associées aux éléments naturels. Les Yokai participent eux aussi à la préservation de cet équilibre. Ces métamorphes ou henge, aiment prendre des formes humaines ou animales pour s’approcher discrètement des humains.

Un Yokai réalisé par Hokusai © Image libre de droits, commons.wikimedia.org
Un Yokai réalisé par Hokusai © Image libre de droits, commons.wikimedia.org

Le rayonnement de la culture fantastique japonaise

Durant la période Edo (1603-1868), la culture fantastique japonaise est à son apogée. Les légendes peuplées de monstres sont devenues très populaires dans toutes les régions de l’île. Des artistes spécialistes des mythes, comme Toriyama Sekien, recensent les Yokai dans de grands bestiaires ou dans des encyclopédies surnaturelles. Ces dernières connaissent un véritable succès, notamment auprès de l’aristocratie.

La période Edo témoigne d’un épanouissement culturel et artistique Japonais sans précédent. Ces artistes des univers fantomatiques ouvrent la voie à toute une génération de disciples. Ces derniers s’empressent d’intégrer les Yokai dans tous les arts japonais.

La représentation du Yokai dans la culture moderne européenne

Pendant la restauration Meiji (1868-1912), l’engouement pour les Yokai s’essouffle brusquement. Le Japon souhaite donner l’image d’une culture moderne et délaisse les vestiges des traditions superstitieuses. Après la seconde guerre mondiale, l’artiste Shigeru Mizuki publie une série de mangas remettant à l’honneur les êtres surnaturels. Notre Europe moderne est aujourd’hui friande de culture japonaise. Librairies, magasins de jeux vidéo ou multimédias témoignent de cette passion pour le folklore asiatique. Des mangas à succès comme Naruto ou One Piece en passant par les films d’animation du célèbre Miyazaki, les Yokai sont partout. L’illustrateur jeunesse français Benjamin Lacombe, en a même fait l’objet d’un de ses ouvrages, Esprits et Créatures du Japon.

Qui sont ces fameux Yokai passés maîtres dans l’art de la métamorphose ? La plupart reprennent les traits d’espèces animales bien connues de tous : chien viverrin, tortue ou encore renard. Ces animaux réels auraient développé des pouvoirs surnaturels dont ils useraient pour se rapprocher du monde des humains. Rencontre avec quelques Yokai populaires :

Les Yokai, créatures fantastiques japonaises

Le Tanuki : le plus doué des transformistes

Des statuettes de tanuki en fôret © Teratoiid, certains droits réservés, www.flickr.com
Des statuettes de tanuki en fôret © Teratoiid, certains droits réservés, www.flickr.com

Le Tanuki ou « chien viverrin », est une véritable espèce de chien d’Asie de l’Est. Il ressemble à un raton laveur et ne se déplace que la nuit pour chasser en toute discrétion. Il n’est pas rare d’apercevoir une statue de Tanuki dans un jardin de maisons japonaises. En effet, ces petits Yokai aux mines joviales sont particulièrement populaires malgré leur réputation de vilains farceurs.

Le réalisateur Isao Takahata met à l’honneur ces petites divinités dans son film d’animation Pompoko. L’histoire raconte que les Tanuki vivaient heureux dans les bois bordant la ville de Tokyo. Ils y habitaient avant que les humains ne se mettent à détruire peu à peu leur environnement. Les valeureux Tanuki passent alors à l’action pour tenter de sauver la nature.

Capables de se transformer en objets ou en humains, les plus doués des transformistes redoublent d’ingéniosité pour effrayer les destructeurs. Anecdote amusante : leurs massives et magiques testicules sont modulables à l’infinie. Elles peuvent donc servir de moyen de défense, d’éventails et même de filets de pêche.

Le Kitsune, renard sacré aux trois queues

La couverture de l’album de Benjamin Lacombe représente une renarde anthropomorphe tenant devant elle un masque humain. C’est une belle illustration du Kitsune, ou renard en japonais. Ces Yokai sont les serviteurs de la divinité Shinto Inari dont le temple est peuplé de statues de Kitsune protecteurs. Ces renards fantastiques sont tantôt dépeints comme des esprits bienveillants, tantôt comme des êtres maléfiques, trompeurs et voleurs.

Comme les Tanuki, ils sont capables de se transformer en humains, souvent sous la forme de femmes magnifiques et envoûtantes. Il peut même leur arriver de s’unir par le mariage à de véritables jeunes hommes. Ils peuvent aussi exercer un métier et élever les enfants nés de ces unions étranges.

Le Kappa, génie protecteur des eaux japonaises

Vénérés dans le Shinto, les Kappa peuvent être considérés comme des génies protecteurs des rivières. Ce Yokai est sans doute le seul capable d’apprendre les langues humaines et de maîtriser la médecine. Dont l’art de ressouder les os brisés. Dans le film d’animation japonaise Un été avec Coo de Keiichi Hara. Le Kappa est illustré comme un gentil petit être innocent et maladroit.

Le physique de ces êtres fantastiques est particulièrement détaillé dans le folklore japonais. Ce sont des humanoïdes aquatiques de la taille d’un enfant. Leur peau est pourvue d’écailles et leurs pattes palmées. Ils possèdent un bec et une carapace de tortue sur le dos. Leur principale caractéristique est la coupe creuse au sommet de leur crâne. Cette dernière doit toujours être pleine d’eau pour maintenir le Kappa en vie.

Lorsque le Kappa se met en colère, il est capable des pires atrocités. Pour le vaincre, il suffit de le saluer en effectuant une révérence. Désireux de rendre le salut, le Kappa se baissera si bas que sa coupe se videra. Vaincu, le Yokai n’aura d’autre choix que de jurer une éternelle fidélité au gagnant.

Les Yokai dans l’univers cinématographique des studios japonais

Les connaisseurs le savent ! Pour se plonger dans le folklore fantastique japonais, rien ne vaut les films d’animation du Studio Ghibli. Son fondateur et réalisateur Hayao Miyazaki met à l’honneur un bestiaire foisonnant pour le plus grand plaisir des spectateurs. Du monstre nommé Sans-Visage dans Le Voyage de Chihiro au Chat-Bus de Mon Voisin Totoro. Ces créatures attachantes et parfois effrayantes servent un discours écologique.

Princesse Mononoke : une ode à la nature

Le film Princesse Mononoke, dévoilé en 1997, est sans nul doute le plus grand chef-d’œuvre du maître de l’animation japonaise. Les Yokai mis en scène servent à dénoncer les effets dévastateurs de l’affrontement entre la nature et les humains. Il est amusant de noter que le terme « Mononoke » désigne aussi les créatures étranges que sont les Yokai. Ces derniers voient, impuissants, leurs pouvoirs décroître à mesure que la nature disparaît.

Les divinités animales (sangliers et loups) perdent peu à peu la parole et l’intelligence. Ils deviennent des bêtes cruelles et assoiffées de sang. Tout au long du film, les Kodama, « esprits de l’arbre » apparaissent à la princesse Mononoke. Ils font partie des créatures du folklore japonais et peuvent être comparés aux Sylvains occidentaux.

Dans la version de Miyazaki, ils possèdent un corps frêle et une petite tête ronde qui émet des cliquetis en gigotant. Leurs intentions réelles sont inconnues et ils sont incapables de s’exprimer. 

Lettre à Momo : rencontre avec trois Yokai

Réalisé par Hiroyuki Okiura en 2012, Lettre à Momo est un film d’animation, conte fantastique. Les héros sont les Yokai. C’est l’histoire d’un deuil, celui de la jeune Momo après la disparition de son père océanographe, disparu en mer. Après le décès, la jeune fille et sa mère quittent Tokyo pour s’installer sur l’île de Shio. La petite Momo s’enfonce dans le chagrin. Mais elle finit par découvrir un vieux livre d’images dans le grenier de sa nouvelle maison. De ce livre vont s’échapper trois Yokai gloutons et stupides.

Ces derniers jouent un rôle d’anges gardiens bienveillants et vont aider Momo à reprendre goût à la vie. Ils n’ont d’ailleurs pas d’autre choix que d’aider la jeune fille. S’ils veulent se faire pardonner des dieux et retourner dans le monde des divinités.

Le Voyage de Chihiro : un hommage au folklore fantastique japonais

En 2001, la sortie du film Le Voyage de Chihiro, réalisé par Miyazaki, fait un véritable carton en Europe. Encore une fois, le maître met en scène les traditions ancestrales japonaises par la présence d’un bestiaire fantastique. La petite Chihiro devient prisonnière d’un monde peuplé de Kami et de Yokai duquel elle essaye de s’échapper.

Ces créatures effrayantes se rendent dans une station thermale pour divinités, dirigée par une terrible sorcière. Cette dernière oblige la petite fille à travailler d’arrache-pied en échange de sa libération. Les esprits japonais venant se purifier sont nombreux. On croise le mystérieux Sans-Visage que l’on nomme « Konashi » dans le folklore japonais.

Ce dernier se prend d’affection pour Chihiro et ne cesse de la suivre. Il représente la part sombre présente chez les humains et cumule tous les péchés (avarice, envie ou gloutonnerie). On y croise également des esprits poussins appelés « Otori-Sama » mais aussi « Ushi Oni », le démon araignée.

Les Yokai font partie intégrante du folklore fantastique japonais

De nombreux ouvrages illustrés rendent hommage à ces créatures aussi effrayantes que fascinantes. Dans notre pop culture moderne, les Yokai sont devenus de véritables héros. Mangas, films d’animation et même goodies, il y en a pour tous les goûts !

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Article concocté par Ariane Guizard 

Mon prénom, à la légende crétoise bien connue, m’a donné le goût pour l’art et les histoires. Petite, j’écrivais et mettais en scène des pièces de théâtre tout en dessinant mes rêves. Devenue une adulte curieuse, j’aime passer du coq à l’âne et d’une découverte à l’autre. Après des études artistiques, je suis devenue rédactrice pour raconter la vie des autres sur le web. Hypersensible, je vis chaque jour avec passion et une bonne dose de folie !

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