Les enfants de moins de 3 ans ne sont pas toujours les bienvenus au sein des musées. Ce jeune public a longtemps fait l’objet d’une profonde méconnaissance de la part des institutions culturelles. Sa présence parmi les œuvres suscite la crainte et le doute quant à ses capacités de compréhension. Bébé et musée, antagonisme ?

Pourtant, depuis quelques années, la tendance est au changement. Face aux nouveaux enjeux d’éveil culturel, les programmations culturelles destinées à nos petits se font plus nombreuses. Emmener bébé flirter avec une toile de maître est-il vraiment utile ? À qui profite réellement l’expérience ? C’est ce que nous allons tenter de découvrir tout au long de cet article.

L’histoire de bébé dans les musées

Un bébé dans un musée, illustration aquarelle
Un bébé dans un musée, illustration aquarelle

L’essor des neurosciences dans les années 70 a permis de changer notre vision du bébé incapable. Finalement, ce petit être vagissant et entièrement dépendant présente des capacités d’auto-apprentissage étonnantes. Certains acteurs de la scène culturelle s’empressent alors de repenser l’offre des musées pour cet intrigant public.

Les pionniers en la matière

Dans les années 70, Claire Merleau-Ponty fait le constat de « l’inadaptation des musées au jeune public » (2000). Avec deux amies étudiantes, elle décide de créer un musée entièrement dédié aux enfants. Le Musée en Herbe, toujours présent à Paris, est une véritable révolution dans le monde muséal. Les œuvres originales sont presque accrochées à même le sol. La loi du silence ne règne plus en maître et les sens sont entièrement mobilisés.

À la même époque, le Musée des Enfants d’Ixelles voit le jour puis c’est au tour de la Cité des Sciences à Paris qui installe sa fameuse « Cité des Enfants », un espace dédié aux découvertes sensorielles. À l’étranger, Le Boston Children’s Museum ouvre ses portes en 1913. Actuellement, le musée dispose d’une collection de 50 000 œuvres originales, exposée aux tout-petits.

Dans les années 90, le gouvernement vient épauler les initiatives culturelles dédiées à ce nouveau public. En 1989, le premier protocole d’accord sur l’éveil culturel et artistique des jeunes enfants est signé entre le ministre de la Culture et la secrétaire d’État chargée de la Famille. Malgré ce regain d’intérêt pour les tout-petits, toutes ces offres culturelles se sont concentrées sur les enfants de plus de 3 ans. Ce n’est que récemment que les musées et institutions culturelles élargissent leurs propositions à ce public peu considéré.

Les nouveaux enjeux d’éveil culturel

Depuis la signature du protocole pour l’éveil artistique et culturel des jeunes enfants en 2017, les initiatives en faveur de la petite enfance se sont multipliées. On considère maintenant que dès la naissance, le tout petit doit avoir accès à l’art via la découverte sensorielle. Une manière de pallier à la « malnutrition culturelle » comme le souligne Sophie Marinopoulos en déplorant la mise en contact précoce des bébés et des écrans.

Alors comment nos institutions culturelles peuvent-elles participer à cette lutte aux côtés des parents ? C’est le Boston Children’s Museum qui revendique le premier son rôle de « préparateur » à l’entrée à l’école maternelle. Les musées sont des espaces multisensoriels, se prêtant parfaitement aux enjeux d’éveil culturel. Cependant, nombreux sont encore les sceptiques quant aux bienfaits de l’éveil culturel pour les moins de 3 ans.

 Les projets et événements créés pour le bébé dans les musées

Un bébé découvre l'art, illustration aquarelle
Un bébé découvre l’art, illustration aquarelle

Le bébé est-il intelligent ? A-t-il d’ailleurs nécessairement besoin de prouver des capacités cognitives jugées suffisantes pour prétendre à une place au sein du musée ? En vérité, les freins concernent davantage parents et institutions que le bébé. Les contraintes matérielles, financières ou humaines qu’impliquent l’accueil d’un tout-petit au sein de l’espace muséal rebutent très souvent les professionnels de la culture.

Les craintes et freins des parents et musées

Oui, emmener bébé au musée ne suscite pas toujours l’intérêt des parents. Ceux-ci ont souvent la crainte de ne pas pouvoir profiter de leur visite tout en s’occupant de leur bambin. Le manque d’aménagements prévus dans les musées (table à langer, vestiaire à poussettes ou espaces de repos) se fait cruellement sentir. Du côté des institutions, réaménager les expositions et locaux, mettre en place des outils de médiation adaptés ou inclure des visites pour les moins de 3 ans ne sont pas des priorités. Ces réticences s’expliquent par le manque de budget alloué, les difficultés logistiques rencontrées et le manque de formation du personnel.

Pourtant, pour bébé, une visite au musée n’est pas vide de sens. Au contact des œuvres, il retiendra des émotions et sensations positives qui l’aideront dans son développement. Le plaisir pur et sensoriel partagé avec son entourage proche aidera le tout-petit à se sentir entouré pour bien grandir. Quant aux musées, et certains l’ont bien compris, accueillir des bébés peut apporter certains avantages. Cela participe à un rayonnement muséal en fidélisant un public tout en en intéressant un nouveau. L’institution se fait connaître du monde culturel en proposant une nouvelle expertise en conception d’outils et visites adaptés aux bébés.

La recette pour bien concevoir un projet culturel pour les bébés

Si chacun semble faire un peu à sa sauce, certaines mesures de bon sens sont à prendre en compte. Les professionnels de la petite enfance préfèreront l’organisation de séances culturelles au sein des crèches plutôt que le déplacement compliqué des enfants vers les lieux patrimoniaux. Il est vrai que le tout-petit sera toujours plus à l’aise dans un environnement connu. Les artistes de spectacle vivant sont les premiers acteurs de l’éveil culturel. Spectacles de marionnettes, danses ou performances musicales sont autant d’activités artistiques appréciées des bébés.

Au sein du musée, quelques aménagements s’imposent. Il est bon de proposer tous les éléments nécessaires au confort des tout-petits. Les espaces d’exposition doivent être repensés pour l’accueil du bébé. La plupart des musées choisissent cependant de n’organiser que des événements temporaires au milieu des œuvres. D’autres, comme La Cité des Sciences et de l’Industrie à Paris, dédient des espaces scénographiés et adaptés aux plus jeunes. C’est le cas du Lab de La Cité des Bébés qui propose un espace de découvertes sensorielles dès la naissance.

Des exemples réussis d’initiatives culturelles pour le bébé au sein des musées

En matière d’initiatives culturelles dédiées aux bébés, certaines institutions se sont distinguées au cours des dernières années.

  • Le Centre Pompidou de Paris propose la « Cosy visite » aux enfants de 0 à 2 ans et à leurs familles. Pendant 30 minutes, un médiateur effectue un parcours à travers 6 œuvres du musée tout en chantant des chansons.
  • Le 104 à Paris dédie la Maison des Petits aux enfants de 0 à 5 ans. Il s’agit d’un espace de jeu pensé par l’artiste Matali Grasset.
  • Le Musée de Poche à Paris propose des expositions temporaires d’artistes ou d’illustrateurs jeunesse contemporains. Dans la galerie, les enfants peuvent s’éveiller par le jeu et les 5 sens. Le musée organise des visites contées pour les 0-3 ans.
  • Le Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon s’adresse aux petits dès l’âge de 18 mois. Au cours d’une séance d’éveil, trois œuvres sont abordées par le biais d’histoires, de jeux de marionnettes ou de manipulations sensorielles.

Malgré le déploiement d’initiatives culturelles à destination du très jeune public, résiste encore l’idée erronée de l’incompétence du bébé. Les propositions restent ponctuelles et centralisées (le plus souvent en région parisienne). Pour en savoir plus sur ces lieux culturels en faveur de l’éveil culturel, l’Association Môm’Art partage sur son site des sorties conseillées au très jeune public.

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Article concocté par Ariane Guizard 

Mon prénom, à la légende crétoise bien connue, m’a donné le goût pour l’art et les histoires. Petite, j’écrivais et mettais en scène des pièces de théâtre tout en dessinant mes rêves. Devenue une adulte curieuse, j’aime passer du coq à l’âne et d’une découverte à l’autre. Après des études artistiques, je suis devenue rédactrice pour raconter la vie des autres sur le web. Hypersensible, je vis chaque jour avec passion et une bonne dose de folie !

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