Musique, cinéma, photographie… Les festivals s’imposent dans les calendriers culturels français. Au programme chaque année : des jours de fêtes où se mêlent art de la scène et art de vivre.

Il est 19h. Il fait chaud. Deux jeunes filles s’impatientent, les joues couvertes de paillettes. À côté d’elles, un homme sans tee-shirt, smartphone en l’air, a commencé à filmer depuis déjà 2 minutes. La foule se calme. Quand soudain. C’est parti. Des centaines de corps s’entrechoquent, comme galvanisés par l’apparition d’une figure divine. Lomepal vient de faire son entrée sur scène. Un soir de juin à Solidays.

Si le festival tire son origine des manifestations religieuses orphéoniques, l’artiste semble désormais avoir pris la place de dieu. D’où vient cette frénésie française pour ces quelques jours de célébration culturelle ? La France est-elle vraiment le pays des festivals ? Ou bien est-ce une supposition teintée d’expérience personnelle ?

Une tradition festivalière forte dans l’hexagone

Affiche du festival Versailles Electro de 2020
Affiche du festival Versailles Electro de 2020

L’histoire débute à la fin du 19ème siècle avec la création du premier grand festival d’Orange, dédié à la musique classique. S’en suivent rapidement celles de Béziers, puis de Strasbourg, côté cinéma.

Mais c’est après la seconde guerre mondiale que la France semble réellement devenir le pays des festivals. Une nouvelle ère culturelle se met en route et voit fleurir de nombreux événements artistiques sur l’ensemble du territoire. Le festival d’Avignon et le Nice Jazz Festival pour ne citer qu’eux, lancent alors leur première édition.

Dans l’avènement de ces pratiques culturelles, la politique de décentralisation n’y est pas pour rien. Depuis les années 80-90, les collectivités locales n’hésitent à investir dans le marché du festival, source de dynamisme économique. 

Des décennies plus tard, ce sont près de 6 000 festivals qui animent chaque année le paysage culturel français. La musique live en tête d’affiche.

L’offre festivalière évolue mais la tradition perdure puisque le patrimoine français se présente comme le principal hôte d’accueil ! D’après le JDD, plus de 60 % des festivals se déroulent dans des lieux classés monuments historiques.

De la fête de la culture à la culture de la fête

Le portefeuille d’événements culturels français n’a donc de cesse de s’enrichir. Les programmations généralistes ouvrent la voie aux offres plus spécialisées. Les éditions estivales voient naître leurs homologues hivernaux. Et les salles de spectacle succèdent au plein air.

On célèbre aujourd’hui le Jazz à Marciac, le cinéma à Cannes, le théâtre à Avignon, la danse à Montpellier, la littérature à Cognac ou encore la gastronomie à Quintin.

Il existe presque autant de festivals en France que dans le reste de l’Europe, avec un maillage très dense, dans les grandes villes et surtout en zone rurale. On peut parler d’une spécificité française

Philippe Toussaint, alors président de l’association France Festivals

La France attire aussi les franchises internationales, à l’image de l’arrivée du festival de musique Lollapalooza à Paris en 2017. Ce foisonnement de propositions culturelles trouve grâce auprès d’un public français qui en redemande. D’éditions en éditions, les festivals rassemblent chaque fois plus de visiteurs.

Les chiffres du ministère de la Culture font d’ailleurs état d’une progression de la part des dépenses consacrées au spectacle, au sein des foyers bleu blanc rouge. Rien d’étonnant finalement. Quand on connaît l’engouement des françaises et des français pour tout ce qui concerne… la fête !

Des festivals annuels aux nombreuses vertus pour la France

Si les festivals rencontrent autant de succès en France, c’est que leur proposition de valeur est précieuse. Ils favorisent l’émergence de nouveaux artistes et contribuent à démocratiser des formes d’art considérées comme moins populaires. On peut penser à la BD à Angoulême, à la musique celtique à Lorient ou encore aux marionnettes à Mirepoix.

Les festivals sont aussi propices à la diffusion de nouvelles formes de sociabilité et de citoyenneté. En témoignent les actions menées par des enseignes engagées comme Solidays ou We love green à Paris et Visions Sociales à La Napoule. Sans parler du fait qu’ils participent grandement au rayonnement culturel des régions françaises !

Situés à 90 % en province, ces rassemblements éphémères représentent une aubaine pour les collectivités territoriales qui bénéficient des nombreux avantages qu’offrent le tourisme culturel.

Une offre culturelle qui peine cependant à s’adresser à tous

Mais, il y a un mais ! La France est vraiment le pays des festivals oui, mais pas celui de toutes les festivalières et festivaliers. D’après une étude SoFEST! conduite par France Festivals et consacrée aux publics des festivals du spectacle vivant, ces manifestations culturelles attirent un public encore majoritairement privilégié.

60 % de l’audience est issue des classes socio-économiques favorisées. Et 72 % ont suivi des études supérieures.Quand on sait que ces proportions étaient déjà les mêmes en 2008, on se rend compte de la persistance des inégalités sociales dans le domaine de la culture. S’y ajoute aussi la présence toujours marquée du clivage traditionnel qui oppose la culture dite savante et la culture populaire.

En fonction des classes sociales, la barrière d’accès aux spectacles reste beaucoup plus haute qu’on ne le croit, notamment, ce qui est paradoxal, dans les quartiers populaires qui écoutent les musiques programmées par les festivals

Emmanuel Négrier, directeur de recherche au CNRS.

La France a encore des progrès à faire quant à l’intégration des classes populaires au sein de ses événements culturels. Ceci étant, elle est très certainement – vraiment – le pays des festivals. Mais alors que le gouvernement envisage de plafonner les avantages fiscaux liés au mécénat et que les festivals en vivent essentiellement, une autre question peut se poser. Le restera-t-elle ?

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Article proposé par Charlotte Combret ,

Rédactrice web SEO indépendante, j’aime creuser des sujets et soulever des questions. Aussi bien adepte de la prose de Mona Chollet que de celle de Damso, mes articles sont souvent le fruit d’influences culturelles très diverses. Utopiste et hypersensible, mon écriture se veut avant tout inclusive, dans tous les sens du terme.

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