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On associe souvent les expositions universelles à un événement lointain, dans le temps ou dans l’espace. On les associe au gigantisme, aux grands travaux, au faste, loin de nos réalités quotidiennes. Mais à quoi servent-elles donc ? Elles se veulent « lieux de rencontres entre les nations, répondant aux défis globaux de notre temps », nous explique le Bureau International des Expositions (BIE).Mais sont également – et surtout – des manifestations de puissance économique et culturelle des Etats. Des vecteurs d’attraction touristique, des outils de soft power, en somme.

Les expositions universelles : une histoire longue

Affiche promotionnelle pour les Chemins de fer du Nord à l'occasion de l'exposition universelle d'Anvers de 1894
Affiche promotionnelle pour les Chemins de fer du Nord à l’occasion de l’exposition universelle d’Anvers de 1894

Les expositions universelles ne datent pas d’hier. Inspirée des Expositions nationales organisées en France depuis un demi-siècle, la première est organisée à Londres en 1851. Elle reçoit 6 millions de visiteurs. Cette « Grande exposition universelle des travaux de l’industrie de toutes les nations » a pour objectif d’éduquer les Britanniques en donnant à voir les innovations technologiques récentes. Mais aussi de promouvoir la paix mondiale à travers le libre-échange. Le succès politique et financier de cet événement encouragea le développement du concept à travers le monde. Et ce avec un investissement croissant de la part des pays hôtes et des pays exposants. Redoublant alors de talent pour présenter des pavillons toujours plus grandioses.

Street art

Jusqu’en 1928 et la création du BIE, organisation internationale chargée de superviser l’organisation des « Expos », celles-ci se succèdent donc à un rythme irrégulier. Parcourant l’Europe de l’Ouest, les Etats-Unis et même l’Australie. En 1949, une exposition universelle est enfin organisée hors des pays occidentaux. A Port-au-Prince en Haïti. C’est à partir de 1970 que l’Asie intègre également le jeu avec le Japon, puis la Chine. Ce n’est qu’à partir de 2000 que leur rythme se régule avec une exposition tous les cinq ans.

Arts et industrie

Affiche promotionnelle pour un poêle médaillé d'or de l'exposition universelle de 1900
Affiche promotionnelle pour un poêle médaillé d’or de l’exposition universelle de 1900

Avec plus de trente expositions universelles – sans compter les expositions internationales spécialisées – depuis 1851, impossible ici de les lister toutes. Cependant, certaines ont particulièrement marqué les esprits. On note en particulier les inventions qui y sont exposées. Le Ketchup de Heinz, présenté lors de l’exposition de 1876 à Philadelphie. La première grande roue de Ferris à Chicago en 1893.

C’est surtout l’exposition de 1900 à Paris qui fait sensation avec ses 50 millions de visiteurs et les innombrables inventions dont nous bénéficions encore aujourd’hui. Le cinéma des Frères Lumière, l’ancêtre de l’escalator, le métro de Fulgence Bienvenüe, les rayons X, des ondes électriques d’Edouard Branly, la soupe Campbell ou encore le moteur Diesel. L’exposition de Paris de 1937 est aussi remarquable pour les œuvres d’art qu’elle a inspirées,. Parmi lesquelles Guernica de Picasso, commandée pour le pavillon espagnol. Ainsi que La Fée Électricité de Raoul Dufy pour le pavillon de l’Electricité.

L’exposition universelle, espace de domination

Exhibition de peuples colonisés lors de l'Exposition coloniale internationale de 1931 Editions BRAUN Domaine public
Exhibition de peuples colonisés lors de l’Exposition coloniale internationale de 1931 Editions BRAUN Domaine public

Derrière cette belle façade se cache néanmoins un aspect parfois moins connu des expositions universelles : la célébration de l’impérialisme colonial. Entre 1810 et 1940, 35 000 personnes sont arrachées de leur terre natale et exposées dans des zoos humains dans le monde entier. Parce que « différentes » voire « sauvages ». Les expositions universelles sont un des lieux privilégiés de ces manifestations qui cherchent à étaler le pouvoir des puissances coloniales. Elles contribuent alors à la banalisation d’un racisme qui se veut scientifique. L’exposition coloniale internationale organisée dans le Bois de Vincennes à Paris en 1931 a particulièrement marqué les esprits. Avec ses reconstitutions de villages africains, maghrébins ou kanaks où les indigènes sont forcés de jouer, voire de parodier leur propre rôle devant 8 millions de visiteurs. Cette exhibition fit scandale, ce qui mit fin à ce type de manifestation en France.

3 minutes… au cœur des zoos humains, ARTE. Extraits du documentaire Sauvages, au cœur des zoos humains de Pascal Blanchard et Bruno Victor-Pujebet (2018)

Les expositions universelles, expression du soft-power des Etats

Construction tour Eiffel expo universelle
Construction tour Eiffel expo universelle

Lieux de démonstration d’une puissance politique, économique, industrielle et culturelle, les expositions universelles n’ont cessé d’attirer plus de pays et plus de visiteurs. Alors que la première Expo à Londres en 1851 représentait 25 pays, celle de Dubaï, dernière en date, en représenta 195 sur les 197 que compte notre globe. Après celle de Montréal en 1967, qui accueillit 50 millions de visiteurs. Celle d’Osaka en 1970, qui en fit venir 64 millions. C’est celle de Shanghai, en 2010, qui est l’exposition de tous les records. 73 millions de visiteurs, un coût de 5,8 millions de dollars, 528 hectares de superficie, 192 pays participants.

Le choix des pays hôtes est en outre un indice de leur puissance internationale. Ainsi, les Etats-Unis ont accueilli sept expositions internationales, la France et la Belgique, six. En France, toutes les expositions ont eu lieu à Paris, centre politique et symbole international de son soft-power. Les candidatures des villes à l’accueil d’une exposition universelles sont d’ailleurs portées par les Etats et soumises au vote des Etats Membres du BIE.

Il est donc évident que des considérations de géopolitique entrent en jeu dans ce choix, outre le critère de stabilité politique auquel est soumise la validation d’un dossier de candidature. Preuve encore de ce rapport de force, le BIE, créé en 1928 par 31 pays, est aujourd’hui composé de 170 Etats Membres. Notons également que l’enjeu est aussi financier : malgré l’afflux de visiteurs et la manne touristique que cela représente, l’organisation d’une exposition universelle reste extrêmement coûteuse pour le pays hôte, et tous ne peuvent pas se le permettre.

Entre événementiel et traces durables

Expo Axis symbole de l'exposition universelle de Shanghai en 2010
Expo Axis symbole de l’exposition universelle de Shanghai en 2010

On ne peut pas parler des expositions universelles sans rappeler les traces qu’elles ont laissé dans nos villes. Chaque exposition voit la construction d’un véritable village dans la ville, avec des pavillons de tous pays construits pour démontrer leur grandeur. Si la plupart de ces bâtiments ont été détruits – ou parfois déplacés – demeurent dans le monde entier des vestiges des expositions passées.

Cela commence avec l’immense Crystal Palace érigé en acier et en verre pour l’exposition de 1851 à Londres – dont il ne reste plus que le nom d’une station de métro. On pense aussi au Palace of Fine Arts de San Francisco (1915), au Palau Nacional de Barcelone (1929), à l’Atomium de Bruxelles (1958), au Space Needle de Seattle (1962) ou encore à la Biosphère de Montréal (1967). Du fait du nombre d’expositions universelles qui y ont été organisées, Paris regorge de bâtiments construits à ces occasions : le Palais du Trocadéro (1878), la Tour Eiffel (1889), le Grand Palais (1900) ou le Palais de la Porte Dorée (1931), pour n’en citer que quelques-uns. Des travaux d’urbanisme importants sont aussi l’héritage d’expositions universelles, comme les constructions ou extensions des métros de Paris (1900), de Montréal (1967) ou de Lisbonne (1998).

Et après ?

L’aventure continue, tous les cinq ans. La dernière exposition universelle a eu lieu à Dubaï, aux Emirats Arabes Unis. La première à se dérouler au Moyen-Orient. La prochaine sera à nouveau organisée par le Japon, à Osaka. A quand une exposition universelle dans un pays d’Afrique ou d’Asie du Sud ? Bientôt, espérons-le. A quand une exposition universelle neutre en carbone ? Cette question-là reste en suspens.

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Par  Laure Armand d’Herouville,

Rédaction de contenus

Après avoir vécu son enfance à travers le monde et mené à bien des études d’Histoire et de gestion de projets culturels, Laure Armand d’Hérouville exerce depuis 10 ans dans cet univers créatif et exaltant. Elle est désormais consultante indépendante, en particulier dans le domaine des musées et du patrimoine.

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