Le Haka est une danse chantée maorie interprétée à l’occasion de plusieurs rituels et manifestations sportives. Rendu célèbre par les All Blacks, ce rite constitue un symbole fort de l’identité de la Nouvelle-Zélande.

Le Haka est souvent perçu dans l’imaginaire collectif comme une danse guerrière interprétée pour intimider ses adversaires. Cette vision vient certainement de sa popularisation par les All Blacks, équipe de rugby néo-zélandaise mythique. Cependant, n’est-ce pas réducteur d’associer ce rituel chorégraphié uniquement à la notion de conflit ? 

Cette tradition d’origine maorie paraît bien plus complexe et son utilisation beaucoup plus diversifiée. Comme toutes les coutumes, le Haka a évolué, s’est transformé et peut être interprété à de multiples occasions. D’ailleurs, l’effet de mode et la (sur)médiatisation de cette pratique n’ont-ils pas quelque peu dénaturé ce rituel ? 

Bien plus qu’une simple danse, ce rite fascinant et intriguant représente un véritable emblème national. On pourrait se demander si le Haka n’est pas un symbole de la réussite de l’intégration des traditions maories dans l’identité néo-zélandaise.

Le Haka et moi, une attraction touristique ?

Représentation traditionnelle maorie
Représentation traditionnelle maorie

Avant de plonger dans l’univers du Haka, j’aimerais vous faire part de mon expérience personnelle avec ce rituel. 

J’ai eu la chance de faire un séjour linguistique à Auckland en 2002. Les All Blacks avait le vent en poupe et le Haka était « l’attraction » avant chaque match. En tant que fille de fan de rugby ! J’étais intriguée par ces rugbymen tirant la langue et s’adonnant à cette démonstration de violence.

Durant mon voyage linguistique, nous avons séjourné pendant un week-end avec mon groupe dans un village maori. À cette occasion, nous avons suivi une « leçon de Haka ». Le « professeur » nous avait appris les paroles et la chorégraphie.  Il nous exhortait à être le plus « intimidants » possible : yeux exorbités, posture combative, langue tirée…

Mon retour sur expérience

Aujourd’hui je regarde cette expérience d’un tout autre œil. Je suis partagée entre la découverte d’une culture et la sensation d’avoir participé à un « attrape-touriste ». Chose que j’essaye de fuir en général quand je voyage.  Serait-ce une inévitable conséquence du développement du tourisme mondialisé ? 

Mais pour mieux comprendre cette coutume, commençons par définir ce qu’est le Haka.

Le Haka, une danse guerrière uniquement ?

En maori, « Haka » est un terme générique faisant référence à un ensemble de cérémonies culturelles maories. Il inclut danses, chansons et expositions d’armes. Le terme peut exprimer toutes sortes d’émotions comme la joie ou la colère et n’est pas forcément qu’une danse guerrière. Par conséquent, cette danse chantée est un moyen de communication puissant pouvant véhiculer différents messages et émotions. Il peut être exécuté à diverses occasions.  Par exemple afin de célébrer une réussite, souhaiter la bienvenue à des visiteurs, commémorer des funérailles ou manifester des protestations.

Le Haka est souvent perçu comme effrayant. Cette chorégraphie montre des gestes impressionnants (se frapper bruyamment le corps, dilater ses yeux, tirer la langue…). Ces postures « agressives » ont un sens propre à la culture maorie qui peut échapper aux autres cultures.

Le Haka existe donc sous plusieurs formes. Mais, il se caractérise toujours par son intensité et l’exigence d’une coordination verbale et physique.

L’origine du Ka mate, le Haka du guerrier Te Rauparaha 

Le Haka le plus célèbre aujourd’hui est le Ka mate, nous verrons par la suite la raison de son succès.
Le premier à avoir accompli le Ka mate serait le chef maori Te Rauparaha de la tribu Ngati Toa en 1820. Ce Haka raconte l’histoire de ce guerrier qui se serait réfugié dans une fosse afin d’échapper à une tribu ennemie. Il évoque sa peur de se retrouver capturé et son exaltation à la survie. 

Certain que ses ennemis allaient le trouver, Te Rauparaha ne cessait de se demander s’il allait vivre ou mourir. Quand il comprit que ses ennemis ne l’avaient pas trouvé, son angoisse de la mort se transforma en délivrance. Le Ka mate symbolise donc le combat entre la vie et la mort. Et plus précisément, la célébration de la vie sur la mort.

Les paroles du Haka Ka mate

Ringa pakia Frappez des mains sur les cuisses
Uma tiraha Que vos poitrines soufflent
Turi whatia Pliez les genoux
Hope whai ake Laissez vos hanches suivre le rythme
Waewae takahia kia kino Frappez des pieds aussi fort que vous pouvezKa Mate ! Ka Mate ! C’est la mort ! C’est la mort !
Ka Ora ! Ka Ora ! C’est la vie ! C’est la vie !
Ka Mate ! Ka Mate ! C’est la mort ! C’est la mort !
Ka Ora ! Ka Ora ! C’est la vie ! C’est la vie !
Tenei te ta ngata puhuru huru Voici l’homme poilu
Nana nei i tiki mai Qui est allé chercher le soleil et l’a fait briller
Whakawhiti te ra Faites face ! Faites face en rang
A upane ka upane ! Soyez solides et rapides
A upane kaupane whiti te ra ! Devant le soleil qui brille
Hi ! Hi

Le Ka mate des All Blacks : du Haka guerrier au Haka sportif ?

Le Haka des All Blacks avant un match de rugby international
Le Haka des All Blacks avant un match de rugby international

Les All Blacks ont grandement contribué au succès mondial du Haka en l’exécutant avant chaque rencontre internationale. Cette pratique a d’abord débuté à l’occasion de la tournée des Natives en Angleterre (1888). 

Lors de la première Coupe du Monde de rugby organisée par la Nouvelle-Zélande en 1987. Les All Blacks ont interprété le Ka mate pour la première fois sur « la terre du long nuage blanc ».
La victoire des All Blacks cette année-là a contribué à donner une répercussion médiatique mondiale de cet événement. L’application du Ka mate au sport renvoie à la peur d’une défaite et à la volonté de vaincre ses adversaires. C’est un défi qu’on lance à toute opposition. Haka et sport néo-zélandais sont aujourd’hui quasiment indissociables. Les Tall Blacks (basket) et Black Sox (softball) ont soit repris le Ka mate soit adopté leur propre Haka.

Le Kapa o Pango : symbole de l’incertitude sportive ou du massacre de l’adversaire ?

En 2005, le Kapa o Pango fait son apparition lors d’un match contre l’Afrique du Sud. Son créateur est Derek Lardelli, un expert en culture maorie. C’est une version plus longue et plus intense que le Ka mate. Elle faisant référence aux guerriers vêtus de noir et à la fougère argentée. 

Une action dans ce Haka est sujet à la controverse. Il s’agit d’un geste d’égorgement où le joueur glisse son pouce latéralement sous la gorge. Beaucoup l’interprètent comme un geste d’une extrême violence. Un club local a même eu pour projet de déposer une plainte !

Afin de défendre ce nouvel Haka, Derek Lardelli expliqua :  « Le geste d’égorgement à la fin du nouvel Haka des All Blacks symbolise l’incertitude sportive (cutting edge of sport) et non le massacre de l’adversaire […]. Les joueurs sont comme sur le tranchant d’une lame. Ce sont des gladiateurs dans une arène. S’ils gagnent, ils sont des héros ; s’ils perdent, ils sont mis de côté. »

Le Haka : un symbole de l’identité néo-zélandaise trop ou mal utilisé ?   

Portrait langue tirée lors d'un Haka traditionnel
Portrait langue tirée lors d’un Haka traditionnel

L’ancien All Black, Chris Laidlaw, s’exprime après une plainte déposée par le gouvernement néo-zélandais. Cette dernière porte sur une publicité de whisky à la télévision belge. Chris Laidlaw énonce : « Comme beaucoup d’autres pratiques culturelles, le haka a énormément évolué durant le dernier siècle et demi. Il n’est plus seulement une forme d’expression maorie. Il a été emprunté, adopté, adapté, sur utilisé et popularisé. Intégré dans la culture pakeha comme une nouvelle forme d’expression nationale et constitue pour les Néo-Zélandais une manière spécifique de s’exprimer – sans forcément en respecter les codes et l’esprit – dans d’autres parties du monde.

L’importance de cette pratique culturelle reflèterait l’assimilation des éléments de la culture maorie par les « pakehas » (les Blancs). Le tout dans la culture identitaire de la Nouvelle-Zélande. À tel point que le Haka serait plus important que l’hymne national néo-zélandais ! Mais son utilisation à des fins commerciales et sa surmédiatisation semblent avoir éloigné ce rituel de son sens premier.

Sujet passionnant et controversé

Sujet passionnant et controversé, le Haka intrigue les uns, irrite les autres. Le tout en demeurant un élément fédérateur de la nation néo-zélandaise. Comme de nombreuses pratiques culturelles, sa trop grande médiatisation a engendré une certaine récupération et une mauvaise utilisation. L’éloignant de sa signification première. Le Haka aurait-il connu la même destinée sans sa popularisation par les All Blacks ? 

Ce rituel chorégraphié continue de susciter le débat et questionne notamment la place des comportements violents aujourd’hui. Mais qu’est-ce qui est le « moins pire » en terme d’exposition à la violence ? Enseigner le Haka aux enfants néo-zélandais à l’école en leur donnant les clés de compréhension de cette tradition maorie ou les laisser 3h devant les écrans de télévision et jeux-vidéo ?

Pour découvrir encore plus d’articles inspirants, téléchargez l’application Cultur’easy sur Applestore ou Playstore.

Par Anne-Elise Grosbois ,

"Observer, capturer et partager la Culture", telle est ma devise ! Curieuse et connectée, j’aime m’évader en arpentant les lieux culturels et en voyageant. Freelance spécialisée en stratégie de communication digitale, j'accompagne des structures culturelles et plus particulièrement des artistes du spectacle vivant et de la musique.

Commenter cet article


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.