De la mayonnaise rayée, un Think tank, une association, un atelier collaboratif sur les enjeux climatiques et une bonne dose de projection. La Fresque du Climat c’est peut-être demain près de chez vous ou dans vos salles de réunions et c’est tout de suite dans C’est comme la confiture.

Crédits : Podcast proposé par Cultur’easy
Concept de Marion Labbé-Denis
Écriture et Voix de Marion Labbé-Denis
Musique Originale de Lucas Beunèche
Montage & Mixage de Lucas Beunèche
Conseil artistique : Caroline Garnier
Production artistique : Elodie Bedjai

Retranscription de l’épisode La Fresque du Climat

Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais cette semaine, c’est la première édition du Podcasthon. L’idée c’est que pendant 7 jours, plus de 300 animateurs de podcasts prennent la parole pour mettre en lumière et défendre le travail d’une association. C’est une très chouette initiative à laquelle Cultur’easy est ravi de participer et à cette occasion, on a choisi de vous parler de l’association La Fresque du Climat.

C’est une asso qui a été créée fin 2018 par Cédric Ringenbach. Il a créé cette association pour accélérer la diffusion d’un outil qu’il a créé, qui s’appelle aussi La fresque du climat. Ce que défend cette asso c’est que pour agir face au changement climatique, il faut le comprendre. Et c’est ce que propose l’outil, enfin l’atelier, enfin vous verrez.

Je vous donne un peu de contexte, l’histoire commence comme n’importe quelle sitcom ayant pour élément central : une machine à café

Un jour, de bon matin, je croise des collègues de bureau dans les couloirs. Ils m’annoncent alors qu’un atelier de type extra scolaire du professionnel sera bientôt organisé dans les bureaux. Cet atelier s’appelle “La fresque du climat”.

On me l’a vendu comme ça : “C’est un truc qui dure trois heures, tu fais des dessins et après tu pleures pendant au moins 24h”. Sur le moment, je me suis dit “Bon, bon, bon, quel joli programme”. J’avais initialement prévu d’aller à l’aquaponey ce jour-là, mais enfin pourquoi pas.

Je savais que j’avais un frein sur le fait de me renseigner davantage sur le réchauffement climatique. Je sais ce que l’on sait tous. Rien ne va plus, les catastrophes climatiques sont de plus en plus présentes dans nos quotidiens, et on ne peut pas continuer comme ça. Mais au fond, je crois que ça s’arrêtait là.

Et ce, pour différentes raisons, mais notamment pour éviter ce qu’on appelle la dissonance cognitive

En fait, la dissonance cognitive en psychologie sociale, c’est l’idée c’est que quand nos actions ne sont pas en accord avec nos connaissances, on ne parvient plus à créer du sens et psychologiquement, c’est le bordel, ça fait mal à la tête. C’est déjà pas toujours évident d’être en désaccord avec les autres, mais quand c’est à l’intérieur de soi-même, c’est encore un autre chantier.

La dissonance cognitive, ça s’applique à beaucoup de domaines. En fonction du milieu dans lequel on grandit, et des gens que l’on fréquente, on a ce qu’on appelle des biais, des croyances, des façons de percevoir le monde qui sont parfois diamétralement opposées.

Et lorsqu’on est confronté à quelqu’un dont les croyances sont radicalement différentes, c’est compliqué d’envisager que son point de vue, sa façon de faire puisse être réelle, vraie ou juste. Parce que la vérité d’une même chose peut difficilement se situer à deux endroits différents. Si j’ai toujours vu le ciel bleu, je ne pourrais pas concevoir que mon voisin le voit rouge. J’aurais tendance à considérer que mon voisin a tort, et ce sera tout.

Les exemples sont nombreux et le sujet inépuisable. Personnellement ça me fascine

Mais donc, la raison pour laquelle je suivais, mais de loin toutes ses questions, c’est que, quelque part, j’avais conscience que l’écologie et la lutte contre le réchauffement climatique serait nécessairement un switch dans ma vie. Je savais qu’un certain nombre de choses que je faisais jusqu’alors avec une certaine insouciance, prendrait une signification plus accrue et que je me retrouverais dans cette dissonance avec l’idée que j’avais tort. C’est pas beau, je le reconnais. J’étais attentive à ces sujets, mais je n’allais pas nécessairement de moi même les creuser, par crainte de ce que j’allais y trouver comme contradiction avec mon mode de vie.

Quelque part, moins j’en savais, moins j’avais matière à culpabiliser, je me faisais discrète en sachant au fond qu’il allait bien falloir s’y intéresser et que le plus tôt serait le mieux. Et puis, j’ai commencé à ouvrir davantage les oreilles. Sans doute à mesure que le sujet est devenu, dieu merci, plus présent à la fois dans les médias, et dans les sphères dans lesquelles j’évoluais.

Alors quand on m’a proposé de faire cet atelier de la fresque du climat, je me suis dit, ok pourquoi pas

De toutes façons, pour être honnête, je ne savais pas tellement par où commencer donc ça me semblait être une bonne idée pour démarrer, et je me suis dit s’il faut pleurer, je pleurerai, par contre, pour ce qui est du dessin, je vous conseille de ne pas trop compter sur moi.

Cela dit, j’ai aussi réfléchi. D’un point de vue purement pragmatique, on est quand même les enfants de “Mais t’avais dit qu’on ferait des knackis”, de “Quand y en a marre, y a Malabar”, et autres tubes de ketchup-mayonnaise, et je ne parle même pas de sauce américaine. Non, ce serait trop beau, je parle de Mayokid, bordel. Un tube qui mélange le ketchup et la mayo et qui se présente esthétiquement comme un dentifrice et quand on appuie dessus… ça sort sous forme de rayures jaune et rouge. Si, je suis sûre que vous vous souvenez de Mayokid, un non sens absolu, tout ça pour mélanger le tout à l’aide d’une frite dans le fin fond de son assiette. Quelle absurdité. 

On nous a fait grandir avec l’idée que les portions individuelles c’était la révolution. L’ère du tout jetable, du Sunny Delight, des crêpes Whaou, des vaches qui pondent des oeufs, on a encore des piles jetables, des piles jetables les gars, alors que personne ne sait jamais où les jeter une fois qu’il n’y a plus d’énergie dedans ! C’est absurde.

Bien sûr, on aurait pu, on aurait du s’en douter, on aurait du ouvrir les oreilles plus grand, plus tôt

Mais voilà, le constat c’est qu’il faut tout réapprendre, parce que le changement doit être radical pour être impactant. Et qu’on a plus beaucoup de temps. Pour autant dans tout ça, ce qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’on ne part pas tous du même endroit, et qu’on a pas tous les mêmes enjeux, donc l’idée ce n’est ni d’en mettre plein la tronche à celui ou celle qui fera le moindre écart, ni de jouer les grands donneurs de leçons, mais bien de commencer à penser, pour agir différemment sur un temps long.

Et pour moi cet atelier de La Fresque du Climat c’est exactement ça, ça permet de créer du sens collectivement, de remettre un peu d’ordre dans ce qu’on a entendu de manière ludique et claire, d’apprendre des choses mais de leur donner de la perspective aussi.

Et puis de se placer, de mesurer les efforts possibles à un niveau collectif mais aussi individuel. Alors oui, ça donne un peu envie de pleurer mais pas que, c’est un temps d’échange, sans jugement, sans immense culpabilité et ça permet d’envisager. D’envisager la suite, de commencer à la penser.

Et peut-être bien que ça paraît dérisoire, mais ça n’en a que l’air

Et peut-être que la première étape ça peut être celle-ci, celle de s’inscrire à un atelier de la fresque du climat, ou de suggérer à son entreprise de souscrire à une formation. Oui, parce que c’est aussi l’une des spécificités de l’association, de proposer ses services à des entreprises. Alors peut-être, peut-être que c’est un peu du green-washing dans certaines boîtes et que toutes ne sont pas blanches comme la neige, mais peut-être aussi que nous ne sommes pas dupes et que pour autant, il y a quelque chose de positif qui peut sortir de tout ça ?

Je ne sais pas, personnellement, je suis loin très loin d’être irréprochable et contrairement à beaucoup de gens dans mon entourage, ma conscience écologique, elle ne date pas d’il y a quinze ans. Alors je n’ai pas de leçons à donner, à qui que ce soit.

 En revanche, ce que je peux vous dire depuis que j’ai fait cet atelier, j’ai baissé mon chauffage de deux degrés, j’ai réduit ma consommation de viande d’au moins 70%, je consomme différemment, je n’envisage plus l’avion comme un moyen de transport classique, ce qui m’arrange bien, j’ai toujours peur de mourir dedans.

Mais enfin… Ce sont des actions que j’ai faites simplement parce que ma conception des choses a évolué

La fresque du climat c’est un peu comme le livre pour arrêter de fumer écrit par Allen Car. Il y a quelque chose qui fonctionne dans la transmission et c’est la raison pour laquelle je vous le recommande.

Ça ne changera pas le monde dans l’absolu, et on aura beau baisser notre chauffage de deux degrés tant que les panneaux publicitaires continueront à illuminer nos nuits, etc… On avancera qu’un tout petit peu. C’est vrai, mais il y a une chose qui est vraie aussi c’est que derrière ces entreprises, en tous cas à l’intérieur, il y a aussi des gens qui comme vous et moi pourraient faire ces ateliers, être sensibilisés et avoir envie de prendre d’autres décisions que celles qui sont prises aujourd’hui. Parce qu’on ne peut pas rester dans le déni, mais on y restera si on n’arrive pas à construire ensemble une suite durablement désirable.

Et le constat aujourd’hui c’est qu’on a plus le choix, et que ça implique des changements drastiques dans tous les domaines

C’est ce qu’a démontré Le Shift Project, un Think tank, c’est-à-dire un groupe de réflexion, un laboratoire d’idée, qui regroupe des experts du sujet et qui s’est donné pour mission d’éclairer et d’influencer le débat sur la transition énergétique. Ils ont fait un immense travail sur tous les secteurs de l’économie. Et notamment sur celui de la culture. Ils ont pris la parole à l’occasion de la biennale internationale du spectacle à Nantes, en janvier dernier. Enfin, je dis ils mais non, elle, la co-pilote du pôle culture du shift project, Fanny Valembois, elle a pris la parole pour présenter une vision de ce que serait un avenir décarbonné pour la culture.

Et son intervention était très percutante alors je voulais vous en parler un peu, en fait je vais vous retranscrire sa démonstration

Ce qu’elle nous dit en premier lieu, c’est que c’est une très mauvaise idée de l’avoir invitée à faire ça en tant que consultante en bilan carbone. Et elle le démontre, elle explique que, si on prend l’exemple d’un festival de musique, comme celui des Vieilles Charrues, à Carhaix dans le Finistère, là c’est moi rajoute, parce que j’avais envie de mettre un peu de beurre salé dans cette épisode. 

Et bien si on prend l’exemple des Vieilles Charrues on va aussi se rendre compte assez vite, que l’impact des émissions de gaz à effet de serre vient majoritairement des festivaliers qui se déplacent pour s’y rendre.

Alors si on doit diviser par 6 les émissions de gaz à effets de serre, il y a plusieurs solutions

Soit, déplacer le festival à Paris, où il y a un bassin de population suffisant pour rassembler plusieurs milliers de festivaliers sans que personne ou presque n’ait besoin de se rendre au festival en voiture ou en avion.

Soit, on pourrait aussi faire un festival en streaming 100% en ligne, qui produit pas ou peu d’émissions.Ou alors diviser la jauge par six et multiplier le prix des billets par six, elle le dit, l’équilibre économique est respecté, et les émissions sont réduites. Ou bien de ne rien changer du tout. Mais de ne faire ce festival qu’une fois tous les six ans. Ou bien on garde celui-ci, mais on en supprime cinq autres. Ou alors plutôt que d’en faire un avec 300.000 personnes on en fait dix de 30.000 personnes et ce sont les artistes qui se déplacent sur le territoire.

Ce qu’elle dit, c’est que toutes sont techniquement valables d’un point de vue réduction des émissions de gaz à effet de serre

Mais de vous à moi, on a le poil qui se hérisse quand on entend certaines de ces propositions justement. Déplacer le festival à Paris, mais vous êtes des malades, multiplier le prix des billets par six, mais ça va pas non ? Parce que oui, toutes ces solutions ont un impact sur l’expérience des festivaliers, l’inégalité d’accès à la culture, le rapport au territoire, les impacts économiques, et notamment en ce qui concerne les emplois.

Et ce que sa démonstration réussit à faire passer, c’est que la décarbonation de la culture passera nécessairement par des choix politiques, et que ces choix là ne pourront pas être faits par des consultants extérieurs grâce à des tableaux Excel, qu’il va falloir amorcer les réflexions sur ce sujet parce qu’il va y en avoir beaucoup à se poser et qu’il va falloir y répondre vite.

Moi ce que je retiens de tout ça c’est qu’il y a plusieurs axes pour décarboner la culture

D’abord la relocation, il est étrange ce mot mais ça veut dire rapprocher les entrepôts de décors, costumes, etc. des lieux de diffusion, vient ensuite le renoncement (oui le terme fait peur, mais ça englobe des choses variées, comme les clauses d’exclusivités territoriales par exemple, qui sur la tournée d’un groupe ou d’un artiste l’empêche de jouer dans deux endroits proches géographiquement pendant un certain temps, et ça pour qu’une structure qui aura acheté une date puisse en conserver l’exclusivité auprès du public. 

Économiquement, ça a du sens, c’est sûr, mais écologiquement c’est un non sens. Mais le renoncement ça veut aussi dire, renoncer à acheter des livres par exemple, et à la fois oui, acheter des livres d’occasion ou se faire faire une carte de bibliothèque, c’est bien, mais en même temps ça implique aussi de repenser le système de rémunération de toute la filière et également des auteurs, qui ne perçoit rien sur l’achat d’un livre d’occasion).

Ensuite, il y a l’axe de l’eco conception, ce qui veut dire étudier les matériaux utilisés pour construire les décors de spectacles, les scénographies de concerts, etc

Pour faire en sorte qu’une fois les tournées terminées, les décors puissent être réutilisés. Mais il y a aussi et c’est qu’on voyait avec l’exemple des vieilles charrues, des enjeux de mobilité. Ça revient à limiter nos déplacements, à aller moins loin, moins souvent, et pour ça il faut aussi rendre attractif ce qui est local et prendre l’habitude de regarder près de chez soi ce que l’on peut faire de super. 

Ensuite, il y a une question aussi qui concerne le secteur culturel bien sûr, mais qui va bien au delà, c’est le ralentissement. La réduction des échelles, parce qu’on le sait qu’on ne peut pas être sans arrêt dans une course à la croissance, et qu’il faut que l’on revoit nos échelles de valeurs, qu’est-ce qui fait le succès d’un événement ? Peut-être qu’il faut remettre en question le fait de mesurer et de diffuser en majorité son taux de fréquentation ? 

Et enfin le dernier axe proposé est celui du ralentissement, parce que tenter d’être partout tout le temps reviendrait peut-être être nul part finalement et qu’il vaudrait mieux installer des résidences plus longues et des projets ancrés dans les territoires plutôt que de faire venir des propositions culturelles pour un soir et de voir toute l’équipe repartir dès le lendemain. Tout ça implique aussi une autre manière de percevoir ces projets, qui ne seraient plus tout à fait des objets de consommation, mais qui relèveraient davantage une co-construction. Enfin voilà, ça fait beaucoup, mais ça veut dire qu’il y a déjà plein de pistes de réflexion et ce dans tous les domaines.

Là où je trouve la fresque du climat pertinente, c’est qu’elle permet de rationaliser, de mesurer le ratio effort/impact à un niveau personnel et collectif,

Que ça permet de visualiser tous ces paramètres comme des choix possibles. Comme des curseurs à faire bouger pour avancer. Et ils ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Si ne pas prendre sa voiture est envisageable pour une partie de la population, urbaine dans des centre villes bien desservis, ça n’est pas une option quand on vit dans une commune rurale par exemple. L’idée ce n’est pas de diaboliser tel ou tel comportement, ou de faire la leçon à tout le monde alors qu’on s’est réveillés il y a cinq minutes, ce serait bien malvenu. L’idée c’est de se dire qu’est-ce qui est indispensable ou prioritaire, qu’est-ce qui ne l’est pas et dans quelle mesure.

Mais je m’étale…

Ces ateliers durent 3h, je vous le conseille si vous avez envie de bouger, mais que vous ne savez pas trop par où commencer. Vous avez la possibilité de vous inscrire à un atelier près de chez vous, il y en a un peu partout et l’atelier coûte 10€.

 Il y a des formats adaptés pour les enfants à partir de 9 ans, et si vous voulez vraiment échapper au dessin, ce qui ne fut pas mon destin, il existe aussi des ateliers en ligne ! Cela dit, vous pouvez également demander à votre employeur de prendre en charge l’intervention d’un animateur rien que pour vous. C’est d’ailleurs ce qu’a proposé l’Opéra de Bordeaux à toutes ses équipes il y a à peine un mois.

La fresque du climat a été créée il y a cinq ans, et comptabilise aujourd’hui plus de 800.000 participants dans 40 pays différents

L’idée c’est que plus on sera nombreux à comprendre les enjeux à titre individuel, plus on arrivera à faire évoluer les choses.
Voilà, je m’arrête là. Vous pourrez trouver toutes les références citées sur le site de The Shift Project et sur celui de la Fresque du climat et retrouver l’intégralité de l’intervention de Fanny Valembois mais pas que, sur la page Youtube des BIS à Nantes.

Vous pouvez également soutenir l’association en faisant un don sur Fresqueduclimat.org dans la rubrique Dons & Adhésions, et je vous encourage également à visiter le site www.podcasthon.org pour découvrir de nouveaux podcasts qui mettent en avant une centaines d’associations cette semaine.

La Bisette,

PS : Ah et aussi, je le dis pas trop fort, mais je prends le risque de vous conseiller sans les avoir tout à fait terminés

“Des paillettes sur le compost” de Myriam Bahaffou et “Le Monde sans fin, miracle énergétique et dérive climatique” de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici. Si vous les finissez avant moi, vous me direz ce que vous en avez pensé ?!

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