Il a suffi d’une affiche pour faire de lui l’artiste le plus en vogue de la fin du XIXe siècle à Paris. Cette affiche, c’est une représentation de Sarah Bernhardt sous les traits de Gismonda. Et l’artiste, c’est bien sûr Alphonse Mucha ! Cet illustrateur émérite, patriote tchèque convaincu, a marqué de son empreinte la Belle Epoque. Mucha est alors devenu la figure symbolique de l’Art nouveau et son succès mondial ne se dément toujours pas… Et si on tentait d’en savoir un peu plus sur lui ?

Les débuts difficiles de Mucha

C’est en 1860 qu’Alfonse Mucha nait en Moravie (République Tchèque faisant partie de l’empire austro-hongrois). Fils d’huissier de justice, Mucha débute difficilement dans l’art : il échoue à l’académie des Beaux-Arts de Prague. Il s’installe alors à Vienne, grande capitale artistique et culturelle du moment. Il entre comme aide de peinture dans une entreprise spécialisée dans les décors de théâtre. C’est cette première expérience professionnelle qui expliquera son goût prononcé pour les effets décoratifs, la couleur et la taille monumentale de ses œuvres.

L’étape munichoise

L'apothéose des Slaves (Alfons Mucha, 1926).
L’apothéose des Slaves (Alfons Mucha, 1926).

L’entreprise ayant quelques difficultés financières, Mucha est licencié en 1881. Il fait alors quelques portraits pour des commanditaires privés en Moravie et trouve un mécène qui va financer ses études aux Beaux-Arts de Munich. A cette époque, Munich est une métropole artistique très attractive pour les étudiants européens. C’est sous l’impulsion d’un de ses professeurs, que Mucha va particulièrement étudier le folklore, la mythologie, l’ancien et le nouveau Testament, qui seront au cœur de sa future œuvre.

Mucha pose ses valises à Paris

Après Munich, Mucha décide de s’installer en 1887 dans une nouvelle capitale artistique : Paris. En plein bouillonnement culturel, Paris est un bon catalyseur d’idées esthétiques nouvelles. Mucha apprécie la liberté des académies et s’inscrit d’ailleurs à l’académie Julian. Il décide de se lancer dans l’affiche, un domaine promis à un immense essor. Son mécène l’ayant abandonné, l’artiste s’engage à livrer des illustrations à l’éditeur Armand Colin pour financer ses études.

L’appel qui change la vie de Mucha

C’est par hasard qu’un jour, le lendemain de Noël 1894, Mucha se trouve dans l’atelier de l’imprimeur quand un appel important arrive. Il s’agit de la célèbre Sarah Bernhardt qui commande de toute urgence une nouvelle affiche pour sa pièce Gismonda. La pièce se joue depuis un mois mais connait un creux de fréquentation. L’idée est donc de relancer l’intérêt du public avec une nouvelle affiche. Mais aucun des affichistes connus (Chéret, Toulouse-Lautrec,…) ne sont disponibles en cette période de fêtes de Noël. Mucha est alors dépêché pour aller relever le challenge !

Le succès immédiat de l’affiche Gismonda

Affiche Gismonda pour Sarah Bernhardt
Affiche Gismonda pour Sarah Bernhardt

L’affiche qu’il crée représente Sarah Bernhardt en impératrice byzantine tenant une palme à la main. Elle est immense et verticale et plait instantanément à la comédienne qui embauche l’artiste pendant six ans ! Il créera ses affiches pour ses pièces (La Dame aux camélias, Médée,…), ses décors et par la suite ses costumes et ses bijoux de scène. Le public parisien, surpris de cette affiche, arrachera les exemplaires des murs de Paris pour pouvoir les conserver. C’est un immense succès !

Le style Mucha

Le succès des affiches de Mucha est sans doute en lien avec la ligne de ses dessins, à ses grandes femmes mystérieuses à la chevelure longue, drapées de tissus précieux et nimbées d’or, ses fleurs et ses végétaux. Son style est très reconnaissable. Dans Gismonda et les autres affiches qu’il crée pour Sarah Bernhardt, la comédienne est magnifique, en héroïne d’une icône slave ou russe. Son style décoratif s’inspire d’une variété de motifs ornementaux (japonais, celtiques, rococo, slaves,…) et des préraphaélites et des symbolistes. Mucha va décliner sa vision de la femme idéale et moderne sur toute sorte de registres et de thèmes : le champagne Ruinart, le papier à cigarettes Job, les boîtes de parfum,…

Vers la troisième dimension

Reconstitution de la boutique de Fouquet au Musée Carnavalet
Reconstitution de la boutique de Fouquet au Musée Carnavalet

L’artiste tchèque développe peu à peu son art du plan fixe de l’affiche vers la troisième dimension. Ami de Rodin avec qui il part en Moravie, il s’intéresse à la sculpture et aux bijoux. En 1895, Georges Fouquet reprend d’ailleurs la boutique de bijoux de son père et souhaite tout refaire ! Il appelle Mucha qui crée sa nouvelle boutique : c’est un véritable manifeste pour l’œuvre d’art totale… La façade est transformée avec une immense figure féminine, l’intérieur n’est que courbes et contre-courbes. Les meubles dégoulinent d’enroulement, d’entrelacs. Tout est pensé dans cet univers Art Nouveau : présentoirs, emballages,… Mucha crée même une collection de bijoux avec des bagues, des broches et des colliers aux motifs byzantins et de la renaissance.

Un succès couronné à l’Exposition universelle de 1900

A Paris, il y a à la fin du XIXe siècle une véritable slavophilie, qui trouve son point d’orgue avec la venue du tsar Nicolas II en 1896. Ce dernier est venu poser la première pierre du futur pont Alexandre III. On cherche de nouveaux esthétiques de beauté. Et les figures de Mucha habillées de draps en dentelles et en broderie sont particulièrement appréciées et acclamées. L’artiste n’hésite pas à mettre en avant ses origines slaves dans ses œuvres. Son style est si admiré qu’il obtiendra la commande du Pavillon de la Bosnie Herzégovine lors de l’Exposition Universelle de 1900. Il va d’ailleurs recevoir pour ce projet la médaille d’argent. Ce goût pour la somptuosité et le faste impose dès lors Alphonse Mucha sur la scène internationale.

Un patriote tchèque

Pour réaliser le Pavillon, Mucha a voyagé dans les Balkans pour bien s’imprégner des paysages, des lieux, des coutumes et de l’ambiance. Il est comme foudroyé par une évidence : il faut qu’il consacre désormais son œuvre à sa nation. Pour cela, il souhaite commencer L’Epopée slave qui retranscrit sur 20 toiles monumentales les joies et les peines de tous les peuples slaves ainsi que leur lutte contre l’oppression.

Plafond de la maison municipale de Prague par Mucha
Plafond de la maison municipale de Prague par Mucha

Il part plusieurs fois aux Etats-Unis entre 1904 et 1909 afin de trouver des financements pour ses toiles et rencontre finalement Charles Crane qui deviendra son mécène en 1910. Cela lui permet de rentrer définitivement à Prague et de se lancer dans son grand projet. Au même moment, Mucha est sollicité pour décorer la Maison municipale de Prague dans lequel il mêle mobilier Art Nouveau et peintures murales célébrant l’héroïsme tchèque. Il a en quelque sorte passé son brevet de patriote et sera sollicité pour de nouvelles décorations à Prague. Il réussit à terminer son Epopée slave qui sera donnée à la ville en 1928.

L’inquiétude de la guerre

Réputé pour sa philosophie humaniste et sa fervente adhésion à l’émancipation des peuples, Mucha fut arrêté par la Gestapo dès l’arrivée des troupes allemandes à Prague en 1939. Brisé par son incarcération et la maladie, l’artiste meurt à 79 ans, quelques mois après son arrestation. Ainsi, Alphonse Mucha n’est pas seulement le célèbre illustrateur de Sarah Bernhardt mais c’est aussi un artiste accompli qui a exploré plusieurs matériaux et qui créa son style unique mêlant ses diverses influences. Il fut également le chantre du pays slave et de sa liberté retrouvée…

Si vous souhaitez en savoir plus sur Mucha, n’hésitez pas à aller visiter le Mucha Museum à Prague !

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Par  Segolene Lhommee ,

Issue d’une formation en valorisation du patrimoine culturel, je suis devenue aujourd’hui consultante en communication digitale. Je m’implique dans des projets éditoriaux multiples alliant mes deux passions. Mes petits faibles, la peinture de la Renaissance italienne, les châteaux mystérieux et… TikTok !

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