Expérimentale, onirique, féministe… Longtemps confidentielle, l’œuvre avant-gardiste  de Maya Deren est aujourd’hui considérée comme l’une des plus innovantes de l’histoire  du septième art. 

Artiste plurielle américaine, Maya Deren est à la fois théoricienne, danseuse et surtout  cinéaste. Ses films en noir et blanc, toujours empreints d’une inquiétante étrangeté, font  la part belle aux personnages féminins. À contre-courant des normes de l’âge d’Or  d’Hollywood, la filmographie de Maya Deren, qui s’étale entre 1943 et 1959, déroute. De  grands cinéastes contemporains tels David Lynch revendiquent son héritage. Et son  œuvre est régulièrement commentée depuis sa redécouverte dans les années 70.  Pourtant, l’histoire de cette poète singulière et touche-à-tout demeure nimbée de  mystère. Retour sur le parcours iconique d’une insoumise qui ne cesse d’interroger les frontières du cinéma. 

Percée d’une autodidacte  

a study in cheregraphy for camera
a study in cheregraphy for camera

Maya Deren naît d’une famille juive en 1917, à Kiev. À la suite de pogroms antisémites en  1922, elle et ses parents fuient la Russie vers l’État de New York. Là-bas, la jeune naturalisée étudie le journalisme et s’engage dans des mouvements révolutionnaires trotskystes.

Diplômée en littérature, elle se fraye un chemin vers la scène artistique émigrée de la ville de New York. Avant de déménager en 1940 à Los Angeles où elle cultive son activité de poète et de photographe. De passage à Hollywood, Maya Deren fait ensuite la rencontre décisive d’Alexander Hammid, un cinéaste tchèque. C’est avec lui, qui devient son mari en 1942, qu’elle coréalise son premier court-métrage :  Meshes of the Afternoon (1943). 

L’affirmation d’un cinéma d’avant-garde  

La cinéaste a 26 ans lorsqu’elle se lance dans cette aventure. Avec en poche un budget  de 250 dollars et, à la main, une caméra de fortune. Véritable OVNI dans le paysage  cinématographique de l’époque, Meshes of the Afternoon prend place dans la maison du  couple. De facture expressionniste, le film enchaîne les séquences symboliques sur les  déambulations rêvées d’une femme, qu’elle campe elle-même. À l’image, 

plusieurs plans énigmatiques reviennent de manière obsessionnelle. Cette oeuvre  dédaléenne sonde les méandres de la pensée subconsciente, et du rapport de la femme  au désir. Au foyer, au monde extérieur. Sidérante, la structure de l’œuvre rappelle le  surréalisme d’un Jean Cocteau ou de Luis Bunuel.

Une esthétique novatrice  

En 1944, Maya Deren fréquente le milieu artistique underground new yorkais avec John Cage, André Breton et Marcel Duchamp. Soit autant d’artistes à l’origine de ruptures dans l’histoire de l’art. Maya Deren partage leur goût de la liberté, et une posture subversive face aux conventions esthétiques dominantes. Aussi, la réalisatrice redouble d’inventivité lors de ses montages : ralentis, superpositions de plans,  arrêts sur image…

Chacune de ses sept œuvres est marquée par un souci d’innovation permanente. Lequel introduit une grammaire cinématographique nouvelle, basée sur la réapparition cyclique de formes et de figures. Dès A Study in Choreography for the Camera (1945), Maya Deren exploite ce répertoire pour travailler une thématique précise. Celle du langage corporel, à travers la danse ou la boxe. 

Hollywood dans le viseur  

Pendant que Maya Deren diffuse ses films, le cinéma est dominé par les réalisateurs hollywoodiens. On pense notamment à Orson Welles et Citizen Kane (1946). Maya Deren déclare dépenser « autant à faire ses films qu’Hollywood à acheter de rouges à lèvres ». Elle dénonce un « obstacle majeur au développement d’un cinéma créatif ». Maya Deren bat en brèche le carcan des grands studios de Los Angeles.

Là où ces derniers tournent des histoires d’hommes, la réalisatrice propose des pièces sibyllines mettant la femme en lumière. Décidée à promouvoir le cinéma underground, Maya Deren est, en 1953, l’un des  fondateurs de l’Indépendant Film-Makers Association. Une structure rassemblant  plusieurs cinéastes expérimentaux américains de l’époque. 

L’œuvre inachevée… 

Désireuse de se réapproprier un nouveau genre, Maya Deren se lance en 1950 dans la  réalisation d’un documentaire. Suivant le sillon de ses films précédents sur le mysticisme  et la gestuelle, elle s’intéresse aux danses rituelles vaudou d’Haïti. Mais ce projet  ethnographique ne voit pas le jour. Maya Deren décède à New-York en 1961, sans avoir  pu monter ses 90 heures de rush. Quelle forme prend le registre documentaire, entre les mains d’une artiste aussi révolutionnaire que Maya Deren ? La question reste entière.

Pour découvrir encore plus d’articles inspirants, téléchargez l’application Cultur’easy sur Applestore ou Playstore.

Article concocté par Antonin Gratien ,

Rédacteur et journaliste indépendant spécialisé dans les arts (cinéma, musique, mode, art contemporain), et les questions de société. Biberonné à la littérature, diplômé en littérature, philosophie et ingénierie culturelle. Attentif aux mœurs contemporaines, aux personnalités émergentes ainsi qu’aux œuvres nouvelles.

Commenter cet article


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.