Ce 26 novembre 1974, ses paroles ont changé le destin de millions de femmes. La tache fut rude mais indispensable. A quelques secondes de prononcer son discours, avait-elle conscience de la portée de son discours ? Ce fantasme épistolaire du 21eme siècle s’adresse à Simone Veil. En ce jour de novembre elle a changé la donne en montant sur l’estrade de l’Assemblée Nationale.

Crédits
Episode 1 : « Lettre à Simone Veil »
Un texte de Caroline Garnier, Amélie Gonin et Marion Labbé-Denis
Réalisé par Caroline Garnier
Voix : Caroline Garnier
Musique : Lucas Beuneche
Montage, habillage et mixage : Lucas Beuneche
Production exécutive et artistique : Elodie Bedjai
Graphisme : Annaïs Helou
Archives : Institut National de l’Audiovisuel
« Je voulais vous dire », une série de podcasts Cultur’easy
Une conception originale de Elodie Bedjai, Caroline Garnier, Marion Labbé-Denis, Marie Duris et Amélie Gonin.
Produit par Cultur’Easy

Retranscription de la Lettre à Simone Veil

Chère Madame,

Au moment où je vous adresse cette lettre, vous allez vous rendre sur cette estrade, face à une assemblée majoritairement composée d’hommes; 481 exactement, pour 9 femmes. Ce discours pour la légalisation de l’avortement, que vous allez prononcer dans quelques instants, va changer le destin de milliers de personnes et j’aimerais vous en remercier. Vous savez que la tâche ne sera pas facile, mais peut-être ignorez-vous qu’après vos paroles, cet hémicycle se transformera en arène. La lutte sera dure, le combat sans merci. Mais croyez-moi, au nom des femmes, votre persévérance paiera. 

Femme de 30 ans en 2021, j’aurais aimé que vous lisiez cette lettre, à cet instant précis, ce 26 novembre 1974, à quelques minutes de prendre le micro.

Comment vous sentez-vous, après tant de chemin parcouru ? Est-ce que vous pensez à votre famille ? A ceux qui cherchent à vous nuire ? Ces hommes, devant vous, sans utérus que le problème n’atteint pas ? A cette femme à ce moment même, qui souffre le martyre sur une table de cuisine ? 

Madame Veil, vous vous battez pour la vie de ces femmes, qu’on laisse se vider de leur sang dans d’horribles souffrances et pourtant qu’on accable de meurtrières. Ces femmes qu’on viole, qu’on agresse, et qu’on accuse. Vous vous battez contre l’injustice. 

La semaine de débat que vous allez vivre après avoir prononcé votre discours va être douloureuse.

Vous allez vivre des moments difficiles en étant humiliée, ridiculisée, dénigrée… Mais vous allez tenir, vous allez résister.

Les injures les plus immondes vont pleuvoir à votre égard. Les anti-loi vont faire preuve de beaucoup d’inventivité pour vous nuire. Votre loi sera comparée à celles du régime Nazi. Vous, Madame Veil, victime de la déportation et vous qui avez perdu votre mère, votre père pendant la Shoah.

Non ce n’est pas juste, oui tout cela est infâme. Ne désespérez pas : en vous levant de ce fauteuil, en prononçant ce discours, vous verrez : les masques vont tomber et la liberté va gagner.

Il ne reste que quelques minutes avant que vous vous leviez pour affronter cette assemblée

Avez-vous conscience de l’impact qu’aura cette loi sur la condition des femmes sur des dizaines de générations à venir ? En 1974, en France, on compte 250 000 à 300 000 avortements clandestins. Aujourd’hui, j’ai le droit de disposer de mon corps, le droit de ne pas mourir dans d’atroces souffrances, le droit de décider de ma vie, de mon destin, de mes rêves, le droit à la liberté tout simplement. Je parle de moi, mais je suis aussi cette mère de famille qui va pouvoir élever confortablement les 2 enfants qu’elle a décidé d’avoir, je suis cette jeune femme, violée, qui ne va pas avoir à élever un enfant qui lui rappellera ce supplice, je suis cette étudiante qui peut poursuivre sereinement ses études, je suis cette femme, tout simplement, qui ne veut pas d’enfant et c’est comme ça, c’est son choix, c’est son droit.

Et au nom de toutes ces femmes, Madame Simone Veil, je ne peux rien vous dire d’autre que merci.

Merci d’avoir permis à la jeune femme française que je suis d’avorter librement. Aujourd’hui encore, en 2021, 42 % des femmes ne peuvent pas recourir à une IVG légalement. 42% des femmes aujourd’hui, dans ce monde, n’ont pas le droit de disposer librement de leur corps, sous peine de prison ou bien encore de mort. Oui, Madame Veil, aujourd’hui je vis dans un pays où j’ai le droit d’avorter, librement et gratuitement. Et qui sait si j’en aurais eu le droit si vous n’étiez pas monté sur cette estrade.

Plus qu’une minute…

Vous tenez ma lettre dans vos mains, je vous imagine lire ces phrases pour vous donner toute ma force : tenez bon ! Vous allez changer le destin de millions de femmes, rien ne peut vous arrêter. Grâce à vous, je sais que ma vie ne sera plus une fatalité. Vous vous êtes battue pour que mon corps m’appartienne, pour que j’en sois maîtresse, sans aucune condition. Cette liberté je vous la dois, car si vous ne montez pas cette estrade, peut-être que moi aussi, je pourrais connaître le sort de toutes ces femmes, emprisonnées, assassinées ou mortes parce qu’on refusait qu’elles décident pour leur corps.

Nous approchons du but, plus que quelques secondes avant de monter sur l’estrade. J’imagine votre angoisse, votre cœur qui doit battre la chamade.

C’est à vous, on vous appelle. Rappelez-vous que si ce sont majoritairement des hommes qui sont devant vous, maintenant vous avez rendez-vous avec les femmes et leur histoire.

Merci Madame Simone Veil.

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1 Comment

  1. MME LAVALLETTE BRIGITTE Répondre

    Excellent article qui nous transporte dans les années 70 et j’y étais c’était tellement incroyable que cette femme se lève face à tous ces ommes qui ne savent rien sur la maternité et ce qu’elle suppose….Podcast très agréable à écouter,voix très douce.
    En ce qui me concerne à part Mme Simone Weill,la personnalité politique qui m’a porté est Mr Badinter Garde des sceaux pour sa lutte contre la peine de mort.
    A titre personnel si j’ai toujours été attirée par les livres,les Musées et la Culture en général c’est dû à ma grand-mère qui m’a élevé et me trainaît tous les WE dans quelques choses de nouveaux une fois que j’avais eu mon câlin et mon chocolat dans son lit

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