Il y a exactement 10 ans, une grande avancée archéologique a été réalisée en Géorgie. Une équipe dirigée par le Muséum national de Géorgie a publié ce jour un article relatif à un crâne d’hominidé préhistorique. Découvert en 2005 à Dmanissi, dans le Nord-Est du pays, celui-ci suggère que tous les hominidés appartiennent à l’espèce Homo erectus. Or, on pensait jusqu’alors que cohabitaient les espèces Homo georgicus, Homo ergaster et Homo habilis. Cette découverte remet en cause ces divisions concernant les humains d’il y a 2 millions d’années.

En 2005, une équipe internationale de chercheurs est dépêchée à Dmanissi par le Muséum National de Géorgie. La région du Caucase était alors déjà connue pour abriter de nombreux vestiges préhistoriques. Les archéologues découvrent à Dmanissi 5 crânes d’hominidés. Le plus complet d’entre eux date de 1,8 million d’années ; on lui attribue le numéro 5. Il présente toutes les caractéristiques d’Homo erectus. Cependant, son cerveau est très petit, aussi petit que celui d’un Australopithèque. Ce décalage pose d’emblée question à la communauté scientifique.

La classification des espèces avant la découverte

Exemple de squelette d’Homo erectus, World History Encyclopedia
Exemple de squelette d’Homo erectus, World History Encyclopedia

Avant 2013, il était communément admis parmi les spécialistes que les humains, vivant il y a 2 millions d’années, était divisés entre plusieurs espèces. On comptait parmi celles-ci Homo erectus, Homo habilis ou Homo georgicus ou encore Homo ergaster. Cette conclusion avait été amenée par de nombreuses et longues campagnes de fouilles.

Au fil des exhumations des squelettes, les préhistoriens avaient noté de légères différences. Les crânes de ces hominidés, plus précisément, présentaient des distinctions morphologiques. Celles-ci ont fait l’objet de classifications par les paléoanthropologues. Ces classifications formelles ont abouti à la classification des espèces cohabitant au temps d’Homo erectus.

Homo erectus, considérée comme l’espèce la plus répandue, mesurait environ un mètre et demi et avait un crâne assez épais. Habilis, de son côté, a hérité de son nom du fait de son habileté à fabriquer des outils et pouvait presque marcher debout. Quant à Homo ergaster, son nom signifie « homme artisan ». Il fabriquait en effet des outils plus élaborés que les précédentes espèces, dont des bifaces.

Le site de Dmanissi et ses crânes

Site de fouilles de Dmanissi, Wikimedia Commons
Site de fouilles de Dmanissi, Wikimedia Commons

Le gisement préhistorique de Dmanissi est situé dans le Caucase, à 1 000 mètres d’altitude. Les strates concernées se trouvent sous les ruines d’une ville médiévale. Fouillé depuis les années 1930, le site est particulièrement lisible du fait de coulées de lave antérieures, très précisément datées. Au-delà des crânes, les archéologues ont déjà découvert à Dmanissi des fossiles d’animaux, dont des dents de rhinocéros datant d’il y a environ 2 millions d’années.

De 1991 à 2005, de nombreux restes du genre Homo ont été exhumés à Dmanissi. On compte parmi ceux-ci les 5 crânes de 2005, presque autant de mandibules et d’autres ossements. Certains scientifiques les ont attribués à une nouvelle espèce, Homo georgicus. Il s’agit en effet des restes humains les plus anciens trouvés hors de l’Afrique.

Quelques parties de colonnes vertébrales et des jambes ont également été retrouvés. Ils suggèrent une bipédie très évoluée, comparable à celle d’Ergaster, mais une plus petite taille. Une partie de la communauté scientifique estime que l’espèce de ces fossiles pourrait être l’ancêtre de l’Erectus asiatique, à la morphologie comparable par endroits.

Crâne 5 : de l’Australopithèque à l’Erectus ?

Le crâne 5 lors de son exhumation, Wikimedia Commons
Le crâne 5 lors de son exhumation, Wikimedia Commons

Le crâne publié en 2013 a donc été découvert en 2005 sur le site. Il a rapidement été associé à sa mandibule exhumée quelques années plus tôt. Sa boîte crânienne de petite taille (546 cm3) est similaire à celle d’un Australopithèque ou d’un Homo habilis. Ses longues et larges dents rappellent celles d’un Homo rudolfensis. Enfin, son visage allongé et son menton saillant sont similaire à ceux d’un Homo erectus.

Encore aujourd’hui, ce fossile est le seul à réunir autant de caractéristiques si distinctes. Il s’agit également du premier crâne humain en bon état de son époque. L’équipe du Muséum National de Géorgie ont donc méthodiquement comparé le crâne 5 avec d’autres fossiles. Trouvés en Europe, en Asie ou en Afrique, ils dataient d’entre 1,8 et 1,2 million d’années. Ces chercheurs ont ensuite établi leur conclusion : les différences que l’on trouve entre ces crânes sont similaires à celles que l’on pourrait distinguer de nos jours au sein de groupes de chimpanzés ou d’humains.

En somme, les scientifiques suggèrent par cela que les individus d’il y a 2 millions d’années étaient très divers physiquement. Ces différences appellent en premier lieu à un classement en des espèces distinctes, mais il est indéniable que tous les crânes géorgiens datent de la même époque. Ils pourraient donc appartenir à une seule et même espèce. Partie d’Afrique de l’Est, celle-ci se serait ensuite répandue sur chaque continent.

Après la découverte, les controverses

La découverte du crâne 5 de Dmanissi a eu un large retentissement au sein de la communauté des préhistoriens. Les hypothèses publiées dans l’article de 2013 a fait naître quelques doutes parmi les scientifiques. Ainsi, certains spécialistes s’accordaient à dire que tous les crânes du site dataient de la même époque, ils jugent exagéré l’extension de la conclusion à toutes les autres espèces du genre Homo. Un autre argument concerne la méthodologie de l’étude. En effet, les précédentes analyses des différentes espèces d’hominidés ne s’appuyaient pas que sur les formes des crânes. La taille des bras pouvait par exemple être un autre critère.

Une seule certitude : la paléontologie et l’archéologie sont des disciplines passionnantes !

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Article concocté par Sarah Gouin-Béduneau ,

Sarah est historienne de l’art et s’est spécialisée dans la gestion du patrimoine culturel. Elle aime toutes les formes de création visuelle, s’intéresse énormément à la musique et au patrimoine industriel et travaille actuellement dans la conservation et la documentation des biens mobiliers.

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