Le Street Art en 3D, trompe l’œil et illusions

Lumière sur trois artistes internationaux dignes représentants de la pratique 3D dans le street art : Kurt Wenner, inventeur autoproclamé de la discipline, Carlos Alberto et Mark Cronin.

En France, JR est un street artist et photographe renommée, un adepte de cette pratique du street art 3d dans des lieux très courus. Idem pour Odeith, d’origine portugaise, qui ne cesse de nous surprendre avec des créations en 3 dimensions créant parfaitement l’illusion.

Kurt Wenner, est précurseur dans cette discipline artistique

C’est lui qui en est l’heureux inventeur depuis les années 80. Son amour pour le street art 3D, il le doit surtout à sa passion pour l’anamorphose, un principe qui existait déjà au 17ème siècle, permettant de créer une illusion d’optique.

J’ai commencé à créer ma géométrie de perspective particulière en ajustant les proportions des formes peintes en tenant compte des points de vue des spectateurs qui se tenaient au pied de l’œuvre.  Contrairement aux compositions anamorphiques traditionnelles, comme les plafonds d’église, les angles de vue étaient très larges. L’objectif fish-eye est devenu incontournable dans mes compositions.

Ces anamorphoses d’un nouveau genre, ils les disséminent dans le monde entier.

À Rome, il a été invité à monter sur les échafaudages de plusieurs églises pour voir de plus près les fresques pendant leur restauration.  Il a même pu toucher le plafond de la chapelle Sixtine, un moment de grâce.

Sur certains plafonds baroques, j’ai remarqué que les personnages étaient allongés pour paraître normaux depuis le sol. J’étais conscient que mes peintures de rue étaient soumises à des conditions d’observation similaires. Les gens regardaient l’œuvre sous un angle plutôt que de face.

Il assure que d’autres artistes appliquent le principe de la quadrature, un système permettant de donner du relief au dessin.

La démarche est digne d’un mathématicien, une préparation indispensable pour rendre l’illusion percutante.

Pour mon premier croquis géométrique, j’utilise uniquement un compas, une règle et des triangles.  J’utilise même une équerre en T.  Si le croquis est à l’échelle, je peux me fabriquer une feuille de papier millimétré sur l’ordinateur.  Les dessins doivent également être mis à l’échelle en fonction de la position du spectateur.

C’est ainsi que Kurt Wenner parcourt les Etats Unis pour produire son art époustouflant.

Il s’est frotté à tout type d’environnement mais avoue préférer réaliser son travail de conception en atelier : « Il peut être très agréable d’exécuter une œuvre en plein air lorsque l’environnement est propice ». Les milieux difficiles peuvent le freiner : le temps limité, un éclairage faible et une surface rugueuse compliquent considérablement la tâche.

Son médium favori est son propre pastel, qu’il complète parfois avec de la peinture à l’huile

Mes pastels faits à la main sont plus solides et plus permanents que les produits commerciaux.

Une de ses œuvres fétiches, le Dies Irae a été mal comprise par le public : « Elle était si différente de tout ce qui avait été fait auparavant que le public a mis du temps à la comprendre ». Ses street art les plus ovationnés ? : « La Parade du cirque et Bacchus, sont très populaires.  Ma trilogie des enfers et Dies Irae sont les plus consultés sur Internet ».

Ces œuvres demandent un travail de titan. Ses efforts ont payé, lui permettant de gagner sa place en société.

La création artistique fait tellement partie de mon existence quotidienne que j’ai du mal à me séparer de mon travail.  Lorsque je crée, je cherche à aborder un thème ou un sujet plus universel.  L’expression de ma personnalité artistique se fait d’elle-même, en fonction de ma relation avec l’œuvre.

Carlos Alberto vient tout droit du Mexique

Artiste peintre depuis son plus jeune âge, il a toujours aimé dessiner et peindre. Mais ce style d’art, il a commencé à l’investir il y a une dizaine d’années. Sa passion pour l’art est sans équivoque.

L’art est présent partout, dans tant d’expressions différentes qui font partie de notre quotidien. Pour moi, travailler dans le domaine de l’art est la meilleure décision que j’aie jamais prise, car cela me rend heureux et me permet de me mettre au défi chaque jour, de donner le meilleur de moi-même. J’aime la réaction des gens quand ils regardent mes peintures, et si je peux utiliser mon travail comme une plateforme pour communiquer quelque chose de plus, je le fais, parce que l’art est un langage sans barrières, que tout le monde peut comprendre et apprécier.

Professionnel dans le street art, il tire sa principale motivation de sa représentation publique.  En effet, le street art est une discipline accessible au plus grand nombre. Il adore donc le pratiquer en plein air, dans des espaces avec beaucoup d’affluence. Il graffe aux Pays Bas, aux Etats Unis comme en Allemagne. Et revient parfois dans son pays natal pour le pratiquer. Il a également peint un trompe l’œil 3D en banlieue parisienne, dans les Yvelines, à Chatou, représentant la nature à son paroxysme.

Carlos aime exprimer sa gaieté par le biais de couleurs vives

J’aime utiliser toute la palette chromatique. Comme mes dessins sont inspirés de la nature, ils sont organiques. J’implique aussi énormément le mouvement dans mes peintures qui sont des représentations d’animaux, de personnes, d’arbres. J’adore également jouer avec les ombres et la lumière.

Selon lui, recourir à ces illusions d’optique a toujours existé

Il annonce d’emblée que depuis quelques années la pratique connait un regain d’intérêt notamment grâce au street-art. Comme Kurt, il dit avoir recours à une perspective préétablie.

Pour obtenir la bonne déformation, il est nécessaire de prendre de nombreuses mesures et de faire de nombreux calculs sur la zone de travail. Avec les années, c’est plus facile et automatique pour moi, mais bien sûr, je m’aide de l’ordinateur. Lorsque je travaille sur de grandes surfaces, il est très difficile de vraiment « voir le tableau » c’est pourquoi il est plus facile pour moi de le diviser en carrés imaginaires et de le voir comme un puzzle de plusieurs petits tableaux.

Son coup de maitre ? Un perroquet rouge qui a beaucoup attiré l’attention des médias internationaux, bien plus qu’il ne l’espérais. C’est alors un nouveau défi de faire quelque chose d’encore plus intéressant et réussi.

Chaque œuvre de Carlos Alberto lui permet de se perfectionner et faire évoluer son art au plus près de l’hyperréalisme

Chaque œuvre contribue un peu au développement de ma technique, il y a donc une évolution non seulement dans ma façon de travailler mais aussi dans ce que je veux exprimer. Je pense qu’il est encore très tôt dans ma carrière pour parler de la direction que je vais prendre ou même pour définir mon style. La seule chose que je peux dire, c’est que je sens vraiment que mon art évolue dans le sens où je recherche la perfection dans chaque dessin.

Mark Cronin est notre dernier street artist 3D interrogé

D’origine Irlandaise, il a aussi une renommée internationale comme les deux premiers street artist. Comme eux, cet art a changé sa vie. Il nous éclaire sur la portée publicitaire de certaines œuvres.

L’art 3D est définitivement plus commun maintenant dans la publicité et est utilisé pour diverses campagnes de marketing. Il y a beaucoup de superbes artistes qui ont porté l’art 3D à de nouveaux niveaux au cours de la dernière décennie.

Il persiste à le pratiquer dans la rue et conçoit cet art comme éphémère afin d’avoir un contact direct avec son public.

Quand les gens voient mes créations dans la rue, ils sont immédiatement intrigués, et une fois qu’ils l’ont vu sous le bon angle et qu’ils ont pris des photos de l’œuvre, c’est un plaisir à regarder. J’ai vu des adultes se transformer en petits enfants étourdis !

Lui aussi apporte sa pierre à l’édifice pour mieux comprendre comment donner cet effet en 3 dimensions

Tout est fait en utilisant la perspective par rapport à un point, ce point est juste en dessous de vous, c’est-à-dire là où vous vous tenez. Toutes les lignes verticales dans une peinture 3D reviennent toutes à ce point unique qui est le point de vue du spectateur. Lorsqu’il peint l’œuvre, l’artiste utilise une ligne de cordeau pour chaque « ligne verticale » de la peinture, en s’assurant que tout est maintenu en perspective. 

Son œuvre préférée est sans aucun doute Play all day : une œuvre sur le thème des jeux, sa première exposée au public. Sa fresque de Spider-Man réalisée dans le jardin d’un ami l’année dernière est l’une des plus appréciées. L’échange qu’il noue avec les passants, il ne voudrait changer ça pour rien au monde.

J’ai rencontré plus de gens grâce à l’art de rue 3d que je n’aurais jamais pu rencontrer autrement. J’aime les réactions du public. Ce n’est certainement pas pour l’argent que je fais ça mais pour les centaines de personnes que je rencontre chaque jour.

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Propos recueillis par Audrey Poussines ,