En 1937, Blanche-Neige fait un triomphe dans les salles obscures du monde entier. Cette première apparition marque le début du long règne des princesses de la Compagnie Disney et avec lui toute une collection de chansonnettes entraînantes. 48 ans plus tard, le Studio Ghibli et son célèbre papa Hayao Miyazaki bousculent les codes de l’anime japonais.

Les jeunes héroïnes intelligentes et indépendantes s’opposent aux premières figures féminines de Disney. Aujourd’hui, les amateurs de cinéma d’animation se plaisent à comparer la place et le rôle attribué aux femmes dans les deux univers.

Des personnages féminins témoins d’époques et de cultures différentes

Nous avons tendance à oublier que ce sont presque 50 années qui séparent les créations des studios japonais et américain. La première génération de princesses Disney rend fidèlement hommage aux portraits dépeints par les frères Grimm (Blanche-Neige et les Sept Nains) et par Charles Perrault (Cendrillon) et (La Belle au Bois Dormant). Miyazaki, quant à lui, n’a adapté aucun récit traditionnel, se libérant ainsi de toute contrainte scénaristique.

Les héroïnes très stéréotypées des Studios Disney

The Disney Brothers Studios voit le jour en 1923 grâce aux frères américains Walt et Roy Disney à Hollywood. Le studio se fait connaître dans le monde entier grâce à la mise en scène en 1928 d’une petite souris nommée Mickey Mouse. En 1937, le premier long métrage d’animation Blanche-Neige et les Sept Nains séduit le jeune public dans le monde entier. Aujourd’hui, La Compagnie Disney est l’une des premières entreprises de divertissement cinématographique.

Après avoir porté à l’écran les récits des 8 princesses traditionnelles issues de contes de fées, la franchise Disney Princess a dédié 4 films supplémentaires à des « héroïnes ». On distingue aujourd’hui les princesses « officielles » des « non-officielles » mais dont les actes sont considérés comme « royaux ».

Les premières princesses restent fidèles à leurs équivalents livresques

 Les princesses « officielles » et « non-officielles » Disney : Blanche-Neige, Raiponce, Pocahontas, Mulan, Aurore, Cendrillon, Mérida, Tiana, Belle, Ariel et Jasmine
Les princesses « officielles » et « non-officielles » Disney : Blanche-Neige, Raiponce, Pocahontas, Mulan, Aurore, Cendrillon, Mérida, Tiana, Belle, Ariel et Jasmine

Elles sont connues pour être attrayantes, gentilles, douces et distinguées. Blanche-Neige et Aurore vivent dans l’ignorance de leurs véritables statuts sociaux jusqu’à leur rencontre avec le fameux prince charmant, Dom Juan par excellence. L’histoire d’amour et le triomphe du bien sur le mal sont les moteurs d’un récit semé d’embuches. De manière générale, les princesses subissent leur destin avec une incroyable résilience. Passives, elles se contentent de chantonner au milieu des animaux étonnements apprivoisés en attendant des jours meilleurs.

Il est amusant de repérer la petite note d’autodérision de la part des Studios Disney dans le film Vaiana, la légende du bout du monde, sorti en salle en 2016. Le dieu Maui fait la rencontre de la jeune Vaiana et lui affirme qu’elle est bien une princesse puisqu’elle porte une robe et est entourée d’animaux de compagnie.

La première génération de princesses correspond à la culture d’une époque, celle des années 1930 durant laquelle les femmes sont encouragées à être de bonnes épouses, prenant soin du foyer et des enfants. Au fil des années, Disney s’est modernisé en portant un regard différent sur la femme. De nouvelles figures féminines, plus indépendantes et moins stéréotypées ont vu le jour.

La création plus tardive du Studio Ghibli et ses personnages nuancés

Hayao Miyazaki, Suzuki et Isao Takahata fondent ensemble le Studio Ghibli en 1985 à Tokyo. Ce dernier est devenu aujourd’hui un grand pôle de création d’animation japonaise avant-gardiste. Le studio explore des thématiques et genres variés allant du drame avec le film Le Tombeau des Lucioles de Takahata au monde fantaisiste du Château ambulant. « Elargir les frontières du dessin animé », tel est le souhait de l’incorruptible cinéaste. Miyazaki ne porte d’ailleurs pas dans son cœur son principal concurrent américain, Disney. Bien que ponctuellement allié à ce distributeur mondial lors d’un accord « d’ordre purement commercial » comme le précise Miyazaki, le Studio Ghibli a su conserver son indépendance depuis maintenant 30 ans.

Le cinéma du maître japonais est engagé, politique, écologique, altruiste et anticonformiste. Preuve en est, les personnages féminins dépeints au fil des histoires sont toujours plus autonomes et déterminés. Dans ses films, Miyazaki retire le pouvoir aux hommes et fait des femmes de véritables leaders. La princesse Nausicaä affronte ses pairs pour sauver la nature, mamie Sophie se bat pour inverser un maléfice cruel tandis que Kiki la petite sorcière travaille d’arrache-pied pour gagner sa vie. Les femmes de Miyazaki n’ont vraiment pas la vie facile et redoublent d’efforts pour se faire une place dans la société.

Princesse Mononoke chevauchant un loup géant
Princesse Mononoke chevauchant un loup géant

Princesses Disney et héroïnes Ghibli : des ambitions à l’opposé

Les différences de personnalités entre les princesses de la Compagnie Disney et les héroïnes du Studio Ghibli sont flagrantes. Hayao Miyazaki a tout de suite imaginé des personnages féminins ambitieux, vaillants et libres tandis que les premières figures féminines de Disney sont passives et dépendantes de leurs homologues masculins tout au long du récit.

L’évolution des princesses Disney de 1937 à nos jours

Une chose est sûre, les ambitions et destins des princesses Disney ont grandement évolué depuis les années 30. Un tournant survient brusquement en 1989 avec la naissance de La Petite Sirène marquant un début de rébellion. Belle dans La Belle et la Bête en 1991 ainsi que Jasmine dans Aladdin en 1992 deviennent des princesses intelligentes qui décident de suivre leur propre chemin. Le choix des amoureux est plus varié voire surprenant : un voleur, une bête ou un humain.

Audacieuses, les princesses décident elles-mêmes de changer de vie et sortent de leur zone de confort comme Ariel qui choisit délibérément de consulter une sorcière afin de prendre l’apparence d’une humaine pour rejoindre son prince. Enfin, une troisième génération de princesses poursuit le travail d’émancipation de la femme engagé par Disney.

Pocahontas et Mulan ouvrent le bal en s’affirmant comme de véritables guerrières. De nouvelles relations entrent en jeu comme l’amour paternel (Mulan) ou filial (La Reine des Neiges). Pour Mérida, princesse rebelle, pas de prince à l’horizon mais une recherche d’indépendance totale motive le récit. Vaiana n’a qu’un seul but : sauver son peuple et restaurer sa grandeur passée. En 2021, le film Raya et le Dernier Dragon s’inscrit dans la lignée des héroïnes indépendantes et fortes, capables d’affronter seules tous les obstacles.

Couverture du DVD Mulan
Couverture du DVD Mulan

La femme courageuse et indépendante de Ghibli

Si les personnages portés à l’écran par le Studio Ghibli sont exclusivement féminins, ils n’ont pas grand-chose en commun avec nos chères princesses américaines. Miyazaki met en scène des fillettes, jeunes filles ou femmes fortes et déterminées, diamétralement opposées aux idéaux féminins de la société japonaise. Dans l’univers du cinéaste plane le souvenir de sa défunte mère, modèle de combativité.

Cette dernière s’est longuement battue contre une tuberculose vertébrale, souvenir d’enfance marquant pour le jeune Miyazaki. En 2015, le cinéaste d’animation confie au Guardian que ses personnages féminins « (…) auront peut-être besoin d’un ami, ou d’un soutien, mais en aucun cas d’un sauveur. Les femmes sont capables d’être de vrais héros, tout autant que les hommes ».

En effet, si les héroïnes sont parfois vieilles, sauvages, engagées ou de sang royal, elles ont toutes en commun une forte soif d’indépendance. Exit les histoires d’amour, chansons et quêtes nombrilistes propres aux princesses Disney, la femme Miyazakienne se bat surtout pour les autres et pour ses valeurs.

L’héroïne poursuit une quête initiatique, apprenant au fil des rencontres et tirant profit des enseignements durement acquis. La princesse Mononoké mène un combat sanglant contre les hommes qui détruisent la forêt chère à son cœur. La jeune mécanicienne Fio n’a de cesse de prouver son talent et de lutter contre le machisme ambiant dans Porco Rosso. Enfin, si la pauvre Sophie (Le Château Ambulant) subit un terrible sort qui lui donne l’apparence d’une vieille femme, elle n’en demeure pas moins résolue à retrouver sa jeunesse par ses propres moyens.

Princesse Nausicaa sur son planeur
Princesse Nausicaa sur son planeur

Portraits physiques des héroïnes idéales

Peut-être plus encore que ses actes, c’est l’évolution physique de la princesse Disney au fil des années qui a été largement commentée et encouragée par les spectateurs. De la très grande, mince et blonde Aurore il ne reste plus rien dans le portrait de la fougueuse Mérida. Le Studio Ghibli privilégie, quant à lui, le modèle signature de la fillette maigrichonne et occidentale qu’incarnent Chihiro ou Ponyo.

Disney, la fabrique de la princesse parfaite

Les princesses Disney et leurs physiques stéréotypés ont fait couler beaucoup d’encre. Nombreux sont les artistes à se moquer du coup de crayon des characters designers de l’entreprise américaine en redonnant une silhouette plus « normale » aux héroïnes. Encore une fois, une évolution dans le traitement de l’apparence physique des princesses au fil des années est notable.

La femme Disney classique est blanche, jeune et terriblement mince. Ce constat est d’autant plus flagrant dans le film La Petite Sirène dans lequel le tour de cou de la jeune Ariel est identique à son tour de taille. Paradoxalement, La Belle est la Bête semble vouloir inculquer aux enfants que seule la beauté intérieure compte. Critiquée, la Compagnie Disney propose de nouveaux personnages aux profils plus variés. Tiana, Pocahontas et Mulan bousculent le portrait très caucasien plébiscité par les studios.

En 2012, un virage à 360° s’opère chez Disney avec la création d’une héroïne au physique original. Mérida est une jeune fille au visage rond, aux cheveux épais et roux et aux attitudes physiques moins distinguées. Même la silhouette du personnage semble s’être un peu épaissie, on notera l’effort. La chevelure, symbole de féminité et de sensualité par excellence, fait soudainement l’objet d’une attention particulière.

Les techniques d’animation se sont développées et ouvrent ainsi le champ des possibles. Désormais, les héroïnes se distingueront aussi par la texture, les reflets et l’épaisseur de leurs cheveux comme ceux de Vaiana ou de Raya.

L’héroïne Ghibli, loin des stéréotypes ?

Le physique de la femme Miyazakienne s’inscrit dans la lignée des personnages de mangas japonais. Il s’agit souvent d’une petite ou d’une jeune fille caucasienne aux yeux ronds et ouverts et à la silhouette chétive. Les cheveux ne font pas l’objet d’un traitement sensuel à l’instar des princesses Disney. De même, les mouvements des héroïnes sont plus proches de la réalité et correspondent souvent à ceux de jeunes enfants.

La beauté physique n’est pas vraiment recherchée, car ce sont davantage les capacités intellectuelles qui sont mises en avant dans le récit. Pour autant, les petites protégées de Miyazaki sont connues dans le monde entier : Ponyo, la drôle de fillette poisson avec ses cheveux roux ébouriffés, la sauvage princesse Mononoké ou la très chétive Chihiro. Cependant, toutes ces jeunes filles ont en commun une taille fine et en forme de i, sans volume particulier. Des jambes non galbées, une légère poitrine à peine dessinée et des vêtements neutres caractérisent le look standard de l’héroïne Ghibli.

Si la plupart des personnages sont jeunes et standardisés, Miyazaki s’autorise quand même quelques héros plus originaux. C’est le cas de Sophie, jeune femme changée en grand-mère ridée et ronde dans Le Château Ambulant ou de de la petite Mei dans Mon voisin Totoro dont l’extrême jeunesse est figurée par un corps de bébé.

La gestuelle et le comportement des héroïnes diffèrent aussi de ceux des princesses Disney dont la grâce prévaut. La petite Chihiro tombe, se cogne et se salit comme toutes les petites filles de son âge.

La petite Chihiro
La petite Chihiro

Finalement, il n’est pas vraiment pertinent de comparer les figures féminines de Ghibli avec celles de Disney.

La « princesse » traditionnelle des studios américains correspond à la fois aux standards d’une époque et aux descriptions de récits originaux.

Toutefois, au fil des années, une évolution à la fois morale et physique des héroïnes Disney mérite d’être soulignée. Et vous ? Préférez-vous plutôt les princesses Disney ou les héroïnes indépendantes de Ghibli ?

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Par  Ariane Guizard ,

Mon prénom, à la légende crétoise bien connue, m’a donné le goût pour l’art et les histoires. Petite, j’écrivais et mettais en scène des pièces de théâtre tout en dessinant mes rêves. Devenue une adulte curieuse, j’aime passer du coq à l’âne et d’une découverte à l’autre. Après des études artistiques, je suis devenue rédactrice pour raconter la vie des autres sur le web. Hypersensible, je vis chaque jour avec passion et une bonne dose de folie !

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