Deux suicides collectifs commis en Suisse ont choqué le monde entier. La mort de ces 48 personnes est immédiatement reliée à la secte de l’Ordre du Temple Solaire. Un drame qui a contribué au durcissement de la lutte contre les dérives sectaires.

À l’aube du 5 octobre 1994, à Cheiry, dans le canton suisse de Fribourg, la ferme de la Rochette prend feu. Sur place, la police découvre 23 corps calcinés dans le sous-sol, aménagé en une crypte. Les victimes sont mortes d’une balle dans la tête ou étouffées avec un sac plastique. Quelques heures plus tard, à Salvan, dans le canton du Valais, 25 personnes sont retrouvées mortes. Du poison est détecté dans leurs dépouilles, sans signe de lutte. Toutes sont reliées à l’Ordre du Temple Solaire, un mouvement templier surveillé pour dérives sectaires. Comment un drame d’une telle ampleur a-t-il pu se produire ?

Une secte aux origines obscures

Luc Jouret, fondateur de l'Ordre du Temple Solaire
Luc Jouret, fondateur de l’Ordre du Temple Solaire

Comprendre cette tragédie nécessite de retracer l’histoire de l’Ordre. Elle est liée à Luc Jouret, naturopathe belge. Dans les années 1980, il propose en Suisse des conférences sur des thèmes liés au développement personnel. Elles traitent par exemple de métaphysique, des liens entre le charnel et le spirituel ou des médecines alternatives.

Ces activités et son charisme attirent des personnes aisées et instruites en quête d’idéal. En 1984, il fonde avec Jo di Mambro, un ancien bijoutier français, l’Ordre du Temple Solaire. Ses principes sont basés sur diverses traditions ésotériques. La secte revendique celle des Templiers comme la plus importante. Il s’agissait de 54 chevaliers chrétiens condamnés au bûcher en 1314. Cependant, les deux hommes mettent la notion de « transit » au centre de la secte. Ce concept est celui du déplacement de l’âme vers une autre planète grâce au suicide. Sa finalité était le transport de la vie au-delà de la Terre.

Un embrigadement de ses membres

Comme dans toute secte, ses adeptes suivent plusieurs phases successives de recrutement. En premier lieu, Jouret, chargé du recrutement, leur faisait miroiter une offre de thérapie spirituelle et des promesses. Sa méthode reposait sur des distributions de publicités et du bouche-à-oreille.

Cela permettait par la suite de séduire les futures victimes. Jouret et Di Mambro leur vantaient les mérites de l’Ordre : connexion à la nature, méthodes miracle, relaxation… Grâce à ces promesses, les « Maîtres » dominaient psychologiquement leurs victimes. Ils parvenaient ainsi à leur extorquer leur argent et leur temps de travail. Ces personnes achetaient ainsi des maisons supposément réservées à la survie en cas d’apocalypse, mais seuls les dirigeants les utilisaient.

Des premiers rituels aux soupçons

Les membres de l’Ordre du Temple Solaire assistaient à des rituels cérémoniels menés par les deux gourous. Di Mambro mettait ainsi en scène des « apparitions divines ». En réalité, le gourou utilisait des hologrammes ou autres effets spéciaux et faisait intervenir son épouse.

Cependant, au fil des années, Jouret et Di Mambro sont de plus en plus soupçonnés de tromperies par certains membres. Quelques semaines avant le drame, quelques adeptes font part de la paranoïa, des escroqueries et de la corruption des « Maîtres ». Ils se sentent de plus en plus menacés, de nombreuses personnes pouvant engager des poursuites contre eux. On leur réclame le remboursement d’argent détourné dans des voyages, des voitures et de l’immobilier de luxe.

Se sachant dos au mur, les fondateurs décident de mettre à mort l’Ordre. Ils appellent 54 fidèles pour des « transits vers Sirius », parfois en leur promettant de leur rendre leur argent. Ce nombre correspond aux 54 Templiers exécutés en 1314. S’ensuit le drame du 5 octobre 1994. Des enquêteurs estiment qu’hormis certains adeptes convaincus, les deux tiers ont été tués pour « traîtrise ».

Une tragédie sans suite ?

Corps lors du suicide collectif de l'Ordre du Temple Solaire
Corps lors du suicide collectif de l’Ordre du Temple Solaire

Les corps de Di Mambro et Jouret se trouve parmi les cadavres. La justice les désigne rapidement comme responsables et se dirige donc vers un non-lieu. Une décision que les familles des victimes et leurs avocats contestent. Selon eux, d’autres coupables existent. Ce peut ainsi être le cas de la personne qui a passé des appels téléphoniques afin de déclencher les mises à feu.

Seul un homme est convoqué par la justice : le chef d’orchestre suisse Michel Tabachnik. Ses écrits sur la spiritualité avaient été enseignés au sein de la secte. Il était par ailleurs proche de Jo Di Mambro et a fait partie de la direction de l’Ordre. La justice le soupçonne d’avoir, par ses livres, poussé les adeptes au suicide. Il est cependant relaxé deux fois pour responsabilité non établie.

Ce drame a poussé la France à durcir sa politique de lutte contre les sectes. La tragédie similaire survenue dans le Vercors un an plus tard a également joué ce rôle. Un premier rapport parlementaire sort en 1995. Il définit la notion de secte et publie une liste de sectes. Plusieurs commissions d’enquête suivent en 1999 et 2000.

Officiellement, la secte de l’Ordre du Temple Solaire ne compte aujourd’hui plus d’adeptes.

Pour aller plus loin

Pour découvrir encore plus d’articles inspirants, téléchargez l’application Cultur’easy sur Applestore ou Playstore.

Par  Sarah Gouin-Béduneau,

Sarah est historienne de l’art et s’est spécialisée dans la gestion du patrimoine culturel. Elle aime toutes les formes de création visuelle, s’intéresse énormément à la musique et au patrimoine industriel et travaille actuellement dans la conservation et la documentation des biens mobiliers.

1 Comment

Commenter cet article


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.