Alan Lucien Øyen est chorégraphe, metteur en scène et vidéaste, il s’intéresse aux questions sociétales et à l’emprise des réseaux sociaux sur nos comportements. Sa pièce Cri de cœur réunit danse, théâtre et dispositif filmique dans des décors en trompe‑l’œil de Paris et Héléna Pikon, une des interprètes les plus connues de Pina Bausch (1940-2009).

« Cri de cœur » d’Alan Lucien Øyen, les répétitions Alan Lucien Øyen, Takeru Coste, Marion Barbeau et Simon Le Borgne - Opéra national de Paris © Agathe-Poupeney
« Cri de cœur » d’Alan Lucien Øyen, les répétitions Alan Lucien Øyen, Takeru Coste, Marion Barbeau et Simon Le Borgne – Opéra national de Paris © Agathe-Poupeney

L’impossible communication

La salle du Palais Garnier accueille un plateau de cinéma avec un dispositif filmique. Le texte de Cri de cœur est volontairement décalé. L’héroïne (Marion Barbeau) est atteinte d’une maladie incurable qui la plonge dans le doute. Sa mère (Héléna Pikon) apparaît sur l’écran – nous ne savons pas si elle est vivante ou morte. Les interprètes s’appellent par leurs véritables prénoms, un personnage est Personne. Cette pièce joue sur l’impossible communication et s’appuie sur des effets de dissonance. Les dialogues renvoient à la solitude, au narcissisme. Pour la danse, le côté instinctif est valorisé. Les séquences sont étranges et montrent une impressionnante maîtrise technique. Laurène Lévy devient serpentine en incarnant un lézard, entre provocation et humour. D’autres danseurs ont moins d’aisance dans les mouvements accompagnés de paroles.

Øyen est à l’écoute de tous les danseurs, le scénario s’est constitué pendant les répétitions entre rêves, angoisses, réalités et fictions. Mais le texte proposé est bien trop lourd. Pourtant la thématique initiale aurait pu apporter plus de profondeur. Le chorégraphe se dit fasciné par le poids des apparences : « Quand on révèle une vérité, quand on ouvre une pièce intérieure, cette vérité se transforme. Tout n’est que perception. » Pour Øyen, le théâtre qui a contribué à façonner sa pratique artistique permet de percevoir simultanément la vérité et la fiction.

« Cri de cœur » d’Alan Lucien Øyen, Marion Barbeau et Caroline Osmont - Opéra national de Paris © Agathe-Poupeney
« Cri de cœur » d’Alan Lucien Øyen, Marion Barbeau et Caroline Osmont – Opéra national de Paris © Agathe-Poupeney

Des références à Pina Bausch

Les histoires ont nourri son imagination. Le père d’Øyen a été costumier pour un Théâtre fondé par Henrik Ibsen, à Bergen en Norvège. Enfant, il se faufilait dans les coulisses pour écouter les comédiens. Dès l’âge de sept ans, il a découvert des pièces classiques et contemporaines. Dans ses créations, Øyen dénonce le factice qui envahit nos vies : « Je suis très intéressé par la manière dont nous créons sans arrêt de la fiction. Surtout dans notre manière de nous présenter aux autres. Je crois que c’est une manière de se cacher. C’est effrayant d’être vu. Exposé. La vérité est si arrêtée, finie, absolue. »

Les décors conçus par Alex Eales sont des dioramas –reconstitutions d’environnements -, il y a aussi des cadres, des fenêtres qui ouvrent à des perspectives constamment renouvelées. Des références à Pina Bausch sont nombreuses. Cette influence artistique semble restreindre la créativité d’Øyen. Or par les tableaux dansés en solos ou en groupes, on perçoit un réel potentiel, une sensibilité. En 2018, Øyen a été le premier chorégraphe invité à créer une pièce pour le prestigieux Tanztheater Wuppertal Pina Bausch. Il est considéré comme l’héritier de la chorégraphe allemande. Pour cette dernière création, il y a probablement eu un manque de distanciation. Raimund Hoghe (1949-2021) qui a été le dramaturge de la chorégraphe allemande offrait des poèmes dansés et engagés, il avait dépassé ses années de collaboration pour créer son propre univers.

« Cri de cœur » d’Alan Lucien Øyen, Marion Barbeau et Axel Ibot - Opéra national de Paris © Agathe-Poupeney
« Cri de cœur » d’Alan Lucien Øyen, Marion Barbeau et Axel Ibot – Opéra national de Paris © Agathe-Poupeney

La pièce aurait gagné à être resserrée et plus ancrée dans la danse.

Elle est portée par une jeune génération talentueuse – le Ballet de l’Opéra de Paris est certainement une des meilleures compagnies de la scène internationale. Les danseurs se sont impliqués dans cette création qui mêle le spéculaire et le leurre.

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Par  Fatma Alilate,

Cri de cœur d’Alan Lucien Øyen

Opéra national de Paris

Place de l’Opéra

75009 Paris

Tél. : 08 92 89 90 90 (0,35 € TTC/min) ou +33 1 71 25 24 23 depuis l’étranger, du lundi au samedi de 9h à 19h (sauf jours fériés)

Jusqu’au 13 octobre 2022

De 12 € à 110 €

http://operadeparis.fr

Ballet en deux actes : 2h45 avec un entracte

Chorégraphie Alan Lucien Øyen

Chorégraphe associé Daniel Proietto

Design sonore Gunnar Innvaer

Décors Alexander Eales

Costumes Stine Sjøgren

Lumières et vidéo Martin Flack

Dramaturgie Andrew Wale

Artiste invitée Héléna Pikon

Les Premières Danseuses, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet de l’Opéra : Marion Barbeau, Sarah Kora Dayanova, Letizia Galloni, Clémence Gross, Caroline Osmont, Lydie Vareilhes, Ida Viikinkoski, Victoire Anquetil, Claire Gandolfi, Katherine Higgins, Juliette Hilaire, Laurène Lévy, Charlotte Ranson, Nine Seropian, Camille De Bellefon, Marion Gautier de Charnacé, Héloïse Jocqueviel, Sofia Rosolini Yannick Bittencourt, Alexandre Gasse, Axel Ibot, Antoine Kirscher, Simon Le Borgne, Fabien Révillion, Daniel Stokes, Léo De Busserolles, Yvon Demol, Chun-Wing Lam, Maxime Thomas, Hugo Vigliotti, Alexandre Boccara, Samuel Bray, Takeru Coste, Julien Guillemard, Loup Marcault-Derouard, Antonin Monié, Jérémie Devilder

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