A bord du HMS Bounty, un équipage d’une quarantaine d’hommes est parti accomplir une mission pacifique pour la couronne Britannique. Mais il va vivre un terrible voyage qui les mènera à fonder une colonie sur une île abandonnée de tous.

Isolée, au beau milieu de l’Océan Pacifique, l’île de Pitcairn compte une cinquantaine d’habitants. Ils parlent anglais et s’appellent Christian, Young ou encore Smith. Depuis plus de deux siècles ils se transmettent le nom de leurs ancêtres. Des marins qui s’étaient mutinés à bord de la frégate Bounty. Qui avaient trouvé refuge ici sur ce rocher inconnu des cartes maritimes. Quelque part dans la baie de l’île git l’épave brûlée de la frégate. Qu’a-t-il bien pu se passer pour qu’une dizaine d’hommes parviennent à prendre le contrôle d’un tel navire ? Pour qu’ils fondent une communauté avec quelques tahitiens ?

Les révoltés du bounty film de 1962
Les révoltés du bounty film de 1962

Des plantes pour nourrir les esclaves

Quand le HMS Bounty appareille en 1787 et met les voiles vers Tahiti sa mission est claire : aller chercher des plants de Jaquier. Cet « arbre à pain » comme on l’appelait alors et les amener aux Antilles Britanniques pour nourrir, à bas coûts, les esclaves des plantations.

Le capitaine William Bligh commandait le navire. Agé de 33 ans, il avait déjà servi sous le célèbre capitaine Cook. C’était un excellent marin mais au caractère mesquin, colérique et emporté. Très à cheval sur la discipline, il n’hésitait pas à faire fouetter ses hommes à chaque manquement à l’ordre. Mais c’était chose normale au XVIIIe siècle et, en cela, il n’était pas pire que d’autres capitaines. Son second se nommait Fletcher Christian. Et vous l’avez sans doute déjà croisé sous les trains de Clark Gable, Marlon Brando ou encore Mel Gibson au cinéma.

La frégate quitte Portsmouth le 23 décembre 1787 pour un voyage sans retour.

Tahiti, un paradis de courte durée

Il fallut dix longs mois au Bounty pour atteindre Tahiti. Pendant plus d’un mois, Bligh avait essayé de passer le cap Horn au sud de l’Amérique mais sans succès. Ils avaient dû rebrousser chemin et passer le cap de Bonne Espérance, rallongeant considérablement leur route. En débarquant, les marins étaient épuisés, affamés. Et l’hostilité de l’équipage envers leur capitaine n’avait fait que croitre au fur et à mesure que les coups de fouets et les tempêtes s’étaient abattus sur eux.

L’arrivée à Tahiti ne fut pourtant pas une halte paradisiaque pour les marins. Bligh les fit travailler d’arrache-pied pendant cinq mois pour récolter les plants de Jaquier. Malgré tout, l’équipage pu créer des relations avec les autochtones, surtout les femmes. Des trocs s’opérèrent et une certaine cohabitation s’installa.

Mais quand en mars 1789 le Bounty quitte l’île pour aller livrer les plants de Jaquier, l’ambiance à bord est désastreuse. Bligh était devenu tellement irascible au fil des jours que son second Christian voulu même quitter le navire. Cependant, des hommes de l’équipage le convainquirent qu’ils le soutiendraient s’il s’opposait à Bligh.

La mutinerie du Bounty

Gravure de Robert Dodd — National Maritime Museum Les révoltés du bounty en 1789
Gravure de Robert Dodd — National Maritime Museum Les révoltés du bounty en 1789

Ce 28 avril 1789, Christian et une poignée d’hommes s’armèrent et arrêtèrent Bligh dans sa cabine. Ils n’avaient pas préparé cette mutinerie, mais ces hommes étaient tellement à bout qu’ils libérèrent d’un coup cette tension accumulée depuis des mois. Les marins voulurent égorger le capitaine pour se venger mais Christian était un homme d’honneur.

Au lieu de le tuer, Fletcher Christian laissa Bligh embarquer dans la petite chaloupe accrochée au navire avec 18 hommes restés fidèles au capitaine. Il leur donna quelques rations de nourriture et un sextant pour se repérer, certain qu’ils se perdraient et mourraient en mer dans d’atroces tourments.

A bord du Bounty, Christian pris le commandement des vingt-cinq hommes qui étaient restés. Que devaient-ils faire maintenant ? Les marins votèrent pour retourner à Tahiti même s’ils savaient que là-bas on ne tarderait pas à venir les chercher pour les punir si leur mutinerie était découverte. Ils se doutaient que le chef tahitien ne s’opposerait pas à son allié Britannique en cachant des hors-la-loi.

Mais comment l’Angleterre aurait-elle pu apprendre la révolte ? Seul Bligh aurait pu les dénoncer et, à l’heure qu’il était, il dérivait sur une chaloupe au beau milieu de l’océan.

De Tahiti à Pitcairn : la fin du paradis

Ile de Pitcairn
Ile de Pitcairn

Les mutins s’installèrent à Tahiti jusqu’au jour où des voiles britanniques apparurent à l’horizon en mars 1791. Le commandant Edwards était venu chercher les mutins survivants pour qu’ils soient jugés en Angleterre. On les recherchait donc !

Edwards repartit avec une quinzaine de mutins enchaînés dans les cales de son navire. Mais il ne retrouva jamais ni le Bounty ni Christian Fletcher.

Ce dernier avait mis les voiles avec une dizaine des fameux révoltés vers une île inconnue des cartes maritimes. Là où on ne pourrait jamais le retrouver. Les mutins avaient emmené de force des tahitiens pour servir de travailleurs et des tahitiennes pour leur bon plaisir et s’étaient installés à Pitcairn. Ce rocher perdu au milieu de l’océan deviendrait leur asile. Et pour être sûr de ne pas être repérés, ils brûlèrent dans la baie le HMS Bounty, dernier transport qui aurait pu les ramener chez eux.

Une justice exemplaire et une vengeance ratée

Le capitaine Bligh et ses 18 marins dérivèrent pendant une quarantaine de jours dans la chaloupe laissée par le Bounty. Ils parcoururent plus de 6 000 kilomètres avec presque rien à boire ni à manger, jusqu’à ce que le capitaine parvienne à les mener à Timor dans une colonie hollandaise.

Là, Bligh s’empressa de faire connaître la mutinerie et de regagner l’Angleterre. La couronne n’entendait pas laisser cet affront impuni et envoya Edwards à Tahiti. Quand ce dernier revint en 1792 avec la quinzaine de mutins rescapés, Bligh fut dépité de ne pas y trouver Christian.

Après un jugement de la cour martiale, seuls trois mutins de la Bounty furent pendus pour s’être rebellés. Il s’agissait de Thomas Burkett, John Millward et Thomas Ellison. Les autres furent acquittés.

La traversée en chaloupe de Bligh reste aujourd’hui l’une des plus impressionnantes traversées dans l’histoire de la navigation. Il fut admiré à son retour en Angleterre pour son exploit et il poursuivit sa carrière en gravissant les échelons, finissant même vice-amiral. Mais plus il montait, plus l’admiration qu’il suscitait déclinait, ses accès de colère le rendant impopulaire.

Il eut l’occasion de retourner à Tahiti pour accomplir la mission des plants de Jaquier qui avait échoué en 1789. Mails il ne revit jamais Fletcher Christian pour assouvir sa vengeance.

Christian fonda une nouvelle colonie britannique au cœur du Pacifique

Christian et ses compagnons établirent une communauté à Pitcairn mais il ne fut sans doute pas ce héros au grand cœur de nos fictions.

En 1808 quand un navire Américain s’arrêta à Pitcairn, l’équipage fut stupéfait de tomber sur des Anglais et notamment un certain Alexander Smith qui vingt ans plus tôt s’était rebellé contre son capitaine à bord du HMS Bounty. Il était le dernier survivant des révoltés.

Alexander Smith (connu aussi sous le nom de John Adams) donna diverses versions de leur histoire. Nous savons qu’à peine installés à Pitcairn, la tension était telle entre les mutins qu’ils s’entretuèrent. Certains moururent de maladies, d’autres encore devinrent fous.

Quand à Christian, l’histoire raconte qu’il fut tué par des tahitiens qui se rebellèrent après avoir été emmenés de force sur cette île, accusant les colons d’avoir – entre autres – abusé de leurs femmes.

Quelle fut la vie de ces hommes qui avaient voulu se rebeller contre un capitaine trop violent et s’étaient transformés en tyrans colonisateurs ? Quelle fut la vie de ces femmes déracinées de force et qui donnèrent naissance aux enfants de ces étrangers ?

Les deux derniers mutins survivants, Ned Young et Alexander Smith, parvinrent à créer un semblant de communauté en s’appuyant sur une bible sauvée dans l’épave du Bounty. Ils ne quittèrent jamais leur île et aujourd’hui encore les habitants de Pitcairn sont les descendants de ces marins Anglais qui s’étaient établis là dans l’espoir d’une vie meilleure.

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Par  Marie Duris ,

A la fois rêveuse et quelque peu hyperactive, j’aime chiner de nouvelles inspirations dans les expositions d’art et m’inviter chez les grands personnages de notre histoire. La culture nourrit mon imaginaire et me permet d’innover au quotidien au-delà du bitume parisien. Je vois toujours le verre à moitié plein !

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