Face au désordre et à l’incertitude, nous rencontrons l’urgence de l’adaptation. Libération mentale, art et créativité, regards utopiques… Comment notre imagination peut-elle forger notre identité et nous aider à entreprendre ?

Traverser une crise nous oblige à mobiliser notre énergie pour repenser les fondements de notre existence. En étant attentifs à nos manques et nos désirs, nous pouvons essayer de transformer ce mouvement vers une opportunité pour changer de cap. Se projeter dans le futur est une manière d’affronter les cataclysmes et d’insuffler peu à peu un espoir de résistance. Survivre aux restrictions quotidiennes, s’évader d’un réel trop accablant, changer de perspective…  Et si l’imaginaire était notre meilleur allié pour agir et contourner la difficulté ? Parfois censuré, oublié ou interdit, le rêve est pourtant un catalyseur de changement essentiel. À chacun de l’apprivoiser ou le valoriser, pour en révéler les secrets et le potentiel.

La puissance de l’imagination

Quelle merveilleuse force en nous, parfois mal connue ou sous-exploitée, que notre imagination. En inventant, nous repoussons les limites du possible ; limites qui n’existent finalement que dans nos têtes… Il est fascinant d’observer à quel point lorsque notre cerveau ne sait pas qu’une chose est impossible, nous la réalisons sans nous poser de question. Le mot « impossible » est un symbole de restriction, de barrière, qui n’existe que si nous lui donnons du crédit. Il n’y a aucune limite à notre pouvoir créatif ! Il nous permet de nous élever face à tous les obstacles. On ne peut ni interdire, ni voler, ni espionner un rêve. Qu’il se réalise ou non, il nous appartient, et nous en avons besoin. Le rêve est notre issue à chaque enfermement.

Le rêve est notre issue à chaque enfermement.  (Crédits : pixabay.com)
Le rêve est notre issue à chaque enfermement. (Crédits : pixabay.com)

L’ailleurs et l’autrement : tout commence par un rêve

Le philosophe Gaston Bachelard, dans sa rêverie poétique, nous disait : “Le monde est beau avant d’être vrai. Le monde est admiré avant d’être vérifié”. À nous de contempler le monde tel que nous l’imaginons. De nous libérer de l’image perçue et de nous laisser séduire par notre propre vision. L’imaginaire nous permet de saisir l’avenir à pleines mains, à plein cœur. Lorsque nous vivons un temps de crise, nous désirons tous un futur meilleur : ne passons-nous pas tout notre temps à l’imaginer de toutes les façons ? À projeter tous les possibles ? Dans une optique de “plus rien à perdre”, nous devenons soudain plus enclins à envisager nos rêves. C’est précisément dans l’impasse que nous désirons nous tourner vers l’ailleurs et (ré)instaurer notre liberté. Ce monde imaginaire que nous créons devient une concurrence au réel qui nous entoure.

de cette concurrence entre le monde réel et le monde imaginaire, peuvent naître de nouvelles manières de percevoir, de nouvelles manières de comprendre et de nouvelles manières dagir

Michaël Foessel

Sublimer la réalité pour mieux régner

Le désarroi de la solitude, le manque de vie, le manque de tout. L’année 2020 a déstabilisé nos plus forts piliers. On a pu avoir l’impression que tout s’effondrait autour de nous. La réalité semblait presque être une légende. Nous avons ressenti ce besoin fondamental d’évasion, de pallier à la morosité ambiante par tous les moyens. Ce besoin inné d’un tournant vers une lumière plus dorée. Sans doute pour beaucoup, elle fut trouvée par la fiction, par l’humour, par l’art ou la création. N’est-ce pas là notre meilleure invention ? Notre plus belle intelligence ? Nous avons tous la capacité de nous approprier la réalité, de lui apporter de la beauté, de la couleur et de la légèreté. Il y a étrangement toujours ce choix à faire, entre notre emprisonnement et notre imaginaire. Rêver, composer, fantasmer : voilà notre pouvoir de dépassement.

 Rêver, composer, fantasmer : voilà notre pouvoir de dépassement.  (Crédits : pixabay.com)
Rêver, composer, fantasmer : voilà notre pouvoir de dépassement. (Crédits : pixabay.com)

Quand l’art nous tourne vers l’évasion

La crise est un temps propice pour cultiver notre créativité. L’art est une force essentielle et omniprésente dans notre résistance quotidienne. Il nous révèle, nous réinvente et provoque le renouveau. Un objectif : continuer d’exister et s’enrichir dans la difficulté.

« Room With A View », cinquième album de Rone : une poésie visionnaire

« Redéfinir un nouvel imaginaire, c’est à dire écrire une nouvelle mythologie et travailler les symboles », tels sont les mots de l’astrophysicien Aurélien Barrau, relayés par Rone dans le morceau « Nouveau Monde ». À l’origine création collective et spectacle programmé au Théâtre du Châtelet en mars 2020, l’album « Room With A View » dépeint avec puissance les ambitions d’une société dans l’égarement.

Il ne s’agit pas juste d’un album, ni juste de la musique. Erwan Castex engage une volonté d’éveiller les consciences et de guider, par la voix de la musique, le monde vers un changement. Vers un rêve. Que peut bien faire un album pour sauver le monde, me direz-vous ? Et pourtant, c’est un mystère presque magique qui s’opère. C’est ce qui s’appelle frapper fort, soulever les cœurs, oser prononcer la révolution ! Et réveiller tout en douceur notre propre imaginaire… Cette musique s’écoute comme un discours clairvoyant, à la fois intime et universel. Il nous donne une envie, inlassable, d’enlacer l’optimisme.

« Eclipse », un spectacle de et par Basile Narcy : la fantaisie comme seule issue

Le plaisir dinventer est pour lui irrésistible. Échappatoire face à un quotidien cloisonnant ? La page blanche comme multitude de possibles pour transformer le réel

Cette première création en solo de Basile Narcy, cofondateur de la compagnie Akoreacro, nous dévoile une forme hybride à la croisée des arts : danse, cirque, magie nouvelle, peinture… Sur scène un personnage qui cherche, d’équilibre en déséquilibre, à se tourner vers lui-même. Vers un inconnu qu’il veut apprivoiser, en explorant les sentiments qui le traversent et le transforment sous nos yeux, au rythme de ses escapades imaginaires. Ce spectacle est une délicieuse invitation à reprendre possession de notre monde et de nos aspirations.

Cest ce mouvement de linvention que jexplore avec Eclipse, partant de la certitude que la magie peut naître dun rien, dune page blanche. Je voudrais proposer une ode à l’évasion, considérée non pas comme une fuite, mais comme un détournement ou une appropriation de la réalité.

Basile Narcy

L’utopie d’un monde meilleur: illusion ou espérance vitale ?

Un débat enregistré sur France Culture pose le sujet de la crise de l’imagination de l’avenir. Nous aurions une vision plutôt pessimiste et peu rayonnante du monde de demain. Face à un système contemporain dont nous pouvons voir et subir les limites. Une société dont la seule finalité est d’être en mutation perpétuelle et d’aller toujours plus vite, en dépit d’un cadre durable. Un mouvement d’accélération presque devenu insensé et paralysant. Le fameux “c’était mieux avant”. La désillusion du progrès entraînant massivement une utopie écologique, dont le dessein serait de “faire moins, mais mieux”.

Parallèlement, l’utopie du mouvement transhumaniste fait émerger des rêves effrayants, aux ambitions radicales. Imaginez la transformation de la nature humaine grâce aux avancées scientifiques et technologiques. Vaincre le vieillissement et les maladies, optimiser nos fonctions cognitives, accroître notre intelligence artificielle… De telles suppositions nous ramènent bien vite à l’amour de notre nature première et imparfaite : empathie, peur, compassion, doute, folie… Notre rêve de perfection ne tient finalement qu’à l’entière acceptation de notre condition et notre détermination à évoluer positivement.

Il faut allier le pessimisme de lintelligence à loptimisme de la volonté

Antonio Gramsci

Partons donc de l’idée que nos rêves peuvent se réaliser à partir du moment où lon ose y croire. En allant au-delà du possible ou du réel, s’offre à nous une infinité de choix. La crise pourrait être perçue comme une opportunité pour changer de modèle, ou pour changer nos habitudes, et peut-être se concentrer plus intensément à l’essentiel… Quel essentiel ? Sans doute celui de vivre notre vie telle que nous nous la sommes imaginée, enfin !

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Par  Marine Robert ,

Parisienne, libre et spontanée, elle a décidé de prendre la vie comme une aventure en provoquant l’inattendu. Férue d’art vivant et de débats culturels, son parcours lui apporte l’émotion et l’intensité qu’elle recherche. Au service de la diversité, elle aime croiser les regards, explorer les alternatives, et partager son optimisme.

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