Emblème de la Martinique, cette embarcation traditionnelle n’a cessé d’évoluer depuis le 17ème siècle. A la croisée des cultures, elle est tour à tour, un transport, un outil de travail et un bateau de course. Une candidature massivement soutenue en vue de préserver le patrimoine culturel de la Martinique. De le transmettre aux générations à venir.

Une ambition patrimoniale

« Depuis 30 ans, la yole a pris une place importante car de support sportif, elle est devenue un pan du patrimoine. On la considère même comme un emblème de la Martinique » nous rappelle la Fédération des Yoles Rondes. Edouard Tinaugus, défenseur du patrimoine Antillais a eu un rôle majeur dans l’inscription de la yole à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel en France en 2017. Il souhaite aujourd’hui aller plus loin en l’inscrivant au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Un projet qu’il soutient depuis 10 ans :

« La reconnaissance de la yole martiniquaise par l’UNESCO a pour moi un intérêt crucial. Notamment d’un point de vue de la conservation et de la transmission de ce patrimoine culturel exceptionnel aux générations à venir. J’ai eu la chance de voyager dans quelques pays du monde et j’ai pu découvrir des patrimoines culturels remarquables. Je me suis alors rendu compte que le patrimoine de la yole de Martinique est tout autant précieux pour l’humanité. Plus qu’une simple accréditation, c’est une reconnaissance du savoir-faire des martiniquais ».

Edouard Tinaugus

L’autre motivation de cette inscription au patrimoine de l’UNESCO est de faire reconnaître la pratique de cette discipline dans le monde entier.

Déjà, en 1994, la yole est sélectionnée pour participer aux jeux mondiaux de sports traditionnels.

Emmanuel Macron a annoncé en février, la candidature de la yole pour une inscription au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Le Ministre de la Culture remet la candidature le 25 mars 2019 à l’ambassadeur de France. Durant plusieurs mois, l’Organe international d’évaluation attaché à la Convention de l’UNESCO instruira le dossier. La reconnaissance potentielle de cette pratique culturelle immatérielle serait alors pour la fin de l’année 2020.

Une candidature massivement soutenue

Écusson de la ville de Sainte Luce

Plusieurs écussons de villes de Martinique (Sainte Luce, Le Robert) représentent une yole. La yole est véritablement un emblème national car c’est toute l’île qui entretient sa légende. Un réseau important de signataires, dont des acteurs piliers dans la pratique de la yole, se sont mobilisés pour soutenir le projet : c’est le cas de plusieurs politiques comme le Député Nilor, le ministre de la Culture et quelques associations comme le comité des pêches de Martinique. Des sportifs de renom : Félix Mérine, Joseph Mas, George-Henri Lagier et Loïck Peyron ont aussi apporté leur soutien sans oublier les habitants de la Martinique qui ont voté une pétition en faveur de l’inscription de la yole au patrimoine de l’UNESCO. 

Des associations de yole se mobilisent comme la Fédération des Yoles Rondes. Cette association regroupe les acteurs du monde de la yole et œuvre pour le maintien de plusieurs compétitions dans le monde. Elle s’implique notamment dans la mise en place du Tour de Martinique. Pour renforcer son impact, la Fédération coopère avec les collectivités : les communautés d’agglomération, le Comité Martiniquais du Tourisme, le Ministère du Tourisme et d’autres acteurs locaux. La Fédération encourage aussi l’innovation : « Nous avons une commission dédiée aux innovations. Tous les 2 à 5 ans, des innovations sont proposés puis, après concertation, le comité tranche. »

Yoles plates, rondes et en plastique/composite

A la découverte des différentes yoles traditionnelles de Martinique :

YOLE PLATE

Utilisée dans les eaux peu profondes, la yole plate est une petite barque pointue à l’avant et à l’arrière. Désormais, les marins pécheurs la délaisse totalement au point qu’on ne la fabrique presque plus.

YOLE RONDE

Cette yole en bois massif est effilée, légère, rapide et résistante. Elle est sans quilles ni gouvernail.

YOLE EN PLASTIQUE

C’est la descendante de la yole ronde et de la yole plate. Cette flottille de pêche est construite sous licence Yamaha dédiées principalement à la pèche locale.

YOLE EN TÔLE

Inventée dans les années 80, ce sont des mini-embarcations en tôles encore en voie de perfectionnement.

L’histoire mouvementée de la yole

La yole ronde est actuellement la yole la plus utilisée et incontestablement une création martiniquaise. Fernand Bellemare, charpentier de marine à la retraite, aurait crée cette yole ronde en 1930.  Un jour, il se rend compte qu’après une erreur de traçage, une malencontreuse bosse s’est formée près des bordés. Quelle surprise de voir que cette bosse rend l’embarcation plus performante. Il décide alors de l’optimiser davantage en retapant l’avant et l’arrière de sa yole : il construit l’embarcation en bois de poirier et s’inspire de la forme du gommier et de la yole européenne. Cette yole file dans l’eau grâce à son architecture étroite et légère. Elle se meut avec des rameurs. Plus pratique, elle devient l’embarcation la plus utilisée par les marins pécheurs à la place du gommier. Elle est aussi la yole de prédilection des sportifs lors des célèbres compétitions.

A la croisée des cultures, elle s’inspire des célèbres pirogues et gommiers des Indiens des Caraïbes mais aussi de la yole européenne : « jol » qui signifie canot en norvégien. Au 17ème siècle, elle sert d’embarcation annexe des navires européens lors de leur arrivée en Martinique.

Paradoxalement, la yole est donc à la fois un vestige des colons et un support qui va favoriser une forme d’émancipation progressive de ces esclaves de Martinique

Ils sont d’ailleurs souvent engagés comme charpentiers de yole. Le gouverneur de la Martinique aurait permis, au 19ème siècle, à deux métisses de faire l’acquisition d’une de ces embarcations. Le nombre d’esclaves propriétaires ne fera qu’augmenter, par la suite. Dès la fin du 19ème siècle et au 20ème siècle, la structure de la yole va se modifier un peu plus, au gré de l’arrivée de nouvelles cultures comme les chinois et les indiens.

La yole de Martinique fait partie d’une grande famille de yoles dispersée dans le monde : la yole de Ness, bateau traditionnel des iles Shetland et la yole de OK, inventée dans les années 50, par Axel Dangard Olsen de Seattle et le Danois Knud Olsen ou encore non loin de la Martinique, la Saintoise, un bateau traditionnel originaire des Saintes.

Un engouement national pour les concours de yole

La Martinique organise des compétitions de yoles dès 1930. Auparavant, les marins pêcheurs s’affrontaient aussi amicalement lors de compétitions de yoles rondes traditionnelles. Durant ces rencontres, les compétiteurs utilisent des yoles de course composées d’une ou deux voiles de grandes tailles pour optimiser leur vitesse. Sans quilles, pour les stabiliser, la maîtrise de ces yoles réside dans la bonne coordination de l’équipage qui s’appuie sur des bois dressés. Dans ces compétitions, l’équipage est sur le qui vive : le patron, les aides patrons, le manœuvrier d’écoute, les bwas dressés, les écopeurs, etc. Cette diversité de rôles est indispensable pour une bonne émulation de l’équipage.

Le Tour de la Martinique des yoles rondes

Le plus grand événement nautique de toute la Caraïbe a lieu tous les étés depuis 1985 (en fin juillet)! Une vingtaine de yoles rondes s’affrontent alors pour remporter le maillot rouge. L’année précédente, pour sa 36ème édition, l’événement a rassemblé plus de 30 000 personnes.  La Fédération de la yole ronde soutient ce Tour depuis de nombreuses années. « phare de notre discipline, il a été organisé en partie pour offrir à nos jeunes qui partaient faire leurs études dans l’hexagone, un espace temps à leur retour pour s’immerger dans leur culture et aussi se tourner davantage vers la mer ». Divisé en 7 étapes géographiques, il est relayé par plusieurs chaines publiques et locales, notamment France O et Martinique 1ère. Et en 2018, au cours d’une étude exclusive sur les retombées économiques du Tour de Martinique, la Fédération annonce que le Tour aurait généré plus de 10 millions d’euros.

Les fêtes patronales

Des courses entre yoles et gommiers ponctuent les fêtes patronales et populaires organisées par les communes de Martinique.

Le Bébé yole

Dans les années 70, naissent les premières courses avec de très jeunes compétiteurs qui ont recours à des mini-yoles. Les débutants suivent les enseignements précieux de maitres yoleurs. 

Le Défi Yoles ou les barrés de la Yole

Récemment, la Fédération des yoles rondes a organisé cet événement avec une association partenaire : 11 grands skippers internationaux se sont  affrontés comme Yvan Bourgnon et Roland Jourdain dans la ville de Diamant en février.

UNE PRATIQUE SPORTIVE FÉMININE EN PLEIN ESSOR

Au départ, la pratique de la voile était strictement réservée aux hommes, selon les directives de la loi Colbert. Désormais, les femmes sont autorisées à pratiquer la voile. C’est exactement le même constat pour la pratique de la yole de course, longtemps exercée majoritairement par les hommes. Tania Marcellus Jean-Alexis, responsable des relations Presse de la Fédération des yoles rondes nous annonce qu’elle aussi dispute des courses de yole : « Il y a 25 ans avec des copines nous avons crée, Femmes à la barre, la 1ère association de compétition pour pratiquer la BB Yole ». Comme elle, de plus en plus de femmes deviennent des valeurs sures dans la discipline. Et peu de temps après, Tania crée également la 1ère association de compétiteurs mixtes à faire le Tour de Martinique : « Sur 21 grandes Yoles, nous avons pu nous classer à la 7ème place ».

La Yole n’est pas seulement un emblème de l’île, c’est aussi une embarcation multiple qu’on retrouve dans le monde sous différentes formes. La rencontre des cultures est encouragée par le nouveau président de la fédération qui organise des déplacements pour populariser la yole, aussi bien dans les Caraïbes, qu’en Norvège ou à Arcachon. La yole tire son épingle du jeu pour avoir su perdurer et évoluer bien au delà de la pratique sportive : en ce moment, un concours de textes sur la yole martiniquaise et prochainement des expositions mettent à l’honneur la yole. Tout cela montre que l’histoire de la yole peut être racontée de bien des façons. 

Ou pratiquer la yole ?

-des initiations de yole aux cotés de Georges Henry, célèbre yoleur  mises en place pour les visiteurs de l’île

  
Alizés Yoles propose des excursions et des initiations en yole ronde dans la baie du Marin


des formations organisées au sein des associations de yoles rondes.


Quelle association joindre ?

La Fédération des yoles rondes 
Tania Marcellus Jean-Alexis
Communication – RP
06 96 45 57 80

A LA POINTE DE LA VIERGE

97200 Fort-de-France

Quoi lire ?

La yole de Martinique d’Edouard Tinaugus, 2018, Editions Tinarosa


L’histoire croisée des yoles de
Quion Quion André, 2012, Editions Orphies

Un jeu sous forme d’appli

Par Audrey Poussines,

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Journaliste web et print passionnée par les faits de société, la culture, l'environnement, le sport et bien d'autres rubriques. En matière de sport, je suis très intéressée par les sports extrêmes. Je suis aussi une fan d'art urbain et d'art moderne, de gastronomie du terroir et exotique, captivée par tout moyen d'expression : danse, littérature, musique...

3 Commentaires

  1. Merci pour votre article intéressant et joliment illustré. J’ai pu (re)découvrir la Yole, son histoire et les dernières actualités. J’aime le côté physique et stratégique mis en oeuvre pour maîtriser la Yole en plein alizé. Sympa l’idée d’un jeu sous forme d’application sur la Yole. Je vais m’empresser de l’installer sur mon smartphone.
    Suivant l’exemple des voisins martiniquais où le circuit des yoles était très suivi, les guadeloupéens ont relancé un championnat de canot (canots Saintois) dans les années 90.
    Peut-être l’objet d’un de vos prochains articles.

  2. Article superbe qui me rappelle des souvenirs. Que de monde passionné par ce sport.

  3. Bravo pour vos recherches! La Yole fait partie de la culture Martiniquaise ! J’espère qu’elle sera bientôt reconnu comme patrimoine mondial !

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