Cap au Nord pour commémorer l’accord conclu à Arras, en 1579, entre 10 provinces néerlandaises francophones et la couronne espagnole.

Depuis 1568, les 17 provinces qui composent les Pays-Bas sont en guerre contre leur souverain légitime, Philippe II, roi d’Espagne. Or, le 6 janvier 1579, les provinces du sud se rallient à l’Espagne, au détriment de leurs voisines du nord. C’est la signature de l’Union d’Arras.

C’est peut-être un détail pour vous mais cet accord marque pourtant une étape importante dans l’histoire de l’indépendance néerlandaise. Il porte également en germe les fondations territoriales de la future Belgique. Retour sur le contexte et les implications politiques et géographiques de cette Union d’Arras.

Carte de la répartition géographique des 17 provinces des Pays Bas espagnols lors de l'union d'Arras
Carte de la répartition géographique des 17 provinces des Pays Bas espagnols lors de l’union d’Arras

Les Pays-Bas au XVIe siècle

Pays-Bas, Provinces-Unies, possessions néerlandaises espagnoles …difficile d’y voir clair parmi toutes ces dénominations et ces frontières mouvantes ! Vers 1500, le territoire qui porte le nom de Pays-Bas, ne correspond pas encore au pays que nous connaissons aujourd’hui. C’est un ensemble de 17 provinces qui comprend le Nord de la France, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas actuels. Cet ensemble hétéroclite de peuples, langues et religions s’est constitué au hasard des successions et des mariages.

Depuis 1549, ces 17 provinces forment un tout indivisible, séparé de l’Empire de Charles Quint. À l’abdication de ce dernier, c’est son fils Philippe, roi d’Espagne, qui hérite de ces territoires. Ceux-ci prennent alors le nom de Pays-Bas espagnols. Afin d’assurer son autorité, Philippe II nomme un gouverneur général à la tête de ses possessions hollandaises. Mais en 1565, des tensions politiques et religieuses éclatent entre les élites néerlandaises et leur souverain.

Portrait de Philippe II, roi d'Espagne
Portrait de Philippe II, roi d’Espagne

Le soulèvement contre Philippe II

Les origines du conflit

Lorsque Philipe II prend possession des Pays-Bas, il n’en connaît ni les langues, ni les coutumes. Alors que les guerres de religions font rage en Europe, il se présente comme un champion de la foi catholique. Convaincu de l’absolutisme royal, il cherche à faire reculer l’influence des nobles, en Espagne comme dans ses possessions néerlandaises.

Depuis 1569, c’est Marguerite de Parme, demi-sœur de Philippe et gouverneur général des Pays-Bas, qui fait appliquer les ordonnances royales. Elle est assistée par la Consulta, groupe de bourgeois catholiques, menés par le cardinal de Malines, Antoine Perrenot de Granvelles. En 1565, le cardinal de Granvelles ordonne à la Consulta de réprimer les manifestations protestantes dans les provinces du Nord. Les élites néerlandaises, favorables au calvinisme, craignant d’être dépouillées de tout pouvoir politique, décident alors de passer à l’action.

La révolte des Gueux (1566-1568)

Portrait de Guillaume d'Orange
Portrait de Guillaume d’Orange

Un groupe de nobles hollandais se réunit autour de Guillaume d’Orange, et des comtes d’Egmont et de Hornes. En 1565, ils réussissent à obtenir le renvoi du cardinal de Granvelles. L’année suivante, ils rédigent une pétition contre les ordonnances fiscales et religieuses de Philippe II : c’est le Compromis des Nobles. Ils se rendent en délégation auprès du gouverneur général, Marguerite de Parme.

Selon la légende, son conseiller, à l’entrée de la délégation, rassure sa maîtresse en disant : « N’ayez crainte Madame, ce ne sont que des gueux ! ». Cette insulte fait florès parmi les contestataires et bien qu’ils soient tous nobles, ils adoptent fièrement le nom de « gueux ». Face à l’intransigeance de Philippe II, qui refuse d’accéder aux demandes des élites néerlandaises, les Pays-Bas se rebellent. La révolte des Gueux embrase les 17 provinces, secouées par des mouvements populaires iconoclastes et des rébellions armées. 

La répression du duc d’Albe ou le feu mal éteint (1568-1572)

Portrait du Duc d'Albe
Portrait du Duc d’Albe

La révolte est finalement matée par le duc d’Albe, nouveau gouverneur général, nommé en urgence par Philippe II en 1567. À la tête d’une armée de 10 000 hommes, le duc restaure, par la force, l’ordre dans les provinces néerlandaises. Il instaure également le Conseil des Troubles, un tribunal d’exception, chargé de sanctionner durement les meneurs de la révolte. Les comtes d’Egmont et de Hornes, malgré leurs privilèges nobiliaires sont exécutés sur la grand’ place de Bruxelles en juillet 1568.

Guillaume d’Orange réussit à échapper à la justice du duc d’Albe. Mais le feu de la rébellion contre Philippe II est loin d’être éteint par cette répression. Les braises s’enflamment de nouveau en 1572 avec la prise de la ville de Brielle par les Gueux. Attisé par Guillaume d’Orange installé à Delft, le brasier de l’insurrection s’installe solidement dans les provinces du Nord des Pays-Bas.

La scission des 17 provinces

Emblème de la révolte des Gueux
Emblème de la révolte des Gueux

La Pacification de Gand : l’espoir d’une trêve (1576)

Dans la tourmente de la guerre contre la couronne espagnole, les Pays-Bas se fracturent de plus en plus. Les tensions se multiplient entre les provinces du Nord, néerlandophones et protestantes et celles du Sud, francophones et catholiques. Ces tensions religieuses sont exacerbées par la présence des troupes espagnoles, qui n’ont pas quitté le territoire néerlandais depuis 1568. Les soldats, dans l’attente de leur solde, se livrent quotidiennement à toute sortes de rapines parmi la population.

En novembre 1576, la ville d’Anvers est le théâtre du massacre de milliers de civils par les troupes espagnoles mutinées. Ce drame est à l’origine de la signature de la Pacification de Gand. Par ce traité, les représentants des 17 provinces exigent le retrait des troupes et s’engagent à respecter la liberté religieuse. Une trêve s’installe entre le Nord et le Sud des Pays-Bas.

L’Union d’Arras et l’Union d’Utrecht : la désunion définitive (1579)

Dans l’espoir de restaurer son autorité sur une partie des 17 provinces, Philippe II applique le célèbre principe : « diviser pour mieux régner ». Il joue sur les querelles religieuses qui opposent les provinces des Pays-Bas grâce à son nouveau gouverneur général, Alexandre Farnèse. Le fils de Marguerite de Parme restitue les anciens privilèges des nobles francophones et intensifie leur crainte face aux violences anticatholiques.

Le 6 janvier 1579, les 10 provinces du Sud ainsi que la ville de Douai signent l’Union d’Arras. Elles y dénoncent le non-respect des termes de la Pacification de Gand et se rallient à l’Espagne. C’est une victoire pour Philippe II. La réponse ne tarde pas. Le 23 janvier 1579 est signée l’Union d’Utrecht. Les 7 provinces du Nord et la ville de Tournai maintiennent leur position face à l’Espagne et désavoue les 10 autres provinces. La rupture est consommée.

Les Pays-Bas et la Belgique en germe

Le conseil des Troubles présidé par le Duc d'Albe
Le conseil des Troubles présidé par le Duc d’Albe

Les provinces du Sud gardent le nom de Pays-Bas espagnols tandis que les provinces du Nord deviennent les Provinces Unies. En 1581, elles déposent symboliquement Philippe II, en proclamant la république. Ce n’est que 67 ans plus tard, en 1648, que l’Espagne reconnaîtra enfin leur indépendance. Les Provinces-unies ont aujourd’hui pris le nom de Pays-Bas. Les unions d’Arras et d’Utrecht marquent une étape importante dans l’histoire de l’indépendance néerlandaise. Cet évènement historique porte également le nom de Guerre de Quatre-Vingts Ans. Soit le temps écoulé depuis le début de la révolte des Gueux à la reconnaissance de l’indépendance des Provinces-Unies par l’Espagne. L’Union d’Arras pose également les fondations géographiques de la Belgique actuelle. Même si celle-ci ne deviendra un véritable pays que bien des siècles plus tard. Avec les Unions d’Arras et d’Utrecht, se trouvent donc en germe les fondations de deux pays européens.

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Par  Béatrice de Place ,

Guide-conférencière motivée et dynamique, j’ai à cœur de partager ma passion pour l’Histoire, l’art et le patrimoine au travers d’articles, de visites guidées et de conférences. Evadez-vous au rythme de mes mots aux quatre coins du monde et que puisse vous prendre l’envie de chausser vos chaussures et de partir vous-même à la découverte des richesses de votre histoire et de vos régions !

2 Commentaires

  1. Mes félicitations j’aime une belle histoire bien raconté.prochainement un coup d’œil sur l’histoire d’Haïti.et de sa séparation avec la France de Napoléon ! Merci.

  2. Le traité d’Arras n’est il pas de janvier 1577 ???
    (Et celuis d’Utrecht de 1579 …)
    Jacques Grebert bourgeois d’Arras châtelain et seigneur de Blécourt en était un de nombreux signataires ainsi que son gendre François de Lapierre baron de Bousies….

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