Elle a été la première à monter sur les planches en Angleterre. Et de ce fait a changé la face du théâtre à jamais. Margaret Hughes, femme énigmatique faite de contrastes est pour toujours liée à l’histoire théâtrale contemporaine.

Le 8 décembre 1660, Margaret Hughes, monte sur la scène du Vere Street Theatre. Elle doit y incarner le prestigieux personnage de Desdémone dans la pièce Othello de Shakespeare. Elle devient alors la première actrice professionnelle à performer en public en Angleterre. Mettant fin à la vieille tradition qui voulait que les rôles féminins soient joués par des garçons dans les pièces de théâtre.

En effet, bien qu’autorisé en France ou en Italie, une ordonnance puritaine interdisait la représentation de femmes comédiennes. Et ce depuis 1647 en Angleterre. Il faut attendre 1662 et la publication d’un décret royal de Charles II pour que les rôles féminins soient enfin interprétés par de vraies femmes. C’est à la fois une grande opportunité, mais aussi un défi pour ces femmes. Elles qui doivent maintenant faire leur place dans une société critique et sexiste.

La création du statut de comédienne

Charles II devient roi d’Angleterre pendant la période de la Restauration. Il montre rapidement un grand intérêt pour le théâtre. Sous son règne, les représentations, notamment comiques, renaissent après la censure imposée par les puritains du règne de Cromwell. Entre 1660 et 1710 près de 200 auteurs dramatiques offriront de nouvelles pièces, souvent sur commande du roi. Les théâtres privés disparaissent au profit des théâtres publics patronnés par le souverain.

Mais la plus grande nouveauté est la création du statut d’actrice professionnelle en 1662. Auparavant, les rôles féminins étaient joués par des hommes travestis. On raconte que l’une des représentations données pour le roi s’est brusquement arrêtée car l’acteur du rôle féminin n’avait pas encore finit de se raser. De plus en plus considérée comme immorale par la société, le roi décide finalement de mettre fin à cette pratique. Ainsi, occasionnant un grand changement, la première interprétation d’un rôle féminin par Margaret Hughes dû être préalablement annoncée au public, en précisant qu’elle n’était pas une prostituée.

Être femme comédienne au XVIIème siècle

Margaret Hughes, peinture 
Margaret Hughes, peinture 

La première apparition de Margaret Hughes, suivi de sa carrière dans la troupe originale du Théâtre Royal de Drury Lane, ouvre la voie à l’inclusion des femmes dans le monde du théâtre anglais. Elles étaient déjà présentes en tant que maquilleuses ou couturières. Elles auraient désormais la possibilité de passer devant le rideau. Et d’y connaître la notoriété reliée à leurs talents et compétences.

Mais la visibilité offerte par ce nouveau statut entraîne également un regain de misogynie. Gare aux femmes osant défier le règne masculin sur scène. Les actrices doivent se soumettre à la féminité vue par les dramaturges masculins. Pour obtenir et conserver le succès, il ne s’agit pas uniquement d’avoir un beau jeu théâtral mais également de séduire le public, et notamment les hommes à travers leur corps et leur sexualité. Ainsi, les femmes étaient perçues comme des objets de curiosité, s’enfermant dans des exigences de beauté et de séduction.

Margaret Hughes, « une grande beauté »

Margaret Hughes, peinture par Sir Peter Lely, 1672
Margaret Hughes, peinture par Sir Peter Lely, 1672

Mais Margaret Hughes non plus n’a pas échappé aux carcans imposés aux femmes actrices de son époque. La postérité n’a pas particulièrement retenu son talent, mais plutôt ses charmes d’actrice. On parle d’une « grande beauté, avec des cheveux bouclés noirs, une belle silhouette et des jambes particulièrement bonnes » ou d’une « jolie femme puissante ».

On retient aussi qu’elle fut la maîtresse de nombreux hommes puissants et riches, comme Charles Sedley, grand dramaturge et le Roi Charles II lui-même, bien que brièvement. Elle fut aussi l’amante officielle du Prince Rupert of the Rhine pendant de nombreuses années, sans toutefois l’épouser. Dans les nombreuses biographies à son égard, on mentionne davantage son physique et sa sexualité plutôt que ses compétences au service de la dramaturgie.

Ainsi, l’apparition d’une première femme dans une représentation théâtrale anglaise a permis de changer de paradigme sur la place des femmes dans les arts dramatiques. Il n’en reste pas moins qu’elles étaient toujours soumises aux injonctions de la société et particulièrement des dramaturges masculins. Aujourd’hui, si les arts dramatiques sont ouverts et accessibles à toutes les femmes en Europe, elles y sont encore trop souvent contraintes d’exister à travers leur physique, ce qui les enferme dans un état de subordination permanente.

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Par  Alisson Argoud ,

Après des études en littérature, j’ai obtenu un master en urbanisme spécialisé dans la co-construction des espaces urbains avec les habitants. En parallèle j’ai développé des compétences dans divers domaines comme le graphisme, la rédaction, ou la communication en travaillant bénévolement dans diverses associations. Créative et ordonnée, je manie la plume et les mots avec plaisir.

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