Impression 3D, à la demande, en couleur ou en noir et blanc… Ces techniques modernes nous font presque oublier comment l’Homme a imprimé les premiers livres. La presse de Gutenberg a révolutionné l’impression, mais qu’avions-nous avant cela ? Les parchemins et les tablettes d’argile n’étaient pas les seuls moyens utilisés, il y a avait aussi, la xylographie. Mais quelle est donc cette technique ? Petit tour d’horizon, d’un procédé pas si oublié que ça.

Définition

La xylographie est un procédé d’impression multiple d’une image, d’un texte, sur un support souple, papier ou tissu. Cette technique utilise la gravure sur bois (aussi appelée xylogravure) comme empreinte. La gravure sur bois s’agit probablement de la plus ancienne technique d’impression. La xylographie bénéficie d’une précision absolue.

La petite histoire de la xylographie

C’est en Asie que la xylographie a fait sa première apparition. Dès le VIIe siècle, la technique était très courante en Chine. Elle s’est ensuite développée en Corée et au Japon. Il faudra attendre le XIVe siècle pour voir la xylographie arriver en Europe, notamment dans le nord, qui serait le berceau de ce procédé.

La technique de la xylographie était réputée pour sa qualité et sa fiabilité. Les bois gravés utilisés pour recopier l’image ou le texte, empêchaient toutes modifications par la suite. Une fois la gravure terminée, la plaque de bois était enduite d’encre, puis posée sur une feuille de papier avant d’être pressée manuellement avec un frotton. Enfin la feuille était mise à sécher sur une corde à linge.

Les origines

Matériel xylographique chinois, matrices en poirier, brosse à encrer et frotton pour impression © DR – Popolon
Matériel xylographique chinois, matrices en poirier, brosse à encrer et frotton pour impression © DR – Popolon

En Asie, la technique était très répandue pour les dessins et les prières, des textes plutôt courts.

En France, la xylographie a d’abord été pratiquée clandestinement. À l’époque, les scribes et enlumineurs faisaient payer leurs travaux très chers. Cette technique aurait porté préjudice à leurs activités. Comme au début de l’imprimerie de Gutenberg, la xylographie s’est cantonnée à la contrefaçon du livre manuscrit, imité à peu de frais et revendu à grands bénéfices.

Les grands monastères, comme Cluny, Cîteaux, Clairvaux, disposaient de plus d’indépendance à l’égard des corporations. Ils pratiquaient la xylographie plus librement, pour la fabrication des images de piété, destinées à être conservées comme souvenirs ou à être collées aux murs des maisons, à l’intérieur des armoires et des coffres, ainsi que pour la publication de livres destinés aux fidèles et aux pèlerins.

On dit qu’une image vaut plus que mille mots. Et bien c’était déjà le cas au XVe siècle en France. Dans l’imagerie populaire, la xylographie ayant recourt à plus d’images que de texte, le contenu était adapté « aux petites gens » qui ne savaient pas lire. C’est ainsi que l’on a pu voir naître la « Bible des pauvres ».

Biblia pauperum, la Bible des pauvres, © DR, auteur inconnu, période 1470
Biblia pauperum, la Bible des pauvres, © DR, auteur inconnu, période 1470

Cependant, au XVe siècle, le constat va être sans appel pour la xylographie

Les impressions successives détériorent le bois et l’arrivée de l’imprimerie à caractères mobiles va concurrencer et éliminer cette technique d’impression ancestrale. Mais pas partout… La xylographie reste une impression de haute qualité pour la production d’images (illustrations de livres, images vendues par des colporteurs, …) et pour réaliser des cartes à jouer.

L’ancêtre de plusieurs techniques d’impression

Si la xylographie est assez méconnue de nos jours, elle est pourtant à l’origine de techniques modernes.

À l’époque, les bois gravés servaient aussi à imprimer des textes bons marchés, comme les livres de grammaire pour les étudiants. Pour se faire, le tailleur gravait tout le texte dans le bois, un travail très fastidieux qui laissait des irrégularités dans l’impression des caractères. Ce (dur) labeur en réalité l’ancêtre de ce que l’on a appelé les « incunables xylographiques » en Europe, après l’invention de la presse de Gutenberg.

Vous imaginez bien que graver une page entière de caractères doit être une vraie gageure ! Alors pour simplifier leur travail, des graveurs ont travaillé à la ligne. Le texte était gravé en plusieurs blocs d’une ou plusieurs lignes. Cette nouvelle technique permettait d’avoir plus de souplesse et d’apporter des modifications au texte en retirant et remplaçant le ou les blocs à modifier. Ce procédé 2.0 de la xylographie a donné naissance à ce que l’on connaît aujourd’hui comme la typographie.

Finalement, la xylographie est aussi l’ancêtre de l’impression par rotogravure moderne, les matériaux en plus.

Graveur sur bois (XVIe siècle) © DR, Jost Amman, 1568
Graveur sur bois (XVIe siècle) © DR, Jost Amman, 1568

Les premiers textes imprimés

Toutes les productions réalisées par xylographie n’ont pas été découvertes, excepté quelques-unes en Asie ou en Europe.

Le plus vieux livre imprimé au monde a été découvert en 1907 par Aurel Stein, dans les grottes de Mogao près Dunhuang dans la province du Gansu en Chine. Il s’agit d’un exemplaire du Dharani sutra (« Sūtra du diamant »), un des textes fondateurs du bouddhisme. Ce rouleau imprimé et illustré par xylographie date de 868. Ce texte est aujourd’hui conservé à la British Library de Londres où l’on peut encore le lire sans défaut. Lors de ces recherches, Aurel Stein a aussi mis la main sur d’autres textes imprimés par procédé xylographique datés de 877 et 882 pour deux fragments de calendrier. Et de 947 et 949 pour deux images de dévotions reproduites en plusieurs exemplaires.

Sūtra du diamant © DR British Library, Londres
Sūtra du diamant © DR British Library, Londres

En Corée, un écrit datant de 704 – 751 a été découvert en 1966 au temple de Bulguksa à Kyongju (Corée du Sud actuelle).

Là aussi, il s’agissait du Dharani sutra. Au Japon, une autre version du Dharani sutra, imprimé en chinois avec d’autres prières et scellé dans de petits stûpa en bois par l’impératrice  Kōken Shōtoku, appelé aussi Hyakumantō Darani ont été retrouvés.

En Europe, le plus ancien exemple de bois gravé pour la xylographie serait le bois Protat. Il daterait du XVe siècle. Il est conservé à la Bibliothèque nationale de France. Certaines estampes xylographiques ont aussi été conservées à la Bibliothèque royale de Bruxelles pour la Vierge avec quatre saints (1418) et à la John Rylands Library de Manchester pour le Saint Christophe de Buxheim (1423). Ces estampes proviennent toutes du nord de l’Europe.

Et aujourd’hui alors ?

Si la modernité, la technologie, les réseaux de distribution ont modifié les procédés d’impression, la xylographie n’a pas totalement disparu. Ancêtre de nombreux procédés d’impression ou de création, elle a par exemple fait naître la linogravure.

Certains artistes recourent à ce procédé pour créer leurs œuvres, d’autres proposent des ateliers pour faire découvrir cette technique ancestrale. Même si aujourd’hui, nous n’imprimons plus nos journaux par xylographie, cette technique continue d’influencer les artistes, graphistes, imprimeurs, même sans le savoir !

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Article concocté par Clara Lefevre-Manond,

Née à Lille, passée par les Deux-Sèvres, Clara est revenue dans la capitale des Flandres pour ses études. Danseuse classique, elle a aussi fait du tennis. Sportive, elle ne laisse pas un challenge lui saper le moral. Souriante et généreuse, voilà comment la qualifier. Mais attention, sous ses yeux bleus, se cache un sacré caractère : qui s’y frotte s’y pique !

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