Chagall et l’art onirique

Marc Chagall naît en 1887 à Vitebsk en Biélorussie. Il grandit dans un milieu modeste au sein de la communauté juive. La musique, le folklore et les traditions de ses origines marqueront profondément son œuvre.

Après avoir étudié la peinture à Saint-Pétersbourg, Chagall arrive à Paris, capitale des arts, à 23 ans. Il devient ami avec les écrivains et poètes de l’avant-garde, comme Cendrars ou Apollinaire. Sous leurs plumes, il trouve cette atmosphère irréelle et rêveuse qu’il souhaite retranscrire avec ses pinceaux. Cette double influence culturelle sera une source d’inspiration majeure tout au long de sa carrière. Nous vous invitons à entrer dans l’univers onirique et poétique de ce génie singulier.

Un style et une sensibilité unique

Mon nom est Marc, ma vie émotionnelle est sensible et ma bourse est vide, mais ils disent que j’ai du talent 

Marc Chagall

On parle d’«art onirique» lorsque le style d’une œuvre présente une atmosphère qui se rapproche ou s’inspire du rêve. C’est bien ainsi que les créations de Chagall se caractérisent. Au tournant d’une époque où le concept de réalité dans l’art soulève des questions, Chagall se pose en visionnaire. Marqué par le fauvisme et le cubisme, il développe un style à part, précurseur d’un mouvement : le surréalisme. On décèle chez le maître une tendresse, une bienveillance, une féérie parfois teintée de mélancolie. Chagall est le peintre des émotions.

Chagall, chantre des couleurs et de la lumière

Depuis ma naissance je regardais tout le temps le ciel, les nuages par la fenêtre. Et c’est peut-être pour cela que j’étais attiré par les vitraux parce que c’est de la fenêtre que la couleur est venue 

Marc Chagall

Marc Chagall est fasciné par une couleur en particulier, le bleu, et se l’approprie.

Mais je suis bleu, comme Rembrandt était brun 

Marc Chagall

Pourquoi le bleu ? Le bleu se prête merveilleusement aux atmosphères oniriques. Ce rêve bleu dans lequel l’artiste s’évade se retrouve dans bon nombre de ses tableaux : La maison bleue, Le violoniste bleu, Couple dans le paysage bleu, etc. Aussi, cette couleur magnifie les autres, les met en relief. Sur fond bleu, le rouge coquelicot ou le jaune soleil rayonnent d’autant plus. Chez Chagall, la couleur s’exprime par vagues. Sa palette est vibrante et éclatante.

Chagall, fabuleux conteur d’histoires

Enfant, je copiais les images d’un dictionnaire. Et puis je les combinais les unes avec les autres 

Marc Chagall

Très jeune, il est attiré par l’univers du spectacle et de la mise en scène. Son style très personnel s’affirme tôt dans sa carrière, quand on lui confie la réalisation des décors du théâtre juif de Moscou. Dans les années 20 à 30, le marchand d’art et éditeur Ambroise Vollard le sollicite pour illustrer Les fables de la Fontaine et la Bible. Plus tard, Chagall concevra des costumes et accessoires pour l’opéra, notamment pour La flûte enchantée au Metropolitan Opera House de New York. Il prête ainsi son pinceau et sa fantaisie à des histoires merveilleuses, porteuses de croyances ou de magie.

Un monde imaginaire et protéiforme

Il n’y a pas de meilleur endroit qu’en France pour parler de cela (…), parler des problèmes de l’art, de la liberté, de la poésie, des couleurs et des lignes, des zigzags et des courbes de ton propre esprit 

Marc Chagall

Polyvalent et multi talents, Chagall exerce son art sur différents supports : la toile, l’émail, le vitrail ou encore la céramique. La composition hétéroclite de ses fresques et tableaux interpelle toujours et déroute, parfois. Si certains éléments nous rattachent au monde visible, le surnaturel et le fantastique ne sont jamais loin. Animaux, fleurs, couples d’amoureux peuplent ses œuvres dans des mises en scènes échappant à tout réalisme. Les tailles, l’orientation, les proportions s’affranchissent de la logique et les thèmes se juxtaposent. L’artiste donne libre cours à son imagination débordante et nous convie au royaume du rêve.

Quelque part entre ciel et terre

L’oscillation permanente entre le visible et l’invisible, le mystique, le sacré, imprègne l’œuvre de Chagall de part en part. Sa vie durant, il restera fidèle à sa spiritualité. Le travail du vitrail associé aux édifices religieux et la recherche de la lumière prennent ainsi tout leur sens dans sa démarche artistique. Dans ses tableaux on croise, ici, un poisson volant ou là, une vache flottant dans les airs. Les personnages évoluent dans un univers où la pesanteur et la gravité n’existent pas. Il crée une aire de liberté qui défie les lois de la physique et livre l’observateur à son étonnement. Chagall, le déraciné, est tiraillé entre deux univers. Il voyage à travers l’espace et le temps.

Entrez dans la ronde !

Chagall crée des mondes circulaires qui nous entraînent dans une ronde pleine de gaieté. Le spectateur est happé dans un tourbillon, une fête permanente et virevoltante. Les thèmes du cirque et de la musique, chers à l’artiste, illustrent ceci parfaitement. Le cirque fait écho aux spectacles ambulants des Tziganes qui égayaient son enfance. Les distractions étaient rares. Un peu de magie, de rêve et de couleurs dissipaient la grisaille du quotidien. Dans Scène de cirque, le cercle des gradins attire le regard dans une spirale dynamique jusqu’au cœur de la piste.

Et que dire du plafond de l’Opéra Garnier à Paris, peint par Chagall à l’âge de 77 ans? À l’époque, la gigantesque toile posée sur la coupole a été autant saluée que décriée. Ce chef-d’œuvre monumental rend hommage à 14 compositeurs classiques. Instruments et personnages ailés se mêlent dans une joyeuse farandole colorée. C’est une véritable ode à la musique et à la vie.

« Si toute vie va inévitablement vers sa fin, nous devons durant la nôtre, la colorier avec nos couleurs d’amour et d’espoir.  » Marc Chagall

Chagall s’éteint en 1985 à Saint-Paul-de-Vence, nous léguant une œuvre considérable empreinte de joie, d’amour et d’humanisme. Un musée national lui est consacré à Nice.

Connaissiez vous cette dimension onirique chez Chagall ? Si, l’espace d’un instant, cet article vous a permis de rêver un peu, n’hésitez pas à le partager !

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Par  Marie-Laurence MECKLER ,