Elle fait partie de ces femmes street artiste française qui restent discrètes. Gsik, qui n’a ni canal de communication ni réseaux sociaux pour montrer son talent, prône l’art urbain « à l’ancienne » : celui qui se réalise dans la pénombre. Interview !

Comment as-tu commencé ta carrière en tant que street-artiste ?

Depuis petite, je suis passionnée par le dessin. Je passais beaucoup de temps dans ma chambre à dessiner.  Et  au fil des années, j’ai pris des cours de peinture. Pour la petite anecdote, j’ai pris des cours de peinture avec un monsieur plutôt âgé. Ce monsieur nous envoyait chercher des toiles, déjà peintes par d’autres élèves il y a plusieurs années, dans son atelier. Et là, il y avait des tubes de peintures à l’huile. J’ai vidé les tubes de peinture sur les murs dans un coin caché.  On peut dire que c’était ma première fois, j’étais déjà partisane de mettre de la peinture sur les murs (rires).

Peux-tu nous décrire ton style artistique et quelle technique utilises-tu pour exprimer ton message ? 

GsiK - La rockeuse apaisée
GsiK – La rockeuse apaisée

Pour ma technique, je combine la peinture classique avec les aérosols. J’aime beaucoup,ce qui est réaliste et figuratif donc j’utilise la peinture pour ça. Et mettre de la dynamique avec les aérosols pour donner du volume à mes œuvres.

On est plus dans le détail avec la peinture, les pinceaux et son application en elle-même. Les aérosols me servent pour l’ambiance en général, c’est plus abstrait. J’utilise aussi souvent des pochoirs. Avec cette technique, je peux faire des grandes pièces comme des petites. Le mélange des genres, je crois que c’est ça qui me plait vraiment.

Tu as un logo en guise de signature. Peux-tu nous l’expliquer ? 

Mon logo, c’est une fusion de symboles qui représentent ma personnalité et ma vision artistique. Avec le visage, c’est la dualité entre l’existence humaine et la mort qui fait partie intégrante de la vie. J’ai aussi mis les cornes du bélier parce que du coup… je suis bélier. Ça se ressent beaucoup dans ma personnalité. C’est aussi, la force et la détermination que je mets au quotidien dans tous ce que j’entreprends. J’aime bien surmonter les défis et repousser les limites. Ça me donne des ailes à chaque fois que je dois créer une œuvre.

Quels sont les messages, valeurs ou thèmes que tu cherche à transmettre à travers tes œuvres ?

GsiK - Prendre son envol
GsiK – Prendre son envol

Ce que je veux faire passer comme message, c’est la complexité de la nature humaine avec les aspects de notre personnalité. On ne doit pas lutter contre mais vivre avec. J’aime bien faire une confrontation entre les facettes les plus sombres de notre personnalité avec la capacité qu’on a à trouver une lumière intérieure quand il faut qu’on se surpasse. C’est vraiment d’opposer les 2 mondes qui font partie intégrante de chaque personne.

Ça me tient à cœur car en tant qu’artiste, on lutte beaucoup contre ça. C’est une lutte permanente et chacun devrait l’explorer un peu plus. On a tous ce côté animal qu’on refoule car on vit dans une société  où il faut qu’on soit carré. Là où un artiste généralement, il s’en fou d’être carré. Il laisse libre cours à sa personnalité. Celle qu’il a envie de laisser exploser. La dualité : c’est vraiment ça mon message principal.

Pourrais-tu nous expliquer comment tu sélectionne les lieux pour tes créations ?

Je ne sélectionne pas systématiquement les murs les plus en évidence. J’aime beaucoup les endroits insolites qui suscitent une réflexion chez le spectateur pour l’amener à se poser lui-même des questions sur l’endroit et sur l’œuvre qu’il va découvrir. 

En général, les emplacements sont des coups de cœur parce que j’ai besoin de ça pour créer une expérience. Une expérience entre le lieu, la création et ce que va ressentir le spectateur. Mes créations sont toujours en rapport avec le lieu dans lequel elle se trouve.

En quoi l’art urbain diffère-t-il, selon toi , des autres formes d’art ? Qu’est-ce qui le rend unique ?

Je trouve que l’art urbain, c’est percutant. Ça te prend tout de suite aux tripes. Je trouve que parfois, c’est plus déroutant que d’aller regarder une toile dans un musée.

Je pense que la vie qu’il y a autour de l’œuvre sert de toile de fond. Le contexte est beaucoup plus dynamique, le fait que ce soit à l’extérieur. Que ce soit des gens de passage ou les gens qui s’arrêtent, c’est à la portée de tout le monde. Du coup je trouve que cet art est authentique.

J’aime bien de temps en temps aller me poser à l’écart de l’œuvre et regarder la réaction qu’ont les gens. Entre ceux qui passent et qui ne font pas attention, ceux qui s’arrêtent et échangent sur l’œuvre. C’est assez rigolo des fois de regarder un peu la réaction des gens.

Quelles sont les réactions les plus mémorables que tu as reçues de la part du public par rapport à ton art de rue ?

Le moment le plus mémorable a été quand j’ai fait ma collaboration avec Dadilou pour le Festival Renaissance de la ville de Bar-le-Duc. On a créé une fresque plutôt institutionnelle par rapport à ce qu’on a l’habitude de faire. Pendant  qu’on faisait la fresque, il y a un groupe d’enfants qui est passé dans le parc. Ils se sont mis à applaudir spontanément, c’est inestimable. Parce qu’il ne faut pas oublier que les enfants sont un public exigeant. L’approbation sans réserve qu’il y a eu à ce moment-là, ça a été juste été génial. 

Ils ont été touchés par l’œuvre et pourtant c’était vraiment quelque chose qui ne parlait pas forcément  à cette cible la.  C’était un très bon moment, très agréable.

Quels sont les artistes qui t’inspirent le plus dans ton travail ?

GsiK - Rouge
GsiK – Rouge

Étant originaire du Val d’Oise, j’ai eu la chance de découvrir des lieux emblématiques comme Montmartre et Auvers-sur-Oise. J’ai donc commencé très tôt à avoir des coups de cœur pour l’impressionnisme. J’aime beaucoup Van Gogh et Monet. Je suis bluffée par les techniques et les tableaux qu’ils ont fait. J’ai étudié l’architecture lors de mes études et j’ai beaucoup aimé les œuvres de Philippe Starck qui sont novatrices. J’ai établi des projets de créations sur ces œuvres. 

Pour les artistes contemporains, j’aime énormément ce que Sabrina Beretta fait. On est aussi dans cette dualité du figuratif et de l’abstrait. Sweb aussi que j’aime beaucoup et Kalouf sont des sources d’inspiration qui sont importantes pour moi, pour mon cheminement artistique.

Pourrais-tu nous décrire le processus de création d’une œuvre, depuis l’idée initiale jusqu’à sa réalisation sur le mur ?

Généralement, je vais avoir un coup de cœur pour un lieu. Je me renseigne beaucoup sur le lieu, sur le patrimoine, sur la commune, … Je passe beaucoup de temps à la recherche et à la compréhension du contexte dans lequel je vais être. Ça va permettre d’alimenter mes idées et puis après je travaille sur les maquettes. Elles vont traduire ma vision initiale que j‘ai sur une réalité plus figurative et visuelle.

Je lutte beaucoup avec l’autosatisfaction, donc je retravaille souvent mes œuvres. Bon, des fois je me dis qu’il faut que j’arrête et qu’il faut que je me lance. Mais c’est aussi, ce qui me pousse à donner le meilleur de moi même.

Ensuite, je vais créer plusieurs pochoirs pour pouvoir faire la base de ma fresque. Je mets les pochoirs les uns à côté des autres, puis je mets la couleur. Généralement, c’est assez préparé mais il se peut que des fois quand je prends du recul sur mon œuvre je rajoute des éléments.

Comment choisir les couleurs, les motifs et les styles pour chaque création ? Y a-t-il des éléments qui reviennent souvent dans tes œuvres ?

Je pense qu’il y a forcément des choses qui reviennent, c’est ce qui fait aussi la marque de l’artiste. Les couleurs que je choisis vont dépendre de l’environnement dans lequel je suis. C’est-à-dire que si l’ambiance du lieu est plutôt chaude. Soit je vais décider de rester dans ses teintes plutôt chaudes pour que ça se mêle vraiment au lieu. Soit je vais aller directement à la confrontation et choisir directement l’opposé pour qu’il y ait cet impact dans l’œuvre. Tout va dépendre du thème de l’œuvre, du lieu et de l’ambiance qu’il y a sur le lieu. Si je veux vraiment que ça soit en opposition ou dans la continuité.

En général, j’utilise des couleurs plutôt franche, je ne fais pas énormément de dégradés. Je vais être surtout dans le brut de la couleur vive.

Quels sont les défis auxquels tu es confrontée en tant que street-artiste, et comment les surmonter ?

Alors ironiquement, c’est la hauteur. Ca semble paradoxale mais j’ai beaucoup de mal à être sur une nacelle ou en haut d’un escabeau. Par contre avec un baudrier et une corde, je suis moins paniquée. Quand je dois m’élever, j’ai beaucoup d’appréhension, par contre quand je dois descendre c’est autre chose. 

Il m’est arrivé pour certaine œuvre d’être totalement crispée que j’en suis limite à m’attacher les jambes sur l’escabeau. Mais du coup je repousse mes limites parce que c’est plus fort que moi.

Gsik, une femme dans un milieu majoritairement masculin. Pour toi, quelle est la place de la femme dans le mileu du street-art ?

Je pense que la femme aura toujours sa place partout. Alors c’est toujours très compliqué. On est encore dans un contexte où les femmes continuent de se battre pour avoir une place, pour faire leur place et je trouve pas ça normal. Dans ma nouvelle série de toile justement, je vais mettre beaucoup la femme à l’honneur parce que ça ne tient à coeur qu’on remarque la femme parmis la foule. 

C’est toujours bien beau de dire “elle est belle” mais on est pas que ca !

Des choses à ajouter ?

Il y a une citation que j’aime particulièrement qui devrait je pense rythmer un peu plus le quotidien de beaucoup de personnes. Il y a des gens qui sont trop enfermés dans certaines cases, dans certaines normes. Cette citation dit : “Puisque nous sommes de passage, ne soyons pas sages !”

Donc profitons chaque jour de ce qui peut nous faire du bien. Et moi ce qui me fait du bien c’est le street art.

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