La photographie street-art était peu pratiquée en France il y a encore une dizaine d’années. Depuis, le street-art s’est institutionnalisé. On croise de plus en plus de photographes dans les rues prêts à dégainer. Une pratique que l’on doit en majeure partie à Martha Cooper, pionnière de la photographie de graffitis dès les années 80 aux Etats Unis. Lumière sur Subway Art de Martha Cooper.

Couverture du livre Subway Art
Couverture du livre Subway Art

Nous sommes alors à l’orée des premières démonstrations culturelles du hip hop aux Etats Unis.

Martha Cooper, célèbre photojournaliste du New York Post, est l’une des premières à investir la photo street-art dès la fin des années 70. Comment aurait-elle pu passer à côté de ces scènes de rue uniques ? Qui jaillissent d’un espace urbain en marge, réinvesti des enfants jusqu’aux adultes. C’est le temps des premières battles de danse. Martha Cooper sera de la partie. Elle prend des clichés de jeunes break danseurs motivés et talentueux, un palier de plus vers ce qui sera son dada : la photo street-art. Rien n’échappe à l’œil alerte de Martha Cooper. Son appareil photo en main, elle prend des clichés de métros et de trains taggués de toute part. Elle va jusqu’à suivre avec entrain les street-artist dans leurs exploits périlleux.

Le graff devient rapidement un moyen d’expression contestataire où tout est permis. Cette révolte et ce panache, elle va les mettre à l’honneur dans Subway Art avec les plus belles photos de son répertoire. Et notamment celles des œuvres de Dondi White. Un street artist prolifique qui n’hésitait pas à graffer avec de gros caractères colorés son surnom sur métros et trains de New-York. On en connaît beaucoup moins de sa proximité avec la population urbaine qu’elle rencontre et photographie régulièrement. Elle a ainsi et aussi pu recueillir des milliers de témoignages de Break danseuses femmes.

Une traversée du désert avant la consécration

Dans Subway Art, publié en 1984, on peut admirer des photos de street art d’exception. C’est avec Henry Chalfant, sculpteur et autre figure emblématique du street-art, qu’elle décide de réunir ces photos dans ce livre collector. Preuve de l’engouement autour du livre, il est réédité plusieurs fois. On peut même acquérir sa version XL, deux fois plus grande et avec 70 photos supplémentaires par rapport à l’original.  Cette anthologie de la photo street art est aussi un témoignage du lien étroit qu’elle noue avec les graffeurs et de la précieuse aide qu’elle leur apporte.

Avant elle, ces artistes d’un nouveau genre ont rarement pu prendre des photos aussi qualitatives, se contentant parfois d’utiliser des appareils de fortune. Avant qu’il ne devienne une véritable Bible pour amateurs, le livre a subi l’ignorance des éditeurs qui ne voyaient en rien l’intérêt évident d’un tel travail. Mais progressivement, la machine s’emballe et le livre se vend à un demi-million d’exemplaires dans le monde entier. De quoi oublier cette malheureuse traversée du désert.

Les deux trublions font preuve d’une imagination sans bornes et s’accordent pour faire des photos panoramiques en superposant quatre à cinq photos ensemble. Un parti pris qui renforce le caractère magistral de ces graffitis. Ces photographies mettent en avant une pluralité de styles : de Blade à Dondi en passant par Daze. Le travail de recherche et de compilation est aussi avant-gardiste qu’imposant. Daze a remercié Martha pour cette visibilité méritée qu’il n’aurait pas eu sans la publication de Subway Art.

Leur livre a changé notre histoire de l’art. Vous pouvez aller au Soudan ou en Italie et voir du graff grâce à ce livre. Sinon, il serait resté ici et serait mort.

Martha Cooper a donc mis au grand jour cette nouvelle forme d’expression illégale.

Lord Sandwich est un musicien

Maintenant, ce qu’on appelle Street art a une valeur marchande et peut se retrouver dans des galeries, ce qui n’a plus grand chose à voir avec la gratuité et l’énergie des débuts.

Créatif, il s’exprime également au travers d’articles sur l’art et la musique sur la plate-forme de son collectif : The Asymetrics. Photographe à ses heures perdues, il nous en dit long sur son goût pour la photographie de graffitis, un art non conventionnel, éminemment social et politique. Un écho lointain au travail de Martha Cooper et une passion qu’il pratique assidûment depuis la fin des années 90. Lord Sandwich signale qu’il regrette quelque peu l’institutionnalisation du street-art même s’il avoue aimer certaines pointures qui ont marqué le paysage urbain français comme Space Invader, Mr Chat, André, Miss Tic, Zeus, ou encore L’Atlas.

Je suis plus intéressé par le graffiti que le street-art. Pour moi, le graffiti est une pratique originelle de quelques personnes qui ont décidé de dessiner sur des murs avec des bombes et des marqueurs sans forcément avoir l’intention de faire de l’art. Parfois, c’était même un moyen pour des gangs de marquer leur territoire

Une approche qui était, selon lui, plus authentique et artistique finalement.

Ainsi, ce qu’il préfère par-dessus tout, ce sont ces graffs sauvages sur les métros qui le marquent fortement pour leur audace et leur caractère imposant.

On remarque bien plus un graffiti qui va recouvrir l’architecture plutôt que le street-art actuel qui va justement s’intégrer complètement au paysage.

Malheureusement, en 20 ans, le street-art est devenu progressivement mainstream. Son côté vandale a tellement été réprimé que de moins en moins de métros servent de supports.

Au début, c’étaient surtout des bandes d’amis qui taguaient des trains et des métros pour se faire remarquer. Maintenant, on voit beaucoup plus de street-art légal dans des lieux dédiés avec des collages, des pochoirs ou des peintures déjà préparées en ateliers, ce qui n’est pas un mal, mais semble bien éloigné de l’intention initiale du mouvement graffiti original.

Cette nostalgie des années 80-90 rappelle bien Subway Art. Un livre qu’il connaît et que beaucoup de ses amis ont dans leurs bibliothèques. À l’image de Martha Cooper, il compte quelques femmes photographes de street-art dans son entourage.

De nombreuses générations inspirées par Subway Art

Tiré du reportage d'Arte consacré à Martha Cooper
Tiré du reportage d’Arte consacré à Martha Cooper

Arte a rendu honneur à Martha Cooper dans un reportage trépidant, réalisé par Selena Miles en 2019, où l’on peut constater que la photojournaliste n’a rien perdu de ses élans de jeunesse et de sa passion pour la photo street-art. Le reportage revient justement sur son rôle précurseur dans la photo de graffitis et son impact durable sur les générations futures. Actuellement, Martha Cooper est loin de prendre sa retraite. Son héritage est toujours aussi palpable dans l’esprit des photographes et des street-artist.

C’est d’ailleurs aussi ce que certifie un artiste anglophone et multidisciplinaire. Sur sa page Instagram Digitaldoes, il met en lumière sa passion pour l’art de rue graphique et se dit grandement inspiré par Martha Cooper.

Je connais bien ce livre. Un ouvrage extraordinaire qui a inspiré beaucoup d’entre nous, identique au livre Spraycan Art. Cela a aussi montré la voie aux femmes dans une plus forte mesure. Martha Cooper a dû certainement avoir son effet dans la démocratisation de cette pratique à l’échelle du globe.

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Article concocté par Audrey Poussines ,

Journaliste web et print passionnée par les faits de société, la culture, l'environnement, le sport et bien d'autres rubriques. En matière de sport, je suis très intéressée par les sports extrêmes. Je suis aussi une fan d'art urbain et d'art moderne, de gastronomie du terroir et exotique, captivée par tout moyen d'expression : danse, littérature, musique...

1 Comment

  1. MME LAVALLETTE BRIGITTE Répondre

    J’adore les Street Art et j’avoue que je suis la première à attendre qu’il n’y ai plus personne afin de pouvoir prendre ma photo

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