Voler, c’est ce que l’homme a toujours voulu. De l’invention de l’avion en passant par celle de la fusée et du parachutisme. Un fantasme universel qui prouve ce penchant éternel de défier le vide. Focus sur trois sports de l’extrême : le wingsuit, le base jump et le skysurfing, trois disciplines voisines où l’homme vole au péril de sa vie.

Des sports extrêmes comme le saut en parachute et plus tard le base jump puis le wingsuit, montrent tout le courage que déploient des sportifs pour braver cette peur du vide. Le premier saut en parachute avec un ballon d’hydrogène d’André Jacques Garnerin, date de 1797. Il faut attendre deux siècles pour que la première combinaison wingsuit soit mise au point par Henry François Reichelt. Ce pionnier a mis au point une combinaison-parachute bancale dans la veine des futures wingsuit. Sa folle invention s’est malheureusement soldée par sa mort. De vaines tentatives d’entrainement avec un mannequin de Joinville à la Tour Eiffel auraient dû le freiner mais en février 1912, il décide quand même de sauter. Sa combinaison parachute ne s’ouvrira pas. Un désastre immortalisé en vidéo.

Le Wingsuit moderne : voler en combinaison supersonique

La pratique actuelle du wingsuit débute dès les années 90. Patrick de Gayardon est l’inventeur de la wingsuit moderne.  Parachutiste, il est distingué à plusieurs reprises dans les années 80, champion de France de chute libre. Après avoir testé la chute freestyle puis le base jump, il investit le skysurfing. En 1994, il met au point le premier prototype de combinaison ailée à caissons composé de deux ailes pour les bras et une aile pour les jambes. Cette combinaison permet de voler grâce à une technologie d’air sous pressions qui s’engouffre dans les tissus. En enfilant cette combinaison, le wingsuiter peut dépasser une vitesse de 180 km/h et se diriger simplement à l’aide de son corps. Sauter en wingsuit demande de savoir dépressuriser ses ailes et déployer au moment opportun son parachute avant d’atterrir.

En 2012, Gary Connery, cascadeur britannique de 41 ans, a sauté en wingsuit, sans parachute, d’un hélicoptère. A partir de 730 mètres de haut, il atteint rapidement une vitesse de 130 km/h. Il fait preuve d’une parfaite maitrise en changeant à partir de 60 mètres, la configuration de sa wingsuit. Sa course se terminera dans des milliers de cartons. Ce saut est resté dans les annales, et le New York Times le désignera comme étant un saut de super-héros. 

Jeb Corliss, champion de base jump et de wingsuit, habitué des sauts depuis des monuments comme la Tour Eiffel et les Tours Petronas, a avoué au journal qu’il a eu du mal à s’en remettre.

C’est l’une des choses les plus étonnantes que j’ai jamais vues dans ma vie. A cause des films, les gens ne comprennent pas vraiment ce qu’ils ont vu. C’est monumental pour un humain d’atterrir à cette vitesse. Il a fallu une énorme quantité de courage.

Au fil des années, les combinaisons se sont perfectionnées et les vols de proximité qui consistent à raser les reliefs sont alors devenus plus courants.

Un instructeur californien au nom de Romulo Rangel enseigne à ses élèves débutants ou confirmés comment sauter en groupe ou en individuel. Plus surprenant, il est aussi leur caméraman attitré. Filmer pendant un saut de wingsuit demande une bonne préparation. Chaque prise de vue exige selon lui des compétences de vol en chute libre sans oublier des connaissances en matière d’équipements pour filmer ces sauts de l’extrême. Le parachutisme est une expérience qui change la vie à tout point de vue. Habité par la discipline, il confie qu’il s’agit d’un sport « vraiment addictif ».

Ce n’est seulement qu’après 200 sauts en parachute, que l’on peut espérer pratiquer cette discipline.

Le wingsuit est une discipline avancée du parachutisme qui demande du temps et de l’engagement de la part de l’athlète. La taille de l’équipement est également importante : on peut commencer avec une petite combinaison puis en acquérir une plus grande.

A 23 ans, Anastasia, jeune femme russe, pratique depuis environ 5 ans le wingsuit à un haut niveau. Elle est autant à l’aise dans l’eau en tant que nageuse professionnelle que dans l’air quand elle enfile sa combinaison ailée. Elle ne changerait de sport pour rien au monde. Après avoir eu « une ou deux urgences » sans grandes conséquences, elle continue de s’entrainer en groupe et vise prochainement une pratique en solo. Anastasia vole au niveau de la DZ Aerograd Kolomna, le plus grand club d’aviation et de skydiving (parachutisme) de Russie, au sud de Moscou. Elle confirme que ces sauts en chute libre ne peuvent être exercés qu’après 200 sauts. L’année dernière, son équipe de 39 personnes a établi un nouveau record de Russie et d’Europe dans la discipline des « grandes formations en wingsuit ». 

Anastasia en vol
Anastasia en vol

Christophe Bellenger de Bourgogne, est, lui aussi, un fana de wingsuit et de base jump. Il précise que pour lui la discipline n’est pas dangereuse, si elle est pratiquée avec intelligence et après mure réflexion. Depuis pas mal de temps, il s’entraine régulièrement en amateur avec son groupe d’amis. Pour se maintenir en forme, il multiplie les sports : vélo, marche et ski. Sauter en wingsuit et base jump demande une importante préparation et surtout du courage récompensé par des sensations étonnantes.

Le Base Jump : voler en chute libre depuis un sommet culminant

Les 4 lettres de « BASE » ne sont pas disposées au hasard. Dans cet acronyme, chacune renvoie à un élément fondamental du base jump. Le B fait écho à  » building » et donc à la possibilité de faire du base jump sur des hauts buildings. Le A renvoie à « antenna » car les base jumpers peuvent s’élancer d’antennes.  Le S vient de « span » qui signifie « pont » vu que les base jumpers sautent souvent de ponts. Et enfin E pour « earth », logique quand on sait que le base jump s’exerce autant en milieu naturel extrême qu’en ville, dans le monde entier. 

En 1966, le premier saut de base jump est répertorié. Brian Schubert saute avec Mickael Pelkey au sommet d’El Capitan, en plein parc national Yosemite, un mont de 914 mètres. Ils ont survécu au saut malgré des os cassés. Carl Boenish est aussi une figure emblématique du base jump. Il en est même le père fondateur. C’est lui qui a mis au point un procédé insolite : confier un numéro (un base number) aux base jumpers. Pour se voir attribuer un numéro, il fallait sauter de chacun des quatre « base objects ». Le base jump est encore peu régulé car il n’est toujours pas autorisé dans de nombreux lieux, particulièrement en ville. 

Muni d’un harnais, d’un casque et d’un grand parachute, les bases jumpers peuvent sauter de différents sommets

Du haut de buildings, de ponts, de falaises, de montagnes… La majorité des base jumpers utilisent un parachute rectangulaire pour sauter répondant au doux nom de « canopy ». Actionner les poignets d’ouverture permet d’ouvrir les parachutes. Le meilleur moyen de réussir son saut est de se le représenter mentalement. L’adrénaline est présente du début du saut jusqu’à l’atterrissage. Surtout au début, au niveau de l’exit (lieu culminant d’où s’élancent les base jumpers). La concentration est alors à son paroxysme. Avant de sauter, ils ressentent une peur latente jusqu’à ce qu’ils s’élancent dans le vide. 

Comparé au parachutisme, le base jump est plus extrême et le saut, avant l’ouverture du parachute, dure plus longtemps. Des paramètres qui expliquent pourquoi la plupart des base jumpers sont des parachutistes aguerris. Les base jumpers sont en quête d’adrénaline, de contact avec l’air lors du vol, de la proximité avec la nature tout comme les wingsuiters. Cette exploration du milieu naturel est une étape importante pour que le plaisir de sauter soit optimal. Pour quelques minutes de saut, les base jumpers n’ont pas peur de se hisser jusqu’aux meilleurs spots, pendant parfois de longues heures, aussi loin qu’ils se trouvent. Les base jumpers ne craignent pas d’être au plus près des reliefs, lors de leur chute comme leurs homologues : les wingsuiters.

Il existe différentes techniques et figures de base jump qui vont rajouter du spectaculaire et de la difficulté au saut

 Carl Boenish, le père fondateur du Base Jump
Carl Boenish, le père fondateur du Base Jump

Le handheld jumping (saut mains en l’air), le stowed jump (saut arrimé), les tards unpacked base jump (saut effectué avec la main sur la voile), le roll over (salto avant lors du saut) ou encore le terminal base jumping. Au début du saut, la vitesse est presque nulle, et petit à petit, la vitesse augmente pouvant parfois atteindre 200km/h. Le base jumper porte une combinaison au nom de« trackpantz » qui lui permet d’être plus libre dans ses mouvements. Autre terme technique ? Le « rockdrop » qui est le temps de chute verticale avant de rejoindre le premier point d’impact et d’ouvrir son parachute.

Le Skysurf : ne pas réussir à choisir entre voler et snowboarder

Observer un skysurfer est incroyable, d’autant que cette discipline est rare. Joël Cruciani est l’inventeur du skysurf en 1987. Il effectue son premier saut en décidant de s’élancer d’un avion, une planche de snowboard aux pieds. Dominique Jacquet et Jean Pascal Oron auraient aussi effectué un tel saut en 1986 après s’être demandé comment allier le surf généralement pratiqué en mer et le saut en parachute.  Avec une planche fixée aux pieds, le skysurfer peut compter sur une poignée de libération située sur la planche, en cas de problèmes. 

Tout réside dans la beauté du saut noté en fonction du nombre de torpilles et de figures effectué. Position de dérive, position assise, debout ou encore position à plat. Engagé dans un saut, le skysurfer tourne sur lui-même à grande vitesse. Ceux qui ont facilement le tournis devraient s’abstenir quand on sait qu’un skysurfer peut facilement atteindre trois torpilles par seconde. Ne pas se heurter à la résistance de l’air sur la planche est l’un des défis principaux du skysurf car il faut pouvoir s’en accommoder et garder le contrôle.

En terme de médiatisation, le skysurf reste intimiste. Après un regain d’intérêt dans les années 90, notamment grâce aux championnats de sports extrêmes comme l’ ESPN X Games de 1995 à 2000, le National sky surf championships aux Etats-Unis et le SSI pro tour sky surfing, la discipline est de moins en moins pratiquée. Et il n’existe qu’un championnat du monde de skysurf qui a pris fin en 2008.

Voler, c’est parfois jouer avec la mort 

En 2019, Angelo Grubisic, ingénieur passionné par la conception de combinaisons plus aérodynamiques et plus sures, est retrouvé mort en Arabie Saoudite. L’été de la même année, il a pourtant obtenu la médaille d’or au championnat britannique de vol en wingsuit. Cependant, tout sport recèle son lot de risques et de nombreux wingsuiters, base jumpers et skysurfers continuent pour la majorité de pratiquer avec prudence et passion, grisée par l’adrénaline et l’envie de voler comme Icare.

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Article concocté par Audrey Poussines ,

Journaliste web et print passionnée par les faits de société, la culture, l'environnement, le sport et bien d'autres rubriques. En matière de sport, je suis très intéressée par les sports extrêmes. Je suis aussi une fan d'art urbain et d'art moderne, de gastronomie du terroir et exotique, captivée par tout moyen d'expression : danse, littérature, musique...

1 Comment

  1. Bonjour, une erreur dans votre article Audrey, ce n’est pas Joël Cruciani l’inventeur du skysurf mais Patrick de Gayardon (DEUG pour les intimes qui a également développé la wingsuit en étant le 1er homme au monde à sauter et remonter dans un avion) et Laurent Bouquet ( qui a joué dans le surfer d’argent). En France nous avons les meilleurs freeflyers, base jumpers et wingsuiters au monde (cocorico !) Grâce aux « soul flyers » avec Loïc Jean Albert, Stéphane Zunino, vince Reffet, Fred fugen et beaucoup d’autres… Pourquoi ne parler que des américains (qui ne demeritent pas) alors que la France est une grande nation d’homme volant…

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