Un ex-dignitaire nazi, Klaus Barbie, démasqué en Amérique du Sud. Ancien chef de la Gestapo de Lyon, il est notamment connu pour avoir arrêté et torturé de nombreuses figures de la Résistance, dont Jean Moulin. Comme de nombreux autres anciens nazis, il s’était mêlé au flux de réfugiés rentrant chez eux suite à la guerre.

Après la Seconde Guerre mondiale, Klaus Barbie fuit en Amérique du Sud pour éviter d’être jugé pour ses crimes. Il offre d’abord ses services au contre-espionnage états-unien puis est exfiltré vers la Bolivie. Il prend la fausse identité de Klaus Altmann mais est retrouvé en 1972 suite à une enquête de Beate et Serge Klarsfeld. Finalement arrêté plus de dix ans plus tard, en 1983, il est jugé à Lyon en 1987. Son parcours rejoint celui de nombreux nazis ayant rejoint l’Amérique après le second conflit mondial.

Un rôle clé pour le régime nazi

Portrait de Klaus Barbie
Portrait de Klaus Barbie

Klaus Barbie et sa famille adhèrent à l’idéologie nazie dès la montée en puissance d’Hitler et le jeune Klaus intègre les Jeunesses hitlériennes en 1933. Il entre ensuite dans la SS, la principale organisation répressive du Reich. Jeune officier, il est envoyé brièvement aux Pays-Bas puis en URSS.

L’essentiel de son activité prend cependant place en France, où il est affecté en 1942. C’est l’année suivante qu’il dirige la Gestapo de Lyon. Sous son commandement sont arrêtés, torturés et tués un grand nombre de membres de la Résistance. Les plus illustres d’entre eux sont Jean Moulin et Albert Lebrun, futur président de la République.

Klaus Barbie occupe enfin une place cruciale dans le processus d’extermination nazi. Il fait abattre de nombreux otages et déporter des milliers de Juifs à Drancy. Il est également connu pour avoir raflé les 44 enfants d’Izieu en avril 1944. Le nombre de victimes directes et indirectes de Klaus Barbie est reconnu lors de son procès comme exceptionnellement élevé.

La fuite et la traque

Après la capitulation nazie, Klaus Barbie est considéré comme criminel de guerre et les Alliés le recherchent. Il est arrêté à plusieurs reprises mais parvient à dissimuler son identité et à s’évader. Il rejoint alors le CIC (Counter Intelligence Corps) de l’armée des ÉtatsUnis, où il est protégé sous couvert de son utilité dans le contexte de la guerre froide.

En 1951, l’Allemagne accuse Klaus Barbie de vol. Il s’enfuit alors vers la Bolivie et prend le nom d’Altmann. Après avoir créé une entreprise d’exploitation de bois, il collabore avec l’armée du pays. Dix ans plus tard, la police allemande découvre sa localisation en Bolivie et sa fausse identité. Barbie s’enfuit alors au Pérou mais les Klarsfeld, militants anti-nazis, poursuivent l’enquête et retrouvent sa trace.

Un journaliste français réussit à l’interviewer en Bolivie en janvier 1972. Durant l’entretien, Barbie révèle malgré lui sa compréhension du français et donne involontairement ses empreintes digitales en manipulant une photographie. La nouvelle est diffusée dans la presse française le 19 janvier. Il est par ailleurs reconnu par Simone Lagrange, une résistante qu’il avait torturée. Son arrestation a lieu en 1983 seulement à La Paz après des transactions financières et matérielles entre la France et la Bolivie.

Le procès Barbie, un tournant historique

Klaus Barbie et son avocat Jacques Vergès lors de son procès par Calvi, Wikimedia Commons
Klaus Barbie et son avocat Jacques Vergès lors de son procès par Calvi, Wikimedia Commons

Klaus Barbie est jugé à Lyon en 1987 pour crimes contre l’humanité. C’est le seul chef d’accusation retenu puisqu’il a déjà été jugé en son absence pour crimes de guerre. Il s’agit du premier procès de ce type tenu en France. 113 associations et personnes physiques se portent partie civile. Serge Klarsfeld fait partie des avocats les représentant.

Seuls trois faits sont retenus dans un premier temps. Il s’agit des rafles de l’Union générale des israélites de France et des enfants d’Izieu ainsi que du dernier convoi étant parti de Lyon pour Auschwitz. Néanmoins, suite à une plainte d’associations de résistants et de victimes auprès de la Cour de cassation, celle-ci ajoute l’arrestation, la torture et la déportation de Juifs ou de résistants.

Après 145 heures de débats, Barbie est condamné à la prison à perpétuité. Le procès est largement médiatisé dans la presse écrite, à la radio et à la télévision. Plus de 900 journalistes de France et de l’étranger en suivent le déroulement.

L’exfiltration de nazis en Amérique

La Paz, où Klaus Barbie a vécu pendant vingt ans avant d’y être arrêté, Wikimedia Commons
La Paz, où Klaus Barbie a vécu pendant vingt ans avant d’y être arrêté, Wikimedia Commons

Le continent américain était le principal lieu de refuge des criminels nazis comme Barbie. Tous se faisaient passer pour des réfugiés rentrant dans leur pays d’origine. Ils passaient alors par l’Italie avant de rejoindre l’Argentine, le Canada ou les ÉtatsUnis. Le Vatican et la Croix-Rouge leur apportait alors involontairement leur aide. En effet, les deux organisations délivraient des dizaines de milliers d’autorisations de déplacement sans vérification d’identité. De fait, les réfugiés avaient souvent perdu tout bien matériel, ce qui rendait l’identification impossible.

L’Argentine devient la première destination de refuge des anciens nazis. Cela s’explique par l’intérêt que le gouvernement de Juan Perón leur portait. En effet, ils représentaient une opportunité de modernisation économique et de développement scientifique et militaire. Ces déplacements étaient facilités par la tradition migratoire germano-autrichienne vers l’Argentine. Des études récentes démontrent qu’environ 240 000 individus germanophones résidaient dans le pays avant 1945. Un certain nombre d’entre eux étaient d’ailleurs des Allemands qui avaient fui le régime hitlérien depuis 1933. Les criminels nazis savaient donc qu’ils pourraient se mêler sans encombre à cette population.

On estime aujourd’hui qu’environ 30 000 anciens nazis ont trouvé refuge en Amérique après la Seconde Guerre mondiale. Il est attesté que la majeure partie s’est réfugiée en Argentine, comme les tristement célèbres Adolf Eichmann, Josef Mengele ou Ante Pavelić

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Par  Sarah Gouin-Béduneau,

Sarah est historienne de l’art et s’est spécialisée dans la gestion du patrimoine culturel. Elle aime toutes les formes de création visuelle, s’intéresse énormément à la musique et au patrimoine industriel et travaille actuellement dans la conservation et la documentation des biens mobiliers.

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