Sage ou charlatan ? De Paris au Sénégal, le marabout suscite des réactions différentes. Portrait d’une figure ésotérique qui fascine autant qu’elle interroge.

« Spécialiste en Retour Amoureux, Travail Rapide et Efficace… » Sans doute, avez-vous déjà vu ce genre de message, à Paris ou ailleurs. Ces mots, ce sont ceux d’un marabout. Tantôt sorcier africain, tantôt sage musulman, sa réputation est paradoxale. D’où viennent-ils ? Comment sont-ils perçus, en France et en Afrique ? Décryptage.

Qu’est-ce qu’un marabout ?

Le mot marabout vient du portugais maraboto, lui-même tiré de l’arabe marbūṭ, ou murābiṭ. À l’origine, ce terme désigne celui qui vit dans un ribāṭ. Il s’agissait initialement d’endroits où se tenaient troupes et chevaux. Au cours de la période pré-coloniale, ces ribāṭs sont devenus des forteresses liées à la défense des frontières contre les Infidèles, portugais ou espagnols.

Le murābiṭ a donc une relation étroite avec la religion et la guerre sainte, ou djihād. Il est considéré comme un homme pieux, voire un saint. Il est celui qui conseille, juge et éduque. Conteur, il transmet les histoires de son peuple. En Afrique subsaharienne, il est perçu comme un chaman, et connaît les propriétés des herbes et la médecine. Au Maghreb, en revanche, il s’agit d’un maître spirituel proposant une lecture ésotérique du Coran.

Par extension, le mot a aussi fini par désigner son tombeau, considéré comme lieu de pèlerinage. C’est le cas, par exemple, de celui de Sidi Belyout, au Maroc. Ce saint protecteur de Casablanca aurait vécu durant l’époque des Almohades, entre le XIIe et le XIIIe siècle. En 1881, une coupole est élevée à l’emplacement de sa tombe. Le mausolée est toujours fréquenté aujourd’hui par de nombreuses personnes.

Tombeau d’un marabout dans la médina d’Asilah (Maroc) / ©Robert Prazeres, CC BY-SA 4.0 Wikimedia Commons
Tombeau d’un marabout dans la médina d’Asilah (Maroc) / ©Robert Prazeres, CC BY-SA 4.0 Wikimedia Commons

Un charlatan ?

Paris, aujourd’hui. Du côté de Barbès, des maîtres et des professeurs autoproclamés vendent leurs dons et leurs gris-gris. Chacun vous promet de « vous libérer des forces maléfiques qui vous bloquent », ou de « vous protéger des mauvais sorts ». Amour, travail, santé, chance : ils peuvent résoudre tous vos problèmes, moyennent finances ! Ici, le marabout a une connotation négative. C’est un envoûteur, plus manipulateur que sorcier. Il fait appel à l’Islam comme au christianisme, au Vaudou comme à l’animisme, en un mélange très personnel… et variable. L’ethnologue Liliane Kuczynski s’est penchée sur leur présence en région parisienne. Dans Les marabouts démystifiés, publié au CNRS en 2002, elle revient sur les origines du phénomène, dans les années 1970. Ces marabouts du XXe siècle arrivent de Guinée, ou du Sénégal. Pour eux, venir exercer en France est source de reconnaissance. C’est aussi une forme d’accomplissement spirituel. Ils adaptent leurs pratiques en fonction de leur clientèle, multiculturelle et pas forcément croyante. Finalement, plus que leur rôle de devin, c’est leur rôle de conseiller qui ressort. L’ethnologue conclut en soulignant l’aspect universel de ce maraboutisme, flexible autant dans ses mots que dans son cérémonial.

Marabout mandingue / © New York Public Library, Domaine public, Wikimedia Commons
Marabout mandingue / © New York Public Library, Domaine public, Wikimedia Commons

Le marabout est une figure religieuse

Si, à Paris, les activités d’un marabout tournent beaucoup autour des prédictions, il n’en va pas de même en Afrique. Ici, il est un personnage important et respecté, dont la connaissance du Coran fait autorité. Il peut être soufi, c’est-à-dire avoir la barakah, la bénédiction divine. On lui prête alors des pouvoirs miraculeux. Il peut aussi être chérif, descendant du Prophète, ce qui lui confère un grand prestige.

En tant que guide religieux, il joue un rôle social important au sein de sa communauté. Au Sénégal, par exemple, l’influence économique et politique des confréries de marabouts est importante. En pleine pandémie de COVID-19, plusieurs d’entre eux ont ainsi organisé des distributions de nourriture pour les plus démunis. En plus de viande, de riz et d’eau, ils distribuaient des poils de chameau, censés être bénéfiques.

Cependant, leurs pratiques sont aussi contestées. Ils sont accusés de profiter de la crédulité des gens, à grand renfort de cauris et de poissons volants. Leur rôle auprès des dirigeants africains est également questionné.

Indissociable d’un certain folklore africain, le marabout est une figure complexe. Si ses pouvoirs magiques prêtent à sourire, le poids de son influence dans la société africaine est bien réel.

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Par  Gwennaelle Massart ,

Passionnée de littérature, d’art et d’Histoire, j’ai grandi au milieu des livres avant d’entamer des études de Lettres. Depuis, je suis devenue rédactrice web SEO freelance pour vivre mes propres aventures. Dans mes articles, je voyage à travers l’espace et le temps pour partager avec vous mes découvertes culturelles. On y va ?

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