La croyance en la possession semble partagée par la plupart des cultures. Elle se réfère au fait que l’esprit d’une personne peut se voir retiré de son corps pour y être remplacé par celui d’une entité, décédée ou vivante, d’une déité quelconque ou d’un démon. Tout un programme. On vous explique tout !

Alfred Loisy (1857-1940), prêtre catholique, professeur et théologien, mentionne dans un ouvrage consacré aux Évangiles synoptiques.

Le caractère pathologique de la possession consiste dans l’éclipse totale ou partielle, continue ou intermittente, de la personnalité. C’est une forme  particulière d’aliénation ou de débilité mentale, où le sentiment de l’individualité propre se trouve étouffé ou gêné par l’idée fixe d’une individualité étrangère et malfaisante, qui se substitue ou se surajoute à celle du sujet. Non seulement la folie, mais les maladies nerveuses en général, notamment l’épilepsie, étaient considérées comme des cas de possession diabolique.

De tels cas de « possession » ne datent pas d’hier

 Dieu Khons ou Khonsou, dieu personnifiant la lune dans la série Marvel Moon Night (parlant de possession des corps, coïncidence coïncidence)
Dieu Khons ou Khonsou, dieu personnifiant la lune dans la série Marvel Moon Night (parlant de possession des corps, coïncidence coïncidence)

Une inscription datée du IVème siècle av. J.-C. et découverte lors de  fouilles à Thèbes. Elle traite d’une princesse syrienne possédée par une âme néfaste. Le pharaon, informé de la situation, lui fait alors envoyer une statue du dieu Khons. Sa seule présence la soulage immédiatement.

Philostrate (v.170-239) dans sa Vie d’Apollonius de Tyane III, 38. Il mentionne une femme dont le fils de 16 ans est possédé depuis l’âge de 14 ans par un démon moqueur et menteur.

Dès la rédaction des Évangiles, il est rapporté des cas de possessions. Entre autres celui de Gerasène. Alors que Jésus libère de ses légions de démons le possédé de la synagogue de Capharnaüm (Mc 5.1-13, Mc 1.13-27). Il est également mentionné que le Christ octroie à ses disciples le pouvoir de chasser les démons (Mc 6.7). Et que certains d’entre eux ne peuvent être chassés que par la prière (Mt 17.21). Pour sa part Luc mentionne que les démons reconnaissent Jésus et le craignent (Lc 4.34).

Il faut ajouter néanmoins que pratiquement dès ses origines l’Église affiche une certaine réserve à ce sujet

Elle soutient la nécessité de vérifier la distinction entre possession et maladie. C’est pourquoi le pape Innocent I en 416 déclare l’obligation, pour procéder à un exorcisme, d’obtenir un mandat de l’évêque.

En fait plusieurs formes de possession peuvent être distinguées

Il peut s’agir d’abord d’une victime qui consent à la possession. Certains saints par exemple ont accepté de souffrir les tourments du démon afin d’expier les péchés de l’humanité.  La victime est alors en état de grâce malgré la présence démoniaque.

La deuxième situation se rapporte à une victime qui ne consent pas à la possession. Malgré une vie exemplaire ou correcte, elle se retrouve possédée ou harcelée par un agent du Malin.

Un troisième état concerne une victime qui mène une vie discutable mais n’est pas consentante à être possédée. Dans un tel cas, il s’agit plutôt d’un châtiment de Dieu. Il peut se développer suite à l’utilisation de blasphèmes, lors d’une situation d’apostasie (abandon de sa religion), etc.

Il existe également une quatrième possibilité. Celle où l’individu concerné mène une vie déplorable et est consentant à la possession. Il est alors question d’un pacte avec le diable.

Divers indices de possession ont été identifiés à travers les époques

Affiche du film L'Exorciste
Affiche du film L’Exorciste

Ainsi il est mentionné  la possibilité de parler ou de comprendre des langues inconnues du possédé. La facilité à découvrir des objets cachés ou encore à lire la pensée d’autrui. Dévoiler l’avenir, la capacité à se livrer à des actions dépassant la force humaine normale. Il est même question de vomir des substances ou corps étrangers que le Démon a obligé le possédé à avaler.

Le Catéchisme de l’Église Catholique quant à lui rappelle que des signes précis et bien particuliers doivent être observés lors de réels cas de possession, soit :

-parler en langues inconnues;

-afficher une horreur instinctive ou inconsciente des choses saintes en particulier une haine contre le Christ et la Sainte Vierge;

-démontrer la révélation de choses cachées ou futures, sans qu’il soit possible de l’expliquer naturellement;

-afficher une force dépassant les capacités humaines normales;

-manifester des phénomènes d’apesanteur : voler, flotter, se maintenir en l’air, etc…

L’aspect des personnes possédées a également été précisé au fil du temps

Il est mentionné qu’elles parlent en tirant la langue, présentent un regard furieux, jurent, se démènent, aboient ou miaulent et font des gestes désordonnés. Il est indiqué également que le visage de tels individus se décolore, que leur corps se soulève de lui-même, leurs yeux louchent et roulent avec furie dans leurs orbites, leurs dents se couvrent d’écume, de plus ils grincent des dents tout en ayant les lèvres blanches ou bleuâtres et leurs membres se tordent en tremblant de tous les côtés. Ce qui, il faut bien l’admettre, soulevait sans aucun doute la terreur de l’entourage de l’individu ainsi affecté.

Quoiqu’il en soit de l’origine du Mal il n’existe qu’une mesure admise pour délivrer le possédé soit le rituel d’exorcisme

Prêtre en cours d'exorcisme
Prêtre en cours d’exorcisme

Il s’agit d’un sacramental qui appartient à la catégorie des signes sacrés par lesquels sont signifiés et obtenus par la prière des effets surtout spirituels.  Dès le IIIème siècle saint Hippolyte de Rome signale qu’il faut imposer les mains aux personnes que l’on exorcise. Au milieu de ce même siècle le pape Corneille semble instituer la présence d’exorcistes dans le clergé de Rome.

Pour sa part, le synode de Laodicée en 343 exige l’autorisation de l’évêque pour une telle pratique. En 416, le pape Innocent Ier réserve le pouvoir d’exorciser aux diacres et aux prêtres. En 1215, le concile de Latran précise encore la doctrine de l’exorcisme, mais c’est le pape Paul V (1605-1621) qui, en 1614, établira le Rituale Romanum, soit le rituel d’exorcisme demeuré inchangé jusqu’en 1999.

L’exorcisme consiste en 11 actions 

L’énoncé d’une litanie après une aspersion d’eau bénite, la récitation du Psaume 54, une adjuration à Dieu et une interrogation visant à déterminer le nom du démon. Sont également cités les évangiles : Jean, 1, Marc, 16, Luc, 10-11, ainsi qu’une prière préparatoire. La main droite posée sur la tête du possédé, le prêtre prononce le premier exorcisme. Est ensuite récité une prière avec signe de croix sur la personne possédée. Puis un deuxième exorcisme est mené et vient ensuite un troisième et dernier exorcisme comprenant des cantiques, des psaumes et des prières finales.

Ce rituel s’est imposé graduellement comme une pratique de délivrance que seuls les prêtres qualifiés avaient le droit d’utiliser.

Dès le XVIIème siècle le Cardinal Fleury (1653-1743) affirme.

Il n’y a plus que les prêtres qui fassent les fonctions d’exorcistes; encore ce n’est que par commission particulière de l’évêque. Cela vient de ce qu’il est rare qu’il y ait des possédés et qu’il se commet quelquefois des impostures, sous prétexte de possession du démon; ainsi il est nécessaire de les examiner avec beaucoup de prudence. Dans les premiers temps, les possessions étaient fréquentes, surtout entre les païens, et, pour marquer un plus grand mépris de la puissance des démons, on donnait la charge de les chasser à un des plus bas ministres de l’Église. C’étaient eux aussi qui exorcisaient les catéchumènes.  

En fait très tôt la fonction d’exorciste est classée dans les ordres mineurs

Leur manuel officiel  se nomme le Manuale exorcismorum dans lequel il est précisé que l’exorciste ne peut chasser le démon qu’au nom de Jésus, avec le concours de Dieu et de la Vierge. Un nouveau chapitre y est ajouté en 1925 soit l’Exorcismus in Satanam et angelos apostaticos, relié au pape Léon XIII.

Le rituel d’exorcisme est demeuré pratiquement inchangé depuis 1614

Cependant dès le Concile Vatican II (1959) une demande est déposée afin de traiter les différentes parties du rituel romain mais ce n’est que  le 4 juin 1990 qu’est dévoilé le Rituel ad intérim, c’est-à-dire une nouvelle pratique à l’essai.

La première partie du rituel proposé traitant de l’aspect biblique et théologique du sujet ne mécontente pas les exorcistes, mais la deuxième section concernant la pratique de celui-ci les questionne fortement. Ils y voient un affaiblissement du rituel et transmettront sans ménagement leurs commentaires au Vatican.

Les exorcistes soutiennent alors que des prières considérées comme efficaces depuis plus de douze siècles d’existence ont été supprimées pour être remplacées par de nouvelles prières inefficaces. Malgré cette opposition la Congrégation du Culte divin et de la Discipline des sacrements promulgue le nouveau Rituel latin de l’exorcisme, approuvé par le pape Jean-Paul II, en octobre 1998.

Pour la première fois, ce texte est traduit du latin en plusieurs langues internationales

Et il y est recommandé un rapprochement avec des disciplines telles la médecine et la psychiatrie.

Néanmoins, malgré une telle ouverture, rappelons qu’en 1977 Paul VI confirmait la présence du Malin comme le fera Jean-Paul II en 1986. De même le cardinal Ratzinger, qui deviendra le pape Benoît XVI, écrivait dans ses Entretiens sur la foi.

Quoiqu’en disent certains théologiens superficiels, le diable est, pour la foi chrétienne, une présence mystérieuse mais bien réelle, personnelle et pas seulement symbolique… 

Nous pouvons constater néanmoins qu’une évolution s’est produite au cours des âges concernant le concept même de possession tout comme dans la pratique de délivrance que constitue le rituel d’exorcisme. Une nette progression envers des explications plus rationnelles a été adoptée bien que la croyance au Malin et aux démons demeure présente. Cette collaboration entre les prêtres exorcistes et divers spécialistes de la maladie mentale ne peut qu’être salutaire aux individus aux prises avec des maux qui échappent à leur compréhension. La doctrine de la foi conserve ainsi ses bases historiques tout en admettant un apport de la part de disciplines destinées à la compréhension de l’esprit humain.

Mireille Thibault, Auteure et ethnologue, pour Cultur’easy

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