La bataille de Culloden ou comment les Ecossais se sont définitivement fait manger par les Anglais : une histoire sanglante de désillusions.

En ce 16 avril, les cornemuses sont en bernes. Les kilts et les tartans sont jetés dans des coffres bien scellés. Le whisky ne coule plus. Le sang des Highlanders vient de couler sur les terres écossaises. Il est des dates où la rage, la passion, la foi de quelques milliers d’hommes suffisent à bouleverser l’équilibre de territoires entiers. Je veux bien sûr vous parler de la triste bataille de Culloden. Elle opposa le 16 avril 1746 l’armée Britannique du roi protestant George II de Hanovre à l’armée jacobite. Ces écossais rassemblés sous la bannière du roi catholique Charles Stuart.

Deux rois, deux armées mais une seule couronne pour un seul trône. Alors ce qui devait éclater éclata. Seule une mêlée sanglante avec beaucoup de muscles, de sueur et de fumée devait permettre de trouver une issue à cette situation intenable. Une bataille qui tailla à tout jamais une profonde cicatrice dans le cœur de l’Ecosse.

Tout commence avec un problème de succession chez les rois d’Angleterre

Pour comprendre comment on en arrive à ce terrible 16 avril 1746, laissez-moi revenir quelques dizaines d’années en arrière. Au début du XVIIe siècle, une période de grande instabilité politique existe en Angleterre.

La reine Elisabeth 1er, protestante, décède sans héritier en 1603 et elle prévoit que la couronne passera à son plus proche parent : Jacques VI Stuart roi d’Ecosse.

Or cette décision entraîne le Royaume dans un siècle de bouleversements politiques. Jacques déjà roi d’Ecosse devient en plus le roi Jacques Ier d’Angleterre. Son désir est alors simple : devenir une sorte d’Empereur de Grande-Bretagne. Et réunir les couronnes d’Ecosse et d’Angleterre sous une même bannière. Mais les Parlements des deux Royaumes s’y opposent. Chacun entend garder son indépendance.

Les événements se compliquent encore quand le petit-fils de Jacques Ier monte sur le trône. Prenant le nom de Jacques VII d’Ecosse et Jacques II d’Angleterre

Jacques II est catholique contrairement à la majorité des seigneurs anglais. Ces derniers sont protestants. Le roi cherche en plus à imposer au Parlement Anglais un régime absolutiste comme en France. Deux mauvais points pour le roi Stuart qui est alors chassé du trône ! S’en suit un jeu de succession complexe et de manœuvres politiques pour écarter tout catholique du trône d’Angleterre. Et c’est finalement un cousin éloigné, George de Hanovre qui devient roi en 1714.

Mais les Stuart n’ont pas dit leur dernier mot. Les partisans de Jacques entendent bien le remettre sur le trône d’Ecosse et d’Angleterre : on les appelle alors les jacobites.

Pendant ce temps dans les Highlands…

James Fraser en costume traditionnel, incarné par Sam Heughan dans la série Outlander
James Fraser en costume traditionnel, incarné par Sam Heughan dans la série Outlander

Pendant ce temps dans les magnifiques paysages sauvages des Hautes-Terres d’Ecosse… Un très sexy Highlander à la crinière rousse répondant au doux nom de James Fraser rencontre une belle Anglaise débarquée du futur. Ils tombent éperdument amoureux et…forcément. Ca c’est l’histoire de la saga de Diana Gabaldon adaptée sur Netflix sous le nom Outlander. On y découvre dans le premier volume l’organisation sociale des Highlands au XVIIIe siècle. Je vous la conseille !

L’Ecosse n’est pas un territoire uni

Entre ses territoires du Nord et du sud de grandes disparités géographiques, linguistiques, économiques et surtout politiques coexistent. De puissants clans se disputent le pouvoir. Fraser, Mackenzie, Campbell, MacDougall et tant d’autres sont autant de familles qui imposent leur autorité sur des terres jalousement défendues. Chaque clan possède sa devise, son tartan avec son motif à carreaux et ses couleurs, ses armoiries. Les querelles sont fréquentes surtout dans les Highlands réputées plus rebelles et plus fières. Et les tensions ne vont pas s’apaiser à l’heure où les clans choisissent leur camp entre partisans du retour des Stuart et ceux qui choisissent le parti anglais.

La rébellion jacobite et la reconquête de Bonnie Prince Charlie

D’importantes minorités catholiques demeurent en Ecosse et aspirent au retour du roi Stuart sur le trône. Malgré plusieurs tentatives, Jacques II et son fils ont échoué à reconquérir la couronne. C’est donc au tour du petit-fils Charles de défendre son héritage.

Charles Stuart par Jean-Étienne Liotard
Charles Stuart par Jean-Étienne Liotard

Depuis l’exil Charles Stuart, bientôt surnommé Bonnie Prince Charlie, prépare sa vengeance avec les jacobites. Il débarque en Ecosse en juillet 1745. Jeune homme fougueux de vingt-cinq ans, il parvient très vite à réunir plusieurs clans à ses côtés et se lance à corps perdu contre l’armée Britannique.

Au début il remporte plusieurs batailles et se rapproche même de Londres ! Alors Charles s’imagine déjà récupérer la couronne d’Ecosse et conquérir l’Angleterre. Mais les Highlanders manquent cruellement d’équipements. Ce ne sont pas des guerriers mais des bandes de fermiers mal armés, peu entraînés à combattre. Malgré leur courage et le désir de vengeance de ces hommes, les jacobites commencent à essuyer plusieurs défaites et se replient au nord de l’Ecosse au printemps 1746.

Les Anglais eux, mettent tout en œuvre pour étouffer cette horde rebelle et maintenir la stabilité du jeune royaume unifié de Grande-Bretagne – par l’Acte d’Union de 1707.

La bataille de Culloden ou la fin d’un rêve

La bataille de Culloden par David Morier – Royal Collection Trust
La bataille de Culloden par David Morier – Royal Collection Trust

16 avril 1746. A l’aube pointant, les Highlanders surgissent sabre au clair en poussant des cris de guerre terrifiants sur la lande désolée de Culloden. Ils sont prêts à en découdre jusqu’à la mort. Mais cette charge furieuse ne surprend plus les soldats Anglais qui depuis des mois connaissent leurs attaques spontanées.

L’armée britannique conduite par le duc de Chamberland, le fils du roi Georges, compte 9000 hommes armés de mousquets et de fusils. En face d’eux, les quelques 5000 jacobites n’ont que des haches et des épées dans ce jardin d’Eden et leur sang s’écoule sur l’herbe verte de la pleine (Manau si vous nous lisez 🙂 ). Ils n’ont pas de plans de bataille, sont désorganisés et épuisés par des mois de guerre.

Ce jour-là, les Highlanders n’avaient aucune chance de l’emporter.

Si les jacobites n’ont pas rassemblé tous les Écossais sous leur bannière, c’est pourtant toute l’Ecosse qui subit les conséquences de cette défaite

En effet, Culloden n’est pas qu’une simple victoire de l’armée britannique sur une petite bande rebelle – si tant est qu’on ne puisse jamais parler ainsi d’une bataille où des milliers d’hommes ont perdu la vie. Après cette victoire Chamberland veut en finir définitivement avec ces révoltes. Son ordre est clair : pas de quartier. Et l’histoire se souviendra de lui comme « le boucher de Culloden » : les jacobites sont traqués et massacrés à travers tout le pays.

Après Culloden, les rites gaéliques des Highlands sont interdits, comme le port du kilt et du tartan, les hommes n’ont plus le droit de porter des armes et de grands domaines des clans rebelles sont spoliés.

Et Bonnie prince Charlie s’en retourna en Italie

Comme dans les meilleurs romans d’aventure et aussi incroyable que cela puisse paraitre : après neuf mois de batailles et une terrible défaite, le prince Charles a réussi à fuir et à retourner en Italie où il finira ses jours. Son épopée éclair mit fin à des décennies d’une guerre de succession qui n’en portait pas vraiment le nom.

Il ne sera pas parvenu à briser l’Acte d’Union qui en 1707 unifiait les Royaumes d’Ecosse et d’Angleterre sous une même couronne, il ne rendra pas à l’Ecosse son indépendance ni son roi. Mais la bataille de Culloden reste une date déterminante dans l’histoire de l’Ecosse. Après elle, les traditions écossaises ont dû se réinventer pour survivre, la structure clanique a quelque peu éclaté et l’Ecosse s’est ouverte vers le commerce et l’extérieur.

Son identité est demeurée forte et on peut penser – si vous m’autorisez un peu de politique de comptoir – que les récents référendums pour l’indépendance de l’Ecosse puisent leurs origines dans ce qui arriva ce terrible 16 avril 1746 à Culloden. Une bataille désespérée mais déterminée de milliers d’hommes et de femmes pour sauvegarder leur histoire, leur identité et leur liberté.

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Par  Marie Duris,

A la fois rêveuse et quelque peu hyperactive, j’aime chiner de nouvelles inspirations dans les expositions d’art et m’inviter chez les grands personnages de notre histoire. La culture nourrit mon imaginaire et me permet d’innover au quotidien au-delà du bitume parisien. Je vois toujours le verre à moitié plein !

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