Certaines cicatrices sont si profondes qu’elles peinent à se refermer. C’est le cas de celle qui a marqué l’histoire de l’Inde et du Pakistan. Deux pays autrefois sous la coupe de l’Empire colonial britannique. Connaissez-vous la tragique histoire qui unit et divise ces nations ? Savez-vous ce qu’est la Grande Partition ?

En 1947, l’indépendance du territoire semble inéluctable. Les deux états sont créés et les frontières arbitrairement tracées. C’est la Grande Partition des Indes. Enfin libérée du joug britannique, l’Inde sera pourtant le théâtre de violences et d’émeutes sanglantes. Les tensions religieuses et déchirures familiales entraîneront des flux migratoires importants. Découvrez l’histoire et les conséquences de cette division brutale au nom de la religion.

Une administration coloniale britannique sur fond de tensions religieuses

L’Empire britannique des Indes

Au 17ᵉ siècle, les Britanniques s’installent sur le territoire indien dans une optique commerciale. L’East India Company est une compagnie de commerce spécialisée dans les épices et le tissu. Cette dernière conquiert au fil des années de nombreuses régions et étend son influence politique. Au fur et à mesure, l’emprise s’installe sur les populations locales. Les Indiens sont progressivement exclus de tout le système politique mis en place par la Company Raj.

Mutineries et révoltes

En 1857, une insurrection militaire et populaire éclate ! C’est la révolte des Cipayes. C’est la manifestation d’un mécontentement global des populations indiennes face à la domination du colonisateur. En réaction directe, l’East India Company s’efface. Elle laisse la place à la Couronne britannique qui prend le contrôle des Indes.

Diviser pour mieux régner

Dès lors, l’objectif est de renforcer l’ordre colonial. Le nouveau Raj britannique subdivise le territoire et crée 55 états princiers. Les souverains locaux cohabitent avec des fonctionnaires tous droits venus d’Europe. La plupart n’ont aucune connaissance ni culture indienne. Par ailleurs, les inégalités de richesse entre les administrateurs britanniques et les populations locales sont de plus en plus importantes. Pour isoler les groupes sociaux, le régime colonial britannique s’assure de renforcer les clivages religieux. L’Inde est en effet marquée par un pluralisme des croyances. Une partie de la population est de confession musulmane. L’autre se réclame de l’hindouisme.

Deux visions de l’indépendance pour l’Inde

La division du Bengale en 1905 : un signe annonciateur

En 1905, Lord George Curzon, décide de diviser le Bengale. Cette région, occupée par des hindous et musulmans, subit une partition hasardeuse. Elle se base sur des critères religieux. Le gouverneur général des Indes se heurte à de nombreuses protestations et résistances. En 1911, le projet de partition du Bengale est abandonné.

Lors de l’entrée en guerre du Royaume-Uni dans la seconde guerre mondiale, le colonisateur embarque le peuple indien. Le Royaume-Uni l’intègre de force dans le conflit. En réaction, Gandhi, avocat et homme politique, lance le mouvement Quit India. En 1942, il exige ainsi l’indépendance de l’Inde. La famine de 1943 au Bengale accentue encore le mécontentement du peuple indien. Les Britanniques optent pour la répression, emprisonnent Gandhi et rendent le Congrès national indien hors-la-loi. Malgré les émeutes et les sanctions, le mouvement indépendantiste gagne alors du terrain.

Inde unie ou divisée ?

Les oppositions politiques s’affirment progressivement. Deux groupes apparaissent : 

  • D’un côté, le Congrès national indien qui voit une frange indépendantiste se former. Ces nationalistes sont menés par Mohandas Karamchand Gandhi. Ils prônent une résistance civile basée sur la non-violence. Leur but ? Obtenir l’indépendance pour l’Inde et garder un peuple uni, par-delà les religions. 
  • De l’autre, la Ligue musulmane dont l’objectif premier est de défendre les intérêts des musulmans. Ce mouvement est mené par un avocat engagé politiquement, Muhammad Ali Jinnah. Au titre de l’autodétermination, il exige la création d’un état musulman : le Pakistan. En 1946, il déclare : « Nous aurons soit une Inde divisée, soit une Inde détruite ».

L’inéluctable indépendance en 1947

Gandhi entouré de Lord et Lady Mountbatten - Photographie IND 5298 des collections des Imperial War Museums - Wikimedia Commons
Gandhi entouré de Lord et Lady Mountbatten – Photographie IND 5298 des collections des Imperial War Museums – Wikimedia Commons

Alors que l’Inde semble être au bord d’une guerre civile, la couronne britannique décide d’envoyer Lord Mountbatten. Le cousin du monarque doit régler le problème. La solution trouvée ? Diviser le pays en deux états distincts : le Pakistan et l’Inde. Si cette décision de partition semble répondre aux revendications de la Ligue musulmane. Elle se fait toutefois dans la précipitation la plus totale. Cyril Radcliffe, l’avocat chargé de la partition, dispose de 5 semaines seulement pour dessiner les frontières des deux nouveaux pays. Ce dernier a une méconnaissance totale de l’Inde.

Dans un territoire où les communautés se côtoient et se mélangent. Tracer des frontières sur la base des majorités religieuses se révèle très complexe dans certaines régions comme le Bengale. Par ailleurs, les lacunes cartographiques de Radcliffe ont pour conséquence la division de plusieurs provinces. L’exemple le plus parlant : le Pakistan qui est séparé en deux régions distantes de 1500 km. Nous avons donc le Pakistan oriental et le Pakistan occidental.

Ces décisions hâtives seront catastrophiques pour les populations.

Source : Nigel Dalziel, The Penguin Historical Atlas of the British Empire, Penguin Books, 2006 ; Georges Duby, Atlas historique mondial, Larousse, 2003
Source : Nigel Dalziel, The Penguin Historical Atlas of the British Empire, Penguin Books, 2006 ; Georges Duby, Atlas historique mondial, Larousse, 2003

L’héritage d’un conflit sanglant : la mémoire de la grande partition des Indes

Flux migratoires et violences

L’Indian Independence Act de 1947 provoque des flux de réfugiés de grande ampleur. Des centaines de milliers de personnes se voient bloquées dans un territoire qui ne correspond plus à leur confession. Les princes eux-mêmes ont le choix de s’établir en Inde ou au Pakistan.

Environ 18 millions de personnes partent sur les routes, dans un chaos total. Au lendemain de la partition, les tensions latentes entre hindous et musulmans éclatent. Dans les territoires jusqu’ici gouvernés par les Britanniques, il y a désormais une majorité et une minorité religieuse. Massacres, attaques, viols, pillages, meurtres : les violences sont considérables. À ce moment-là, c’est encore la Couronne qui administre l’Inde et le Pakistan sous le statut de dominion. Ceci en vue de l’indépendance. Pourtant, rien n’est fait par l’occupant pour apaiser ou contenir cette violence.

L’héritage de la partition de l’Inde

À compter de cette date, la question des frontières reste brûlante entre le Pakistan et l’Inde. Certaines régions comme le Cachemire sont le théâtre d’affrontements sanglants entre l’Inde, le Pakistan et la Chine. Encore aujourd’hui, le litige perdure.

En 1971, le Pakistan oriental devient indépendant au prix d’un génocide de 3 millions de personnes. Un nouvel état est créé : le Bangladesh

Les tensions aux frontières restent vives et la mémoire de la partition est encore sensible. Les récits, longtemps cantonnés aux aspects politiques de l’évènement, se libèrent. Par exemple, la plateforme 1947 Partition Archive permet de donner la parole aux témoins de ces migrations d’ampleur. Les blessures enfouies sont désormais affichées au grand jour.  Et nous offrent une lecture très humaine de ce désastre du 20ᵉ siècle. 

Pour découvrir encore plus d’articles inspirants, téléchargez l’application Cultur’easy sur Applestore ou Playstore.

Par Alice Dauvilliers ,

Exploratrice dans l’âme, je suis une rédactrice web à la curiosité sans limites. Guidée par mon besoin de comprendre le monde, j’aime créer et jongler avec les mots. Les sujets qui me font vibrer ? L’histoire, l’éducation, l’astronomie, la cause animale, la cuisine, mais aussi la psychologie humaine et l’histoire des idées. Mon passe-temps préféré ? M’asseoir, contempler et prendre le temps de penser.

Commenter cet article


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.