La mort est un mystère tout aussi effrayant que fascinant. On a vu naître au cours de l’histoire une fabuleuse diversité de croyances, de rites et de pratiques, entre finitude humaine… et infinitude divine.

Qui n’a jamais tenté d’imaginer l’expérience de la mort et la vision de l’après ?

Nous ne pouvons pourtant qu’observer, de près ou de loin, et en tant que « spectateur », la mort d’autrui. Nous pouvons observer le déclin et la mort d’une fleur ou d’un arbre. Nos émotions face au phénomène de la mort sont infiniment variables, qu’elles soient vécues individuellement ou collectivement. De nos jours et dans notre culture occidentale, tout est fait pour que la mort soit discrète, lointaine. On cherche à apaiser la violence du deuil par l’ignorance et le silence. Tandis qu’ailleurs, on traite la mort avec familiarité, on médite, on la célèbre. Que ce soit à travers la religion, la tradition ou la philosophie, nous tentons depuis toujours de représenter ce que nous craignons, mais ne pouvons connaître.

La mort nest pas lopposé de la vie. La vie na pas dopposé. Lopposé de la mort est la naissance. La vie est éternelle. 

Eckhart Tolle

La loi de l’impermanence

Partout autour de nous, dans la nature, chez les espèces animales et les plantes, le cycle de la vie est une évidence. L’équilibre naît de la vie éphémère et successive des êtres. Certaines espèces éclosent pour vivre seulement quelques jours ou quelques heures, le temps de se reproduire. Toutes les formes de vie ont une nature transitoire. Le changement est omniprésent : les saisons se succèdent, nos corps changent, nos humeurs varient…

Nous sommes entourés de croissance et de décroissance, d’ascension et de chutes, de succès et d’échec. Une destruction entraîne une nouveauté, tout comme une personne qui disparaît conditionne l’apparition de la suivante, dans une relation naturelle de cause à effet. Cette notion d’impermanence est l’un des piliers de l’enseignement bouddhiste. L’acceptation du non-éternel est un moyen de se reconnecter entièrement avec l’instant présent, en tant qu’unique réalité, et de se détacher de toute le reste. Ainsi, la pensée de la mort devient une raison de s’accomplir chaque jour, et à chaque seconde. L’enseignement du Bouddha nous dit :

Celui qui considère son corps

Comme un mirage,

Comme un flocon d’écume,

Parviendra à ne plus voir la mort. 

L’utopie de la maîtrise et le désir d’éternité

Parallèlement, la société occidentale contemporaine porte un désir incessant de maîtrise : maîtrise du temps, de l’environnement, du corps, du mental, des émotions… Seul véritable obstacle à cette suprématie : la mort, inévitable et parfois imprévisible. Et quand bien même, l’homme n’a de cesse de tenter de la combattre et de prolonger les vies. Il faut exister le plus longtemps possible, reculer l’âge de la mort, sauver les condamnés ! Plus le temps passe, plus nous nous effrayons à l’idée de vieillir et de voir les marques du temps apparaître sur notre corps.

Nous voulons paraître plus jeune, transformer nos visages, cacher nos imperfections… Nous sommes confrontés à la peur du regret, cette hantise de ressentir un goût d’inachevé ou d’anéantissement précoce. Il est difficile d’accepter la notion de « fin ». Dans notre perception, chaque fin de quelque chose, peut être perçue comme une petite mort : un rêve qui se termine et qui n’existera jamais plus. Or, nous rêvons tous de moments immuables. Nous fantasmons tous d’une jeunesse éternelle.

Cest la mort qui console, hélas ! et qui fait vivre ;
C
est le but de la vie, et cest le seul espoir
Qui, comme un élixir, nous monte et nous enivre,
Et nous donne le cœur de marcher jusqu
au soir

La mort des pauvres (Baudelaire)

La mort que l’on ignore et que l’on fuit

Paradoxalement à la peur que nous avons de la mort, nos distractions sont remplies de morts scénarisées. Nous visualisons presque quotidiennement la mort d’individus à la télévision, dans les films, les jeux vidéos, les livres… Mais c’est comme si nous étions si loin de cette réalité, derrière nos écrans et dans notre vie ordinaire, que nous étions, en quelque sorte, intouchables. Nous regardons la mort à travers les médias, mais c’est une apparence à laquelle nous ne voulons pas être associés.

Dans notre vraie vie ordinaire, parler de la mort ne se fait pas : on voudrait parler de tout s’il vous plaît, mais d’autre chose. Moins on y pense, mieux on se porte. Du moins, c’est ce que l’on croit ! Notre société a évoluée dans une telle sacralisation du « vivant », que nous voyons  indubitablement la mort comme un échec. Mais à force de refouler indéfiniment la pensée de la mort, nous ignorons parfois comment lui faire face et l’affronter…

Du corps à l’esprit : ce qui ne meurt jamais

Personne ne croit en sa propre mort. Dans l’inconscient chacun de nous est convaincu de son immortalité. 

Sigmund Freud

Dans la plupart des cultures et des religions, la mort n’est pas considérée comme une fin mais comme un passage de transition avant la seconde vie éternelle et l’au delà. Les rites funéraires permettent de guider l’âme de la personne décédée vers la lumière et l’état de paix. Pour préparer ce renouveau, les corps font l’objet d’un soigneux traitement, conditionnant le passage vers l’ultime liberté.

Sarcophage égyptien
Sarcophage égyptien

En séparant l’âme et le corps, la mort permet la libération de la conscience immatérielle. Comme Platon le disait, la mort est une délivrance de tous les tourments du monde : « le corps est le tombeau de l’âme ». Quitter un corps pour en retrouver un autre, libérer l’âme immortelle, faire revivre les corps des défunts… Ces croyances sont liées par une volonté de donner un sens intemporel à notre existence vivante limitée. De voir la mort non pas comme une finitude tragique, mais bien comme un consentement, à la vraie nature des choses.

Quand la créativité humaine transcendance la mort

Selon André Malraux, l’art est la “part victorieuse du seul animal qui sache quil doit mourir”. Pour Freud, représenter la mort est une façon de la combattre par l’immortalité de l’œuvre. Toute l’histoire de l’art est empreinte de la mort. L’art est une manière d’exprimer l’irreprésentable. Lorsque nous écoutons par exemple le Requiem de Mozart, messe de célébration pour les défunts, nous découvrons une vision de la mort sublimée par l’art. De sorte que comme l’évoque Mozart lui-même : « son image non seulement na pour moi rien deffrayant mais est plutôt quelque chose de rassurant et de consolateur ».

La mort peut être une source infinie de créativité, de dépassement, et les idées ne manquent pas pour la célébrer ! Saviez-vous qu’à Madagascar, pendant le « famadihana », les hommes exhument les dépouilles de leurs ancêtres et dansent avec eux pour les honorer ? Qu’au Ghana, les cercueils sont personnalisés à l’image de la passion ou des rêves du défunt : ils prennent par exemple l’apparence d’un avion, d’un piano ou d’un poisson ?

Création de Paa Joe, le plus important artiste de cercueils personnalisés ghanéens
Création de Paa Joe, le plus important artiste de cercueils personnalisés ghanéens

Il n’y a pas de règle d’or avec la mort

Puisque nous ne connaissons pas ce qu’est la mort, nous pouvons l’imaginer comme bon nous semble. Nous pouvons pleurer les morts, nous pouvons rire en leur souvenir, nous pouvons danser en leur honneur. En naissant, nous acquérons une conscience grâce à notre corps et nos sens. Cette conscience existe en nous, en ayant notre matière et nos formations mentales pour support. Survit-elle à la mort physique et au renouveau matériel ? Se réintègre-t-elle dans un autre corps ? Chacun pourra bien s’approprier sa réalité. À défaut de croire en l’immortalité de nos âmes, nous pouvons toujours essayer d’apaiser notre inquiétude face au vide et à l’inconnu. La peur de mourir ne devrait pas se transformer en une peur de vivre ! Finalement, peu importe la conviction choisie, tant que la vision de la « fin » ne nous accable plus…

Nous devons nous considérer comme extrêmement fortunés lorsque nous inspirons à nouveau après avoir expiré

Nāgārjuna, philosophe bouddhiste

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Par  Marine Robert ,

Parisienne, libre et spontanée, elle a décidé de prendre la vie comme une aventure en provoquant l’inattendu. Férue d’art vivant et de débats culturels, son parcours lui apporte l’émotion et l’intensité qu’elle recherche. Au service de la diversité, elle aime croiser les regards, explorer les alternatives, et partager son optimisme.

1 Comment

  1. Nicole Armaingaud Répondre

    LA MORT SUBLIMÉE PAR L’ART
    Vivre sans peur de la mort , quad on arrive à un âge où on est prêt d’arriver au terminus , on vit chaque jour avec bonheur .avec nos souvenirs et cette soif d’apprendre encore et encore ….

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