Que serait la France sans ses innombrables châteaux ? Emprises militaires, résidences seigneuriales ou symboles de pouvoir,...Le Ministère de la Culture recense 11 000 châteaux protégés au titre des monuments historiques. Mais la France en compterait au total pas moins de 45 000.

Le Louvre, Chambord, Versailles, ces noms qui claquent au vent de l’Histoire ont fait de la France la première destination touristique. Pour autant, ils ne doivent pas occulter les châteaux plus confidentiels. Ceux qui ont aussi été le théâtre de moment cruciaux dans l’évolution de notre pays.

Le Louvre : une forteresse militaire devenu palais

Un des châteaux qui a fait l'Histoire de France : La forteresse du Louvre dans les Très Riches Heures du Duc de Berry (détail) © RMN/René-Gabriel Ojéda
Un des châteaux qui a fait l’Histoire de France : La forteresse du Louvre dans les Très Riches Heures du Duc de Berry (détail) © RMN/René-Gabriel Ojéda

Avant de devenir le musée le plus visité au monde, le Louvre est d’abord un château. Une véritable forteresse construite sous le règne du roi Philippe II Auguste. La forteresse du Louvre s’inscrit dans un vaste projet. Une enceinte que le roi fait édifier pour la défense de Paris. Nous sommes à la fin du XIIe siècle, avant que le roi ne parte pour la croisade. A ce moment-là, le pouvoir royal siège encore au palais de la Cité, au cœur de Paris.

En lieu et place de la grande Cour carré qui fait la renommée du musée du Louvre, il faut imaginer de hauts remparts. Jalonnés de tours crénelées, délimitant une cour intérieure au milieu de laquelle trône un donjon circulaire : la Grosse tour. Un large fossé sec entoure l’ensemble. Cette fortification, placée à l’ouest de Paris, direction dans laquelle la menace anglaise est la plus pressante, accueille et protège également les archives et le trésor du roi : la fonction régalienne est déjà liée à sa première fonction militaire. Du Louvre médiéval et de ses tours défensives, il subsiste quelques témoins enfouis sous la chaussée. Observables lorsqu’on parcourt les souterrains du musée. L’architecture défensive du Louvre est l’archétype de ce que l’on nomme « l’architecture philippienne ». Le château de Vincennes en est un autre exemple proche.

Agrandit par les rois qui se succèdent

Le Louvre perd son usage militaire défensif au XIVe siècle. La ville s’étend alors loin au-delà de la première enceinte de Philippe Auguste. Une seconde est construite par le roi Charles V. Le donjon est alors réaménagé. Les murailles sont percées de fenêtres et les toits s’ornent de cheminées travaillées. Le Louvre entame sa transformation en résidence royale.

Cette métamorphose atteint son point d’orgue avec l’avènement de la Renaissance en France. François Ier fait démanteler la Grosse tour en 1528 pour y construire un palais au goût italien.  Quelques années plus tard, sous Charles IX, le Louvre devient le siège du pouvoir monarchique. Il le reste jusqu’à Louis XIV, puisque le Roi Soleil préfère justement s’installer à Versailles… loin du  Louvre.

La forteresse royale de Chinon : point de départ de l’épopée de Jeanne d’Arc

Un des châteaux qui a fait l'Histoire de France : Reconstitution de l'ensemble fortifié à l'époque de Charles VII © Mercutio37
Reconstitution de l’ensemble fortifié à l’époque de Charles VII © Mercutio37

En fait de châteaux, la forteresse royale de Chinon est un ensemble composé de trois enceintes distinctes. Elles surplombent la Vienne depuis leur éperon rocheux : le fort du Coudray, le château du Milieu et le fort Saint-Georges. Depuis leur réalisation, dont les premiers éléments remontent au Xe siècle, ces fortifications verrouillent la région. Leur importance n’est pas négligée par les souverains successifs. La place est réputée imprenable et seul Philippe Auguste s’en empare en 1204, avant de l’améliorer et de la renforcer.

Deux siècles plus tard, le château de Chinon accueille le roi Charles VII et sa cour. Nous sommes en pleine Guerre de Cent ans. Le Dauphin, déshérité par son père Charles VI et n’ayant pas encore eu la possibilité de se faire sacrer à Reims, règne sur un territoire réduit à peau de chagrin. Mais c’est sans compter sur la ferveur de Jeanne d’Arc.

Le 23 février 1429, Jeanne arrive à Chinon

Après une chevauchée fantastique qui la mène de Vaucouleurs, dans la Meuse, jusqu’en Val de Loire, en onze jours. La légende raconte que la Pucelle fut capable de reconnaître le roi, dissimulé au milieu de ses courtisans, sans signe permettant de l’identifier. Elle ne l’avait pourtant jamais vu. Ce mythe est encore entretenu par les œuvres contemporaines, comme le film Jeanne d’Arc de Luc Besson. Mais Jeanne a bien rencontré Charles VII à Chinon. Cette entrevue, dans laquelle elle lui a exposé sa mission, marque le début de son épopée et de la reconquête de la France, cristallisant les espoirs de tout un peuple.

Le roi lui accorde sa confiance. En mai de la même année, elle ravitaille Orléans assiégée puis, contre toute attente, libère la ville. Cet événement est encore aujourd’hui célébrée par les fêtes johanniques. Après ce premier succès, Jeanne accomplit finalement son vœu : poussé par son enthousiasme, Charles VII brave le territoire ennemi et se rend à Reims. Il est finalement sacré roi de France dans la cathédrale de Reims le 17 juillet 1429.

Si le conflit ne prend réellement fin qu’en 1475, l’année 1429 marque un tournant majeur. Les Anglais vont être progressivement et irrésistiblement chassés du continent. Ce mouvement est né à Chinon.

Le château de Langeais : le mariage caché de l’hermine et des lys

Un des châteaux qui a fait l'Histoire de France : Façade côté jardin du château de Langeais © ThomasPusch
Un des châteaux qui a fait l’Histoire de France : Façade côté jardin du château de Langeais © ThomasPusch

Langeais, à quelques kilomètres de Tours, est un petit château du début de la Renaissance encore marqué par l’architecture militaire médiévale. La façade extérieure a tout de la forteresse et oppose au visiteur ses tours puissantes et son austère pont-levis. Mais côté jardin, le logis se dévoile. Une façade décorée, des salles confortables et dotées de cheminées monumentales qui l’ont rendu célèbre.

C’est dans ce décor que se déroule un événement aussi important que secret : le mariage du roi Charles VIII et d’Anne de Bretagne, le 6 décembre 1491. Replantons le contexte. A la mort du duc de Bretagne, François II, c’est sa fille Anne qui doit hériter. La Bretagne plonge dans une véritable crise dynastique. Pour préserver l’indépendance que la Bretagne défend depuis longtemps face aux velléités des rois de France, Anne épouse finalement par procuration Maximilien 1er de Habsbourg. Cependant, cette alliance fait peser une menace importante sur le royaume de France, à l’est comme à l’ouest. En effet, Maximilien est régent de l’Etat bourguignon, « roi des Romains ». C’est-à-dire élu au trône de l’empire romain germanique et faisant fonction d’empereur, en résumé l’un des plus puissants d’Europe.

Pour Charles VIII c’en est trop

Bien qu’il soit justement fiancé avec la fille de Maximilien, il envahit le duché de Bretagne sans que cela ne provoque la moindre réaction du côté de son futur beau-père. Plus occupé par la succession hongroise. Isolée, assiégée à Rennes, Anne se rend finalement au roi de France. Avec elle, c’est tout le parti breton qui se rallie. Escortée de son armée, elle se rend à Langeais pour les noces. Par contrat de mariage, Anne institue son futur époux duc de Bretagne avant que leur union ne soit célébrée, à l’aube du 6 décembre, dans la grande salle du château.

Une querelle diplomatique commence alors avec Maximilien. Mais Charles VIII obtient gain de cause auprès du Pape : le premier mariage par procuration est annulé. Anne de Bretagne est officiellement reine de France.

Le décor du château rappelle cette union secrète par de nombreuses hermines, emblème de la Bretagne, dans les peintures murales et les sols. Les lys ne sont jamais très loin, même s’il faut en réalité attendre le mariage de la fille d’Anne, Claude, avec François Ier, pour que la Bretagne bascule définitivement dans le giron royal.

Ce long processus d’annexion entamé à Langeais en 1491 n’a pris fin qu’à la Révolution, avec la suppression du Parlement de Bretagne qui met un terme définitif à l’autonomie de la région.

Versailles : le soleil qui éclaire l’Europe

Un des châteaux qui a fait l'Histoire de France : Le château de Versailles en 1682 © CC
Le château de Versailles en 1682 © CC

Pourquoi faire d’un modeste relais de chasse le siège de la monarchie la plus puissante d’Europe ? Voilà sans doute la question qu’ont dû se poser les contemporains de Louis XIV lorsqu’il entame les travaux qui ont fait de Versailles l’un des plus beaux châteaux au monde : le soleil de l’Occident.

En voici la raison : échaudé par le traumatique épisode de la Fronde des grands seigneurs et l’hostilité de Paris dans laquelle il ne souhaite pas se retrouver de nouveau prisonnier, Louis XIV décide de s’en éloigner. Après le Louvre, c’est donc au tour de Versailles de connaître une longue période de transformation.

La situation de Versailles n’était pourtant pas favorable à l’établissement d’une demeure royale : le lieu est marécageux, ensablé, sans air, sans eau. Saint-Simon en dresse un sinistre portrait. Cependant, après 20 ans de travaux menés par l’architecte Le Vau, la cour délaisse le Louvre et s’installe à Versailles en 1682. Avec elle, des milliers de personnes vont transformer le domaine en fourmilière : la maison du roi, les seigneurs, les officiers royaux, les domestiques, sans oublier les ouvriers, marchands et tous ceux qui permettaient le fonctionnement du château.

L’avènement de Versailles comme résidence et siège du pouvoir royal permet à Louis XIV de contrôler les grands nobles du royaume dont il se méfie depuis son enfance.

L’étiquette atteint sous son règne un degré de codification inégalé. A travers la disposition des pièces, les rituels associés aux différents moments de la journée, le programme iconographique déployé dans le palais et les jardins, par le faste des réjouissances qu’il y organise, le roi met en scène la personne royale et affirme la préséance de la couronne de France dans le monde. Versailles est l’emblème de la politique de prestige qu’il mène tout au long de son long règne, lui qui dirige alors un pays riche, avec la population la plus nombreuse d’Europe.

Versailles est Louis XIV, l’étiquette va d’ailleurs immédiatement perdre de sa rigidité avec la mort du roi, en 1715. Mais Versailles est également l’aboutissement logique de l’absolutisme qui s’est développé depuis François Ier, déracinant peu à peu le pouvoir de son fondement traditionnel. Lorsque la Révolution vient remettre en cause cet absolutisme, Louis XVI doit quitter le château pour retourner… en face du Louvre, au Palais des Tuileries, au cœur de Paris.

Le Louvre, Chinon, Langeais, Versailles : ces quatre châteaux réaffirment l’importance de l’architecture dans la construction de l’image du pouvoir. Forteresses et lieux d’exercice de la royauté, ces quatre édifices sont les témoins vivants de l’évolution progressive de la monarchie française au cours des siècles. Ces châteaux sont les figures de proue de la richesse de notre histoire et doivent nous inciter à pousser plus loin la découverte de notre patrimoine, parfois à l’écart des grands noms de l’histoire.

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Par  Patrick Gausserès,

Tombé dans la marmite quand il était petit, Patrick se passionne dès son plus jeune âge pour l'archéologie et l'histoire des civilisations antiques. Ses goûts éclectiques le conduisent de l'étude de l'héraldique à l'histoire du vêtement, pour finalement se consacrer à la sauvegarde du patrimoine architectural français pendant près de 10 ans. Au bout du chemin, une seule vocation demeure : la transmission.

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