En plus de deux siècles le cirque a subi de très nombreuses évolutions
De son âge d’or vers 1840-1850 à son déclin dans les années 1950. Il traverse de nombreuses phases inspirantes ou critiques marquées par le passage du cirque classique au cirque nouveau. Des éléments emblématiques le composent. La piste, le chapiteau, Monsieur Loyal, le dressage de fauves…

Le cirque nouveau est impulsé par de jeunes artistes. Ils tentent de renouveler les arts circassiens en créant les ruptures nécessaires avec le cirque traditionnel. Jonglant entre les envies contradictoires d’un public tout à la fois conservateur et progressiste.
Aux origines nous avons les jeux romains
Caractérisés par les combats de gladiateurs et les courses de chars que tout le monde s’imagine. D’autres disciplines étaient néanmoins très prisées comme les combats et le dressage des fauves ou encore la voltige. Les lignes directrices admises étaient celles de la domination de l’homme sur l’animal et du surpassement.

Le cirque classique est traditionnellement reconnu comme relevant du XVIIIè siècle
Il est notamment lié aux performances essentiellement équestres. Le cirque traditionnel a toujours été une entreprise économiquement fragile. Et ce malgré ses heures de gloire au XIXème siècle et la fascination populaire qu’il suscite
Après la seconde guerre mondiale son déclin s’amorce irrémédiablement. Dans les années 1970 l’évolution du regard social sur le rapport entre l’homme et l’animal est indéniable. Le besoin d’un renouveau du cirque sur le fond et la forme devient vital.
De jeunes artistes du cirque ainsi que les héritiers des dynasties circassiennes en difficulté, malgré une certaine réticence, comme les Fratellini et les Gruss apportent de nouvelles propositions. Ils créent notamment les premières écoles du cirque.
Le rôle fondateur de Philip Astley
On lui attribue la paternité du cirque traditionnel vers 1760. Ce militaire dans la cavalerie anglaise va produire les premiers spectacles liés aux démonstrations équestres comme le dressage et la voltige.

Vers 1770 il vient en France pour donner des représentations et ouvre un cirque fixe. Il invite à ses côtés différents partenaires. L’un des aspects fondamental de cet univers relève alors de la multiplicité des intervenants et des disciplines.
Le cirque français connait son âge d’or et s’exporte en Europe au milieu du XIXème siècle. Notamment avec la figure du directeur et gérant de cirques Louis Dejean. Il inaugure le Cirque des Champs Elysées puis dès l’avènement du Second Empire, le cirque Napoléon, futur Cirque d’Hiver.

Pour l’anecdote c’est dans cette salle mythique que Jules Léotard se produit. Il n’est autre que l’inventeur du trapèze volant.
Les éléments essentiels du cirque traditionnel
Le chapiteau, la piste circulaire et Monsieur Loyal qui présente une succession de numéros indépendants. Un très grand nombre de disciplines présentées : acrobatie, mime, jonglage, trapèze, équilibre, scènes clownesques… On y trouve également des numéros avec des animaux. L’ensemble est mis en musique par un orchestre ou une fanfare qui fait partie de la troupe. Voilà les différentes composantes d’un cirque traditionnel.

La difficulté de ce type de représentation est dans l’enchaînement fluide des numéros, les interventions de Monsieur Loyal et les reprises clownesques détournent alors l’attention du spectateur afin d’installer convenablement la piste.
Pourquoi une piste de 13 mètres?
Celle-ci remonte à l’origine des numéros qui sont liés au monde équestre. L’écuyer placé au centre de la piste régule les allures des chevaux à l’aide d’une chambrière. Cette dernière faisant environ 6 mètres de long une fois déployée, les pistes ne pouvaient pas être plus larges.
Cet univers fascine les grandes figures d’autres disciplines artistiques
Nombreux sont les poètes et encore plus les peintres qui se sont inspirés de l’univers circassien comme Picasso, Matisse, Seurat, Chagall… L’influence de la tradition est considérable et l’on compte aujourd’hui de nombreux cirques qui fonctionnent toujours sur ce modèle.

Cependant les évolutions sociétales et technologiques, comme l’usage de la télévision et de la radio, ont conduit à une désaffection progressive du public depuis les années 1950 jusqu’à aujourd’hui.
Le cirque actuel ou contemporain
Il est difficile de définir ce nouveau genre très divers et varié. On peut néanmoins en donner quelques aspects récurrents.
Vers la fin des animaux sauvages
Une des principales accusations à laquelle doivent répondre les acteurs de ce cirque historique est celle liée à la condition animale. La captivité des animaux fait de plus en plus débat et 19 pays européens ont à ce jour interdit les animaux sauvages dans les cirques.
En France, les mesures dans ce sens s’accélèrent puisque la ministre de l’Environnement a annoncé le 29 septembre 2020 l’interdiction progressive de présentation et de reproductions d’animaux sauvages dans les cirques français. Les résistances sont pourtant encore fortes et il est intéressant de relever des propos, sources de réflexions, face aux militants de la cause animale.
C’est le cas notamment de la sociologue et zootechnicienne Jocelyne Porcher:
Contrairement à ce qu’on pense, les personnes qui travaillent avec les animaux ont une grande connaissance de ces derniers, une histoire commune, une culture et des liens affectifs…
Jocelyne Porcher, Emission « Affaire en cours« , France Culture
La remise en cause de la piste
Le passage du chapiteau à la salle est fort en symbolique car illustre une structuration de la pratique. Parfois le chapiteau disparaît mais la piste demeure ou inversement. Néanmoins force est de constater que souvent la tente est conservée mais souvent avec des formes originales comme le Chapiteau de Cordes d’Archaos ou la bulle des Arts Sauts.
L’abandon de la succession des numéros
« Monsieur Loyal » était jusqu’à présent un personage clé, génial présentateur et maître de la piste créant le lien entre les différents numéros et troupes. Le cirque nouveau explore l’idée de continuité avec la notion de collectif artistique et de personnages qu’on retrouve tout au long du spectacle donnant ainsi « congé » à Monsieur Loyal.
Apparition de nouvelles esthétiques
Le cirque contemporain souhaite casser les codes du traditionnel. L’introduction de ces nouveaux codes est née de la volonté d’artistes comme Bartabas et son Cirque Zingaro, Christian Taguet et le Cirque Baroque, le Cirque Plume (qui est dans sa dernière saison). Avec ces cirques nouvelle génération, c’est la poésie et le visuel qui prime au-delà de la performance.
Le développement des festivals
Célèbre est le Festival international du cirque de Monte-carlo à l’initiative du prince Rainier qui réunit depuis 1974 les meilleurs artistes de chaque discipline. Autre événement important le Festival Mondial du Cirque de Demain, fondé en 1977 et dirigé aujourd’hui par M.Pacherie. Le Festival international du cirque des Mureaux n’est pas en reste et propose un panorama mondial d’artistes de talent depuis bientôt 20 ans.
Ces rencontres permettent aux jeunes artistes de se présenter devant un jury international et contribuent fortement au renouveau du genre.
Les écoles de cirque
De nombreuses écoles locales de cirque sont apparues avec beaucoup de succès. En 1988 est créée la FFEC (Fédération Française des écoles du cirque), qui structure un réseau très dense et dynamique autour de la découverte et l’initiation aux arts circassiens notamment auprès des publics scolaires. Cent trente écoles sont adhérentes au réseau avec 27000 licenciés. Cet engouement est une spécialité française !
Des initiatives innovantes pour demain
Soucieux de correspondre aux attentes des publics, le cirque Roncalli remplace désormais la présence des animaux par des hologrammes projetés sur scène. La magie est toujours au rendez-vous grâce à la technologie.
Nous avons décidé de ne plus avoir d’animaux pour leur propre bien-être… De toutes façons, la plupart des numéros du show sont déjà faits aujourd’hui par des artistes et des clowns. Le cirque Roncalli se concentre sur des numéros poétiques et acrobatiques
Markus Strobl, responsable de la communication du cirque Roncalli, interrogé par RP Online
En bref
L’état a bien compris l’attachement des Français pour cette pratique artistique et son rayonnement populaire persiste en dépit des accusations liées aux rapports de force des cirques traditionnels sur les animaux. Depuis les années 1970 le cirque est intégré au ministère de la culture. Cette reconnaissance « d’un art du cirque » est fondamentale.
En 2001 c’est le lancement de l’Année des arts du cirque et la signature avec les collectivités territoriales de » la Charte d’accueil des cirques dans les communes ». Au-delà de ses multiples évolutions vers le théâtre, la musique ou la danse. Délaissant le défi à la mort, les animaux et la succession des numéros. Le cirque contemporain conserve un profond respect pour le cirque traditionnel.
L’héritage laissé par les dynasties circassiennes n’est pas mort. Il se fond résolument dans un projet pour demain et continuera à faire rêver petits et grands.
Par Nicolas Samson-Agnez,
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