La Fondation Dubuffet est installée dans un hôtel particulier à Paris et à Périgny-sur-Yerres dans le Val-de-Marne. Cette institution a été fondée par Jean Dubuffet (1901-1985) en 1974. Il souhaitait préserver la cohérence de son œuvre et présenter au public ses créations et travaux. La Fondation Dubuffet conserve plus de deux mille cinq cents œuvres : peintures, sculptures, maquettes d’architectures, gouaches, dessins, estampes… L’artiste a également légué son fonds d’archives constitué d’une riche correspondance, de photographies… Jusqu’au 6 janvier 2023, la Fondation Dubuffet propose une exposition sur la thématique de la ville qui a traversé le parcours de l’artiste.

« Personnage pour Washington Parade » de Jean Dubuffet, 1973-2008 - Fondation Dubuffet, Paris © ADAGP, Paris / Photo Fatma Alilate
« Personnage pour Washington Parade » de Jean Dubuffet, 1973-2008 – Fondation Dubuffet, Paris © ADAGP, Paris / Photo Fatma Alilate

Rebelle et indépendant

Né au Havre dans une famille très aisée de négociants en vins, Dubuffet occupe une place majeure dans l’Histoire de l’art de la deuxième moitié du XXe siècle. Sculpteur, plasticien, il est aussi un des premiers théoriciens de l’Art brut – productions de marginaux et de malades mentaux – dont il a été un fervent collectionneur. C’est d’ailleurs dans l’immeuble du 137 rue de Sèvres, à Paris, qui accueille désormais le siège de la Fondation Dubuffet qu’a été conservée la collection personnelle du peintre. Et ce avant son transfert à Lausanne en Suisse, en raison des hésitations de l’administration française.

Rebelle et indépendant, suivant son propre cheminement artistique, Dubuffet connaît le succès tardivement, au début des années 1960. Très tôt, il a une passion pour l’art et il pratique le dessin. Il suit une formation à l’école des Beaux-Arts du Havre en parallèle à sa scolarité au lycée. Passé par l’Académie Julian, il préfère finalement se former seul. Au début de sa vie parisienne, dans les années 1920, il côtoie Suzanne Valadon qui l’encourage, Max Jacob, Fernand Léger… Passionné et curieux, il voyage beaucoup et continue à apprendre (musique, littérature, ethnographie…), tout en gérant une entreprise de négoce en vins.

En 1942, il se remet à peindre et décide de se consacrer exclusivement à cet art.

Sa première exposition a lieu en 1944 à la Galerie René Drouin. Ses œuvres font immédiatement scandale et provoquent le rejet de certains critiques. Il affectionne les dessins d’enfants, leur naïveté, et bien sûr l’Art brut dont il s’inspire. Contestataire, il refuse d’entrer dans un courant mais défend son œuvre.

Le vrai art, il est toujours là où on ne l’attend pas. Là où personne ne pense à lui ni ne prononce son nom.

Très novateur, il a inspiré des artistes comme Basquiat ou Niki de Saint Phalle. Sa période la plus connue est celle du cycle de L’Hourloupe (1962-1974). Elle fut initiée par des dessins réalisés aux stylos-billes rouge et bleu. Cette étape de son parcours est proposée dans l’exposition Marionnettes de la ville. Mais cette monographie couvre une période plus vaste. Dubuffet s’est passionné pour la vie moderne et en a saisi différentes dimensions. Il a été un observateur aiguisé des Trente Glorieuses, cette période de forte croissance économique après la Seconde Guerre mondiale.

« Restaurant Rougeot » de Jean Dubuffet, 1961 - Exposition « Marionnettes de la ville » à la Fondation Dubuffet, Paris © ADAGP, Paris / Photo Fatma Alilate
« Restaurant Rougeot » de Jean Dubuffet, 1961 – Exposition « Marionnettes de la ville » à la Fondation Dubuffet, Paris © ADAGP, Paris / Photo Fatma Alilate

La frénésie urbaine

Les peintures de l’exposition ont pour sujet Paris, ses rues et immeubles, les restaurants, ses transports en commun, les automobiles et les passants. Les enseignes s’affichent en lettres capitales : ALIMENTATION, PRIMEURS… Le quartier du Panthéon où est installé son Atelier est peint à plusieurs reprises. Dans ses œuvres, « l’homme du commun » est central. Les gens ordinaires animent ses toiles, au pied d’un mur ou sur la place de L’Estrapade.

Dubuffet veut aussi rendre accessibles ses créations, hors des circuits traditionnels et des normes artistiques. La décennie 1940 est déjà riche et féconde. Après une parenthèse dans le Sud de la France, à Vence, Dubuffet revient vivre à Paris. Il réalise alors les peintures pétillantes et colorées de la série Paris Circus, (1961 à 1962). L’artiste est captivé par la frénésie urbaine. Il peint des voitures de toutes marques et les gens sont présentés en plans rapprochés comme s’il les voyait au microscope. Il y a beaucoup d’humour dans ses toiles. Dans l’une d’elles, de multiples têtes ont pour titre Affluence (1961).

Il peint la société de consommation, l’attractivité des grands magasins comme Le Bon Marché où s’agglutinent les clients.

Apparaissent aussi les dîneurs du Restaurant Rougeot du boulevard du Montparnasse où Dubuffet avait ses habitudes. Il s’était alors installé rue de Vaugirard. Au premier niveau de la Fondation, un fac-similé d’un carnet de croquis permet au public de consulter les copies des croquis qui sont sous verre. On peut tourner les pages, cette initiative permet une proximité avec son travail préparatoire, souvent annoté.

Le dernier étage a l’aspect d’un atelier en mezzanine, il est consacré au cycle de L’Hourloupe. Les différentes œuvres sont en résonance : Promeneuse en ville, Dimanche urbain, Passants, Lieu de passage… De superbes photomontages révèlent sous un nouvel angle de célèbres sites parisiens. Près de la cathédrale Notre-Dame de Paris, La Seringue est placée sur le pont de la Tournelle. La Tour aux figures prolonge l’Esplanade du Trocadéro. Dubuffet a voulu entrer dans les images.

Ses maquettes sont des édifices habités par de petits personnages, en écho à des décors de théâtre. L’exposition se conclut par les Partitions (1980-1981). Les personnages sont sous bulle ou en petits groupes – les immeubles passent en arrière-plan.

Photomontage « La seringue et le Pavillon à deux étages, vue sur le pont de la Tournelle, Paris » de Jean Dubuffet, 1967 - Exposition « Marionnettes de la ville » à la Fondation Dubuffet, Paris © ADAGP, Paris / Photo Fatma Alilate
Photomontage « La seringue et le Pavillon à deux étages, vue sur le pont de la Tournelle, Paris » de Jean Dubuffet, 1967 – Exposition « Marionnettes de la ville » à la Fondation Dubuffet, Paris © ADAGP, Paris / Photo Fatma Alilate

Ancré dans son époque, l’esprit toujours alerte, Dubuffet réinvente la ville.

Il a été le témoin de nouveaux modes de vie et de grands bouleversements. Dubuffet s’est aussi intéressé aux gens qu’il observait avec attention quand il arpentait les rues de la capitale. Il en a fait des « marionnettes » transposées dans le spectacle de Paris. Sophie Webel, commissaire de l’exposition et directrice de la Fondation Dubuffet, montre l’importance de la dimension urbaine et la répétition de certains motifs dans l’œuvre de l’artiste, tout au long de son parcours.

Fatma Alilate

Exposition Marionnettes de la ville – Jean Dubuffet

Fondation Dubuffet

137 rue de Sèvres

75006 Paris

Tél. : + 33 (0) 1 47 34 12 63

www.dubuffetfondation.com

Commissariat : Sophie Webel

Jusqu’au 6 janvier 2023

Du lundi au vendredi, de 14h à 18h ; ouverture exceptionnelle le samedi 10 décembre 2022.

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