Morticia, la mère au teint blafard ; Gomez, le père, cheveux gominés et yeux exorbités ; son frère Fétide, qui a l’étrange capacité de conduire l’électricité ; Mamie Addams, la grand-mère un peu sorcière ; les enfants, Pugsley et Mercredi, aux jeux aussi inattendus que sanguinolents… Mais qui sont ces personnages maléfiquement attachants que l’on n’aimerait pas avoir comme voisins, même sous la torture ?!! Ils sont les membres d’une famille à faire peur, qui nous attire et nous dérange à la fois. Partons à la rencontre de la famille Addams !

D’où vient la famille Addams  ?

Le dessinateur Charles Addams et ses personnages
Le dessinateur Charles Addams et ses personnages

Dans les années 1930, Charles Addams, dessinateur humoristique américain d’à peine 30 ans, crée une galerie de personnages qui s’affiche en 1938 dans le magazine The New Yorker. L’homme est depuis son plus jeune âge attiré, que dis-je, fasciné par le dessin, mais également par le macabre et la mort. Il ne dessinait d’ailleurs que des squelettes et des tombes, au grand dam de ses parents !

Devenu adulte, il lâche tout dans ses crayons : son goût du morbide, du sinistre et de l’humour noir. Son excentricité aussi ! On peut lire un peut partout qu’à l’instar de ses personnages, il collectionne des couteaux, des épées, et tout ce que comptent les institutions funéraires de matériel d’embaumement ! La rumeur court même qu’il dort dans un cercueil et qu’il aime faire des pique-niques dans des cimetières.

Lui se délecte à créer une famille aussi atypique qu’attachante, biberonnée au gothique et à l’humour tranchant comme… une lame de rasoir

L’antithèse parfaite de la famille américaine bien sous tout rapport. Si les prénoms ne sont au départ pas encore définis, le nom de famille, lui, fait évidemment référence à celui de leur créateur. Ce qui est assez drôle et subtil lorsque l’on connaît son inclination pour le macabre. Ainsi se crée-t-il ce qui semble être sa famille idéale, et bouleverse les codes dans l’ordre établi et bien coiffé de LA famille exemplaire.

Normalité versus différence 

La famille Addams symbolise les deux faces d’une même pièce : pile, la part d’ombre de chacun.e de nous, face, ce que nous donnons à voir en société. Le Yin et le Yang, l’ombre et la lumière, le noir et le blanc. Bien sûr, il y a une part de réussite : famille riche, vivant dans une grande demeure, qui affiche son libre arbitre de manière complètement décomplexée. Et puis, il y a cette part moins « acceptable », moins « présentable » : celle de ne pas se préoccuper des gens dits normaux, et d’assumer complètement et ouvertement leur réputation d’illuminés.

Charles Addams cherche en fait à faire prendre conscience à ses lecteurs que la normalité n’est qu’illusion. C’est la différence qui assure de la richesse et de la densité à une personne. La Famille Addams propose ainsi un modèle familial radical, inversant les normes genrées et autres conventions sociales pour embrasser la différence, si étrange soit-elle, de tous ses membres.

Ainsi par exemple, le père, Gomez, aristocrate plus oisif qu’actif, dont les investissements sont davantage guidés par la fantaisie que par la stratégie. Sa femme, Morticia, qui est, quant à elle, la vraie tête de la famille. Discrète, certes, mais dégageant un magnétisme et une autorité affirmée. N’oublions pas la période à laquelle la Famille Addams a été créée.

Vous êtes monstrueusement belle ! 

Dessin de la famille Addams au complet par l'auteur
Dessin de la famille Addams au complet par l’auteur

Pourquoi nous attachons-nous aux monstres ? Que nous renvoient-ils ? Les monstres, c’est cette part d’inconnu qui sommeille en chacun.e de nous. Cette terreur qui nous cloue au pilori de notre incompréhension. Nous, êtres humains mortels, nous fonctionnons de manière binaire. Le Bien. Le Mal. Nous avons appris à les reconnaître et à les distinguer. Et nous réglons notre fonctionnement là-dessus. Pour notre bien-être et celui des autres, et surtout, par respect des conventions.

La Famille Addams, c’est tout le contraire. Le point de vue humoristique macabre adopté par leur créateur nous amène à nous interroger sur nos propres valeurs d’une part, et finalement à nous attacher à cette famille pas comme les autres.

La Famille Addams constitue d’un côté le stéréotype millimétré de la famille nucléaire idéale

Le père, la mère, la fille, le fils, auxquels se connectent d’autres éléments – mais « disjoncte » complètement d’un autre côté. En s’adonnant par exemple à des actes plus que répréhensibles – quand Mercredi choisit des jeux propre à torturer ou tuer son frère -, ou en faisant appel à une psychologue lorsque Pugsley se comporte de façon trop « normale ». Sont-ils tous malheureux pour autant ? Absolument pas. Ils se sont créé un schéma de fonctionnement qui leur apporte une forme d’harmonie et d’équilibre. Ils vivent et évoluent dans une forme de transgression qui nous dérange et nous fascine, nous, lecteurs. Du coup, on en redemande ! Est-ce un simple désir d’adrénaline ? La révélation de nos propres angoisses et traumatismes intimes ?

Beaucoup s’accordent à dire qu’on ne naît pas monstre. On le devient.

Le monstre bouscule les codes. Il est celui qui ne rentre pas dans les normes préétablies. C’est ce qui en fait un être contre-nature, évoluant en marge de l’humanité, ou tout au moins de la société. C’est tout la Famille Addams çà ! Par ailleurs, plus le monstre est bien (d)écrit, plus nous entrons en empathie avec lui, en le glorifiant, voire en l’idéalisant, et ce, bien souvent malgré nous.

Eh oui ! Le monstre agit sur nous comme figure de marginalité, non accepté en raison de sa différence, mais libre. Qui n’a jamais rêvé d’être libre, de ne pas se soucier du qu’en-dira-t-on ? Le monstre est aussi un moyen de jouer avec nos peurs. Ce quelque chose qui nous ramène à notre enfance, alors que nous étions terrifiés par l’ogre du Petit Poucet ou la sorcière de Blanche Neige, mais dont nous redemandions l’histoire chaque soir.

La Famille Addams : la célébration de la différence

Illustration de la Famille Addams par Charles Addams
Illustration de la Famille Addams par Charles Addams

Par l’esthétique néo-victorienne et noire de chacun de ses membres, elle en fait tout d’abord une figure d’inspiration de la culture gothique qui a vu le jour dans les années 1980. Elle célèbre ensuite un modèle de famille matriarcal, c’est-à-dire dominé par les femmes. Nous l’avons vu à travers Morticia la mère et Mercredi la fille. Enfin, avec leur étrangeté, leurs lubies macabres et des règles complètements décalées, elle exerce sur nous une mise à distance double : nous ne les percevons pas comme une famille dite « normale », mais en les observant à la loupe, nous pouvons cependant reconnaître ce qui les rapproche de nous.

Est-ce alors si surprenant si les adaptations cinématographiques et plus récemment la série « Mercredi » sont de véritables succès ?

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Article concocté par Claire Bouchet,

Un jour de printemps d’une année devenue incertaine, les mots se sont accrochés à ma plume pour ne jamais la quitter. Qu’ils jaillissent sans prévenir ou bullottent lentement en profondeur, telle la lave de mes Volcans d’Auvergne d’adoption, j’en prends soin, je leur parle, les caresse, les acidule, jusqu’à ce qu’ils soient prêts à être lus. Ici ou ailleurs, les pieds sur terre et la tête dans les étoiles, j’arpente les sentiers de l’écriture sans jamais perdre le nord ni me départir de mon carnet fétiche, témoin silencieux et fidèle de mon imagination fertile. Ma curiosité funambule sur le fil de l’art, fait ses gammes en musique, virevolte d’une toile à une expo, esquisse des pas de deux sur des danses d’un autre temps et s’anime devant un livre ouvert. Une vraie Zébulone !!

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