Savez-vous qui était Rosa Bonheur ? Il y a encore quelques semaines j’allais dans une guinguette parisienne portant son nom en ignorant l’œuvre, le talent, la femme incroyable qui se cachait derrière. Pourquoi ne m’avait-on jamais parlé d’elle en cours d’arts plastiques ? Comment ai-je pu pendant tant d’années ignoré son existence ? Il est temps de rendre à Rosa Bonheur ce qui appartient à Rosa Bonheur !

Crédits : 
Episode 4: « Mea Culpa, Rosa Bonheur  »
Un texte de
Caroline Garnier
Réalisé par 
Caroline Garnier et Elodie Bedjai
Voix : 
Caroline Garnier
Musique originale : Lucas Beuneche
Montage, habillage et mixage : Lucas Beuneche
Production exécutive et artistique : 
Elodie Bedjai
Illustration : 
Annaïs Helou
« Je voulais vous dire », une série de 
podcasts Cultur’easy
Une conception originale de 
Elodie BedjaiCaroline GarnierMarion Labbé-DenisMarie Duris et Amélie Gonin.
Produit pa
r Cultur’Easy

Retranscription de Mea Culpa Rosa Bonheur

Chère Rosa Bonheur,

Je vous fais mon Mea Culpa. Oui, je suis désolée d’avoir réduit votre personne, votre œuvre, votre modernité à une…guinguette. Une guinguette très sympathique cela dit, présente dans les 4 coins de Paris, mais bien loin de vous rendre totalement hommage… ou dirais-je plutôt femmage. Parce que vraiment vous étiez une femme sacrément BADASS. Vous étiez ce genre de femme à faire bouger les lignes, à bousculer les normes. Vous étiez cette femme qui s’est imposée dans un milieu d’homme, qui s’est battue pour se faire sa place et qui avouons-le, les a quand même bien mis à l’amende. Et franchement rien que pour ça, vous êtes mon idole !

Mais je ne comprends pas pourquoi il a fallu que je me questionne sur la femme qui se cachait derrière le nom de cette guinguette pour découvrir votre incroyable parcours. Pourquoi on ne m’a jamais parlé de vous en cours d’histoire ? Pourquoi à l’école on ne m’a jamais parlé de vos sublimes œuvres ? J’aurais tant aimé qu’on vous fasse une place dans mes cours d’art plastiques. J’aurais tant aimé que l’art de Rosa Bonheur suscite plus d’intérêts que celui de Picasso.

Oui, parce que vous avez été une artiste des plus talentueuses du 19ème siècle

Et à votre époque, c’était loin d’être gagné. En tant que femme, on avait déjà à peine le droit de parler donc peindre, c’était vraiment “the” truc choquant quoi !

[VOIX OFF – ton misogyne décalé] Bah oui, enfin quoi ! il manquerait plus qu’elles soient indépendantes et qu’elles dirigent des entreprises. Non, mais ça va pas la tête !

Bon heureusement, votre papa était bien loin de cet état d’esprit. Il était même hyper progressiste. Et peu importe si ça choquait, il a tenu à ce que vous, sa fille, s’initie à la musique et aux arts. Une sacré audace dans une époque où on fait bien sentir aux femmes qu’elles n’ont pas de place dans le monde de l’art.

Oh mais c’était mal vous connaître

A 13 ans, vous décidez d’abandonner votre travail de couturière pour vous consacrer pleinement à la peinture et au dessin. Très rapidement, vous vous spécialisez dans la peinture d’animaux. Bon en même temps, il était interdit aux femmes de peindre autre chose que des natures mortes et des paysages. Seuls les hommes pouvaient peindre des corps nus, c’est-à-dire grosso modo tous les tableaux représentant des scènes mythologiques. 

[VOIX OFF – ton misogyne décalé] Ah bah déjà qu’on tolère que les femmes peignent, faut pas leur donner tous les droits non plus! Non mais oh !

Mais quoi qu’il en soit, vos tableaux de scènes d’animaux plaisent. A partir de vos 19 ans, en 1841, vous exposez chaque année au salon de Paris. Une immense reconnaissance, honorée en 1848 par une médaille d’or, pour votre tableau “Bœufs et Taureaux, race du Cantal”.  Bon dis comme ça c’est pas très sexy, mais aujourd’hui, il est quand même exposé au Musée d’Orsay, rien que ça !

Votre talent fait très rapidement l’unanimité

Vos toiles s’arrachent à des prix mirobolants et surtout vos collègues masculins s’inclinent devant vos œuvres. Un certain Théophile Gautier a notamment dit à propos de votre tableau “Le Marché aux chevaux”: “elle fait de l’art sérieusement, et on peut la traiter en homme !”. Alors ça, c’est ce qu’on appelle avoir le sens du compliment !

Malgré la difficulté pour une femme à s’imposer dans le milieu de l’art, non seulement vous vous êtes fait une place, mais en plus vous avez mis tout le monde d’accord sur votre talent ! Chapeau l’artiste !

Mais vous n’avez pas fait que repousser les frontières du monde artistique, vous avez chamboulé les codes de la société. En tant que grande non-conformiste, vous avez refusé de vous marier, vous portiez les cheveux courts, vous fumiez le cigare et surtout vous montiez à cheval comme un homme et non en amazone.

Vous étiez une femme moderne, libre, insoumise, tout simplement

En plein 19ème siècle vous avez vécu plus de 50 ans une union avec la même femme. Vous faites partie de ces femmes que j’admire pour leur courage et leur refus de se plier à une norme qu’on leur a dictée. Vous faites partie de ces femmes qui ont œuvré à la reconnaissance des femmes dans des milieux très fermés.

Je crois que je vous admire parce que vous avez su dire “Non”. Non à ceux qui pensent que le talent, la liberté, l’indépendance, la pensée a un pénis. Et finalement dans une époque où on pensait qu’il était impossible qu’une femme peigne bien, très bien, mieux qu’un homme, vous leur avez démontré que l’impossibilité n’est qu’une norme. Alors je sais que du haut de notre 21ème siècle, nous ne pouvons pas réellement comprendre la violence que vous avez dû subir et le courage, la force que vous avez eu pour vous faire une place.  Mais même au 21ème siècle, en tant que femme, la société, l’éducation, le cinéma, bref la société nous fait sentir que notre place est par ici ou par là. Et nous avons tellement intégré ce message que nous nous convainquons que nous ne sommes pas assez compétentes, que nous n’avons  pas les capacités, que nous ne sommes pas suffisamment ceci, pas assez cela.

Un manque de confiance en nous qui nous empêche de nous sentir à notre place, notamment dans le monde professionnel

De se sentir illégitime, sans cesse en proie au doute. Désireuses d’honorer nos ambitions mais incapables de l’affirmer, de s’affirmer.

Est-ce qu’un jour on apprendra aux petites filles qu’elles aussi elles peuvent le faire ? Est-ce qu’un jour on brandira fièrement votre portrait, votre histoire pour nous inciter à casser les cases, à briser les codes ?

Malheureusement, il y a encore du pain sur la planche

Alors en attendant, à travers cette lettre je lève ma plume et ma voix, pour que dans les années à venir on narre votre parcours à nos filles. Vous, Rosa, qui avez fait de l’ombre aux plus grands peintres contre vents et misogynie. J’aurais aimé avoir votre poster au-dessus de mon lit. J’aurais aimé qu’on me raconte votre histoire au lieu de celle de la fragile et de la naïve Blanche-Neige. Peut-être que je n’aurais pas eu tant de doutes sur ma légitimité.  Et peut-être aussi que j’aurais pu manger une Pink Lady sans risquer l’intoxication, mais bon passons !

A travers cette lettre je voulais vous donner la place et l’honneur que vous méritez.

Alors maintenant je penserai à vous quand j’irai boire un verre aux Buttes-Chaumont. Et au lieu de débriefer le dernier date de ma pote Margot, je raconterai à Thomas votre incroyable histoire et je parlerai à Gab de vos sublimes talents artistiques. Mais en attendant, je file au Musée d’Orsay, où vos tableaux nous attendent depuis si longtemps.

Podcast Cultur’easy Rosa Bonheur
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