Un jour de printemps 1994, Quentin Tarantino, réalisateur et scénariste américain d’à peine 30 ans, marque la Croisette d’une empreinte indélébile. Celle d’un film que personne n’attend, Pulp Fiction, odyssée sanglante et burlesque de deux gangsters dans la jungle de Hollywood.

Les rues d’une petite ville de la banlieue de Los Angeles résonnent du pas précipité d’un gamin aux cheveux hirsutes et au regard noir. Affublé d’une cape découpée dans une toile cirée et d’une épée en bois, il court derrière un ennemi imaginaire qu’il s’est juré d’attraper et de mettre derrière les barreaux. Fiction ? Réalité ? Toujours est-il qu’à l’âge où ses pairs s’imaginent pompier ou docteur, le jeune Quentin se fait déjà son cinéma. Tarantino n’existe pas encore. Pendant quelques décennies, la Palme d’Or du festival de Cannes passera dans d’autres mains avant d’arriver dans les siennes.

Affiche du film Pulp Fiction
Affiche du film Pulp Fiction

Once upon a time…

Quentin Tarantino naît le 27 mars 1963 à Knoxville, Tennessee. Ses premiers pas dans l’existence sont ceux d’un enfant unique que sa mère assume seule. D’une jeunesse passée en Californie, où ses études l’abandonnent à 15 ans, il se nourrit de cinéma grâce à sa grand-mère et au nouveau compagnon de sa mère. Les salles obscures constituent son terrain de jeu. Les comics dévorés à l’envie alimentent son imaginaire. Il se découvre une plume. À lui l’écriture de petits scénarios déjà bien sordides qu’il offre en guise de cadeaux de fête des mères.

Sa passion pour le septième art ne cesse de croître. Sa quête passe alors par des chemins inattendus. Ouvreur puis projectionniste dans un cinéma pour adulte, il décroche ensuite un emploi dans un vidéo club à Manhattan Beach, le Video Archives. Il y rencontre Roger Avary, féru de cinéma lui aussi, avec qui il collaborera dix ans plus tard sur l’ovni Pulp Fiction. En attendant, ils s’essaient ensemble à l’écriture de quelques scénarios. Quentin Tarantino développe déjà les idées de True Romance et Tueurs nés. La route est longue et parsemée d’attente, d’espoir, d’hésitations… Le jeune Quentin n’en a cure. Il s’accroche. Peaufine lentement une identité qu’il ne connait pas encore.

Les premiers films de Quentin Tarantino

En 1990, le jeune homme quitte Video Archives pour Cinetel, une société de production. Si la vie était une succession de rencontres opportunes, la sienne résonnerait du nom de Tony Scott, rencontré par l’entremise d’un producteur. Le scénario de True Romance atterrit entre les mains du réalisateur bienheureux de Top Gun. Convaincu de son excellente facture, il en acquiert les droits et le réalise. Le film sort en salles en 1993. Quentin Tarantino est crédité au générique du titre de scénariste.

Double rampe de lancement pour celui qui voit plus loin que ses poches vides. Non seulement le film lui permet de financer en partie et de réaliser le mythique Reservoir Dogs en 1992, mais il lui apporte la notoriété nécessaire pour pouvoir développer et défendre ses projets à Hollywood. Suivra Tueurs nés en 1994, réalisé par Oliver Stone sur un scénario original de Tarantino. Le film est très controversé par la critique, en raison notamment de sa violence. Néanmoins, il assoit la patte créative du trentenaire.

Pulp Fiction : de la genèse du projet au tournage…

L’idée de Pulp Fiction naît, comme souvent, de discussions animées entre les deux complices de longue date, Quentin Tarantino et Roger Avary. Le titre examiné à la loupe nous donne déjà une première grille de lecture, explicitée par Tarantino lui-même :  rendre hommage aux Pulps des années 30 et 40, magazines peu coûteux bourrés de nouvelles souvent… médiocres et très populaires. Les histoires essaiment tous les genres. De la romance à la série noire, en passant par la littérature d’anticipation ou de science-fiction. Sombres et réalistes, elles bénéficient par ailleurs d’un traitement graphique qui booste l’imagination. Le canevas prend forme : proposer trois histoires construites sur le même modèle que les Pulps.

Couvertures de Pulps
Couvertures de Pulps

Lui imagine celle d’un gang de criminels de la banlieue de Los Angeles, assis en tailleur sur des moquettes improbables de chambres de motels, ou en mode reclus dans un studio sans moyens de communication. Il tient une pépite qui fera date. Il le sait. Reste à trouver un casting digne de ses ambitions. Des dizaines de noms sont pressentis. Lui retiendra uniquement l’idée de constituer un casting cool. […] « Prendre un acteur que j’ai toujours apprécié mais dont la carrière est un peu sur le déclin, et le mettre dans mon film et montrer aux gens à quel point il était bon. » C’est ainsi que se retrouvent sur le même banc de tournage John Travolta, Samuel L. Jackson, Bruce Willis, Tim Roth, Christopher Walken et consorts, et des toutes jeunes Uma Thurman et Maria de Medeiros. Tournage épique en cinquante-et-un jours, débuté le 20 septembre 1993.

… jusqu’à la présentation à Cannes

Portrait de Quentin Tarantino
Portrait de Quentin Tarantino

Festival de Cannes 1994. Une sélection de vingt-trois films en compétition. Un florilège de pépites cinématographiques annoncées. La Reine Margot, de Francis Chéreau. Soleil trompeur, de Nikita Mikhalkov. Les patriotes, signé Éric Rochant. Journal intime, réalisé par Nanni Moretti. Pour n’en citer que quelques-uns. Clint Eastwood préside le jury, Catherine Deneuve en est la vice-présidente. « And the Palm d’or Goes toPulp Fiction ! » Annonce faite par le président du jury lui-même.

Contre toute attente, Pulp Fiction, deuxième film de l’outsider Quentin Tarantino, décroche la Palme d’Or. L’équipe du film laisse éclater sa joie, se congratule, se tape dans les mains, monte sur scène d’un même élan. La salle applaudit, certains se taisent, d’autres sifflent, surpris. Que dire, quand seulement deux ans auparavant, Reservoir Dogs a été présenté hors compétition à un horaire où seuls quelques noctambules invétérés veillaient encore ? Lors de son discours de remerciement, le trentenaire livre son étonnement, entrecoupé de rires nerveux : « Je ne m’attendais pas à recevoir un prix dans un festival, Cannes ou un autre. Surtout lorsqu’un jury réunit autant de membres aux opinions divergentes. Mes films en général, font exploser les options ! »

Derrière les explosions de joie, une voix s’élève dans la salle

Celle d’une femme qui hurle à qui veut l’entendre : « C’est un scandale ! C’est un scandale ! C’est une daube ! » Ce n’est pas le doigt d’honneur adressé par Quentin Tarantino dans sa direction qui lui gâchera la fête. Le saint Graal, il n’en a même pas rêvé, et pourtant il le tient dans ses mains. Il est adoubé par la profession. Son sens du récit et du rythme, sa précision dans le montage, constituent désormais sa signature. Son film ? La victoire des films de série B sur les grosses productions. Des cartons oubliés dans des greniers poussiéreux, émerge un cinéma oublié, presque honteux. C’est un hommage à une littérature de sang, de violence un peu gratuite, limite gore. C’est aussi la reconnaissance d’un ton, d’un humour très acerbe, du côté très déjanté d’un réalisateur déjà talentueux.

L’après Pulp Fiction pour Quentin Tarantino…

Entre les nombreuses nominations et les prix récoltés par la suite, Pulp Fiction marque les esprits. Près de trente ans après Cannes, il est toujours un film culte. Après avoir imposé un style et une patte reconnaissables entre tous, il a également contribué à installer une légende. Le réalisateur n’a-t-il pas toujours annoncé qu’ils ne tourneraient que dix films ?

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Article concocté par Claire Bouchet ,

Un jour de printemps d’une année devenue incertaine, les mots se sont accrochés à ma plume pour ne jamais la quitter. Qu’ils jaillissent sans prévenir ou bullottent lentement en profondeur, telle la lave de mes Volcans d’Auvergne d’adoption, j’en prends soin, je leur parle, les caresse, les acidule, jusqu’à ce qu’ils soient prêts à être lus. Ici ou ailleurs, les pieds sur terre et la tête dans les étoiles, j’arpente les sentiers de l’écriture sans jamais perdre le nord ni me départir de mon carnet fétiche, témoin silencieux et fidèle de mon imagination fertile. Ma curiosité funambule sur le fil de l’art, fait ses gammes en musique, virevolte d’une toile à une expo, esquisse des pas de deux sur des danses d’un autre temps et s’anime devant un livre ouvert. Une vraie Zébulone !!

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